Selon l'Autorité maritime et portuaire de Singapour (MPA), le nombre de navires en escale à Singapour pour s’avitailler est tombé à 2 940, soit 7,2 % de moins qu'en mai, et 3 242 de moins qu'en juin de l'année dernière. Les ventes de carburant marin dans le premier hub mondial de soutage ont plongé en conséquence, à 3,75 Mt le mois dernier, en repli de 9 % par rapport au mois de mai. Le fauteur de troubles est bien la flambée du cours du brut. La hausse, particulièrement pregnante dans le port de la Cité-Etat, est bien plus modérée dans d’autres places d’avitaillement majeures, comme Rotterdam ou Fujairah aux Émirats arabes unis.
D’après les données de la MPA, les ventes du combustible de soute bas carbone le plus négocié, le VLSFO, dont les prix se sont enflammés (entre 1 000 et 1 200 $ la tonne contre environ 800 $ en mai), ont chuté d'environ 5,7 % par rapport aux niveaux de mai, pour atteindre 1,9 Mt.
La situation est loin d’être banale : les ventes du fuel à forte teneur en soufre ont au contraire augmenté pour atteindre 1,05 Mt, niveau le plus élevé de l'année, en raison des rabais relativement importants proposés par les vendeurs. D’où les écarts extrêmes entre les deux, autour de 600 $/t (472 € pour l’IFO et 1 005 $ pour le VLSFO). L’écart est aussi bien moindre à Rotterdam ou le carburant à basse teneur en soufre est coté à 786 $ tandis que son équivalent à haute teneur en soufre est à 786 $.
Écarts extrêmes entre les carburants maritimes à Singapour
Zhoustan en profite
La situation profite à d'autres ports comme Zhoushan en Chine, qui a l’avantage d’être dans la région et où les prix des combustibles marins à faible teneur en soufre ont été proposés à un prix bien inférieur pendant la majeure partie du mois de juin. Selon les analystes de Vortexa, société d'analyse de données, en plus d’un brut plus cher, les prix des combustibles marins, en particulier ceux des produits à faible teneur en soufre, ont grimpé en flèche parce que le marché est confronté à des difficultés d'approvisionnement.
Les sanctions de grande envergure visant les exportations énergétiques de Moscou – notamment le pétrole brut et le diesel –, depuis l'invasion de l'Ukraine le 24 février ont obligé les acheteurs européens à parcourir le monde pour trouver des alternatives. Le marché du pétrole à haute teneur en soufre est non seulement bien approvisionné, mais aussi inondé de barils sanctionnés (russes, vénézuéliens, iraniens) bénéficiant de fortes remises, certes en Asie, mais aussi au Moyen-Orient et en Méditerranée.
Des pénuries qui profitent au fuel lourd
Ainsi le pétrolier Aframax Suvorovsky Prospect, armé par Sovcomflot et battant pavillon libérien, a accosté en fin de semaine dernière au port de Matanzas à Cuba avec quelque 700 000 barils de fuel, chargés au port russe d'Ust-Luga. Cette cargaison, qui n’est pas la première, est estimée à quelque 70 M$ aux prix du marché.
Cuba, qui dépend du Venezuela comme principale source d'importation (56 610 barils par jour), est contraint par son partenaire et allié politique qui peine à satisfaire sa propre demande intérieure si bien que le pays d’Amérique latine est en train de devenir l’un plus grands importateurs de carburant russe du continent, selon les données de suivi des navires. L’île, qui produit la majeure partie de son électricité à partir de fuel et de sa propre production de brut lourd, est confrontée à des coupures de courant et à un rationnement du carburant dans un contexte inflationniste
A.D.