Piraterie : l'UE reconduit son engagement militaire dans le Golfe de Guinée mais la Somalie est en suspens

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L’UE reconduit pour deux ans supplémentaires son programme pilote de « présences maritimes coordonnées » qui permet d’assurer la présence d’un bâtiment militaire tout au long de l’année dans le Golfe de Guinée. Le Danemark, l’Italie, l’Espagne, la France et le Portugal y participent. En revanche, au large de la Somalie, le devenir de la mission Atalanta, qui doit expirer en mars, questionne.

Il y a un an, l’UE avait annoncé la mise en oeuvre de son programme pilote de « présences maritimes coordonnées » (CMP en anglais) au large de la côte ouest africaine, qu’elle avait annoncé en 2019.

Sous ce concept, avait annoncé le Service européen d'action extérieure (SAE), « il s’agit de recourir aux ressources navales et aériennes existantes des États membres pour accroître la capacité à agir ». Étant entendu, selon un autre principe cher à l’UE, haut lieu du compromis, que la coordination se fait sur une base volontaire, les ressources restant subordonnées aux chaînes de commandement national.

L’UE promettait un « instrument souple et léger » via une cellule de coordination au sein de l'État-major de l'UE et s’adossant au réseau Marsur, bras armé technique de l'Agence européenne de défense. L’an dernier, cinq États membres ont ainsi déployé des navires de guerre dans la région, assurant la présence continue d'au moins un navire tout au long de l'année.

Estimant l’instrument « efficace et utile pour contribuer à la sécurité maritime dans le Golfe de Guinée », les États membres ont renouvelé pour deux ans supplémentaires leurs mandats à compter de janvier 2023. Ainsi, le Danemark patrouillera dans les eaux d'Afrique de l'Ouest pendant quatre mois, l'Espagne durant sept mois et demi, la France pour onze mois, l'Italie, huit mois et le Portugal pendant, trois mois et demi.

Baisse manifeste

Si les actes de piraterie, au nombre de 132, ont atteint l'an dernier leur plus bas niveau depuis vingt-sept ans en 2021, d'après le Bureau maritime international, le Golfe de Guinée a été ces dernières années le théâtre d’événements particulièrement violents. Depuis 2019, cette zone de plus en plus inhospitalière, qui s'étend sur des milliers de km de l'Angola au Sud du Sénégal, a connu une augmentation sans précédent du nombre d'enlèvements en concentrant 25 % du total mondial. Les trois détournements de navires et neuf des onze navires qui ont fait l’objet d’attaques avec armes à feu en 2020 concernaient aussi la côte ouest africaine.

L’an dernier, la baisse a été significative : 34 incidents contre 81 l'année précédente. Bien que la région représente un peu plus de 95 % de tous les enlèvements contre rançon en mer (57 membres d'équipage en otages), le nombre d'incidents de piraterie et de vols à main armée est resté toutefois inférieur en 2021 à ce qu'il était en 2019 ou 2020.

Ces résultats peuvent être attribués « d’une part aux efforts déployés par les marines nationales et régionales et, d'autre part, à la présence accrue et permanente de moyens internationaux dans la zone », assure le SAE.

Risque toujours élevé

L'UE renouvelle son engagement, estimant que les risques d'activité pirate restent élevés, principalement dans les eaux côtières du Togo et du Gabon, avec le Nigeria comme centre de gravité.

« Les attaques éventuelles pourraient se concentrer sur des cibles plus proches du delta du Niger, en changeant le mode opératoire à la lumière de la présence navale accrue. Les pirates pourraient commencer à opérer plus près de leur lieu d'origine, ce qui leur permettrait de fuir s'ils sont interceptés », indique le rapport du SAE.

Des résultats tangibles en Somalie

La piraterie maritime a changé de destination géographique ces dernières années depuis que les pirates originaires de Somalie ont été mis au pas par les opérations militaires internationales déployées dans le golfe d'Aden et dans l'océan Indien, épicentre mondial de la piraterie de 2001 à 2012.

Là, des gardes armés et des bâtiments de guerre dépêchés par l'UE dans le cadre de la mission de sécurité maritime Atalanta (Eunavfor), par l’OTAN dans le cadre de l’opération Ocean Shield et par les États-Unis (Combined Joint Taskforce-Horn of Africa) pour protéger les navires empruntant le canal de Suez, ont manifestement donné des résultats. En 2020, aucun incident de piraterie et de vol à main armée n’avait été signalé au large des côtes somaliennes.

Quel devenir pour Atalante en Somalie

Mais le pays, actuellement plongé dans une crise politique profonde, avec des élections parlementaires prévues le 25 février mais à l’issue incertaine, questionne le devenir de ces missions.

En avril 2021, le président Mohamed Abdullahi Farmaajo a signé une loi controversée prolongeant son mandat de deux ans, provoquant une scission avec son Premier ministre Mohamed Hussein Roble. Les rivalités politiques et les lacunes en matière de gouvernance ont permis à une milice islamiste extrémiste d’établir un bastion dans le pays.

Le mois dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté la prolongation en Somalie de toutes les actions de la marine internationale pour trois mois supplémentaires. Celle de l’UE, en vigueur depuis 14 ans, devait donc expirer en mars.

Perte de la base juridique

Si la résolution des Nations unies expire en mars, Atalanta perdra donc sa base juridique pour opérer au large des côtes somaliennes. Au vu de la situation, les dirigeants européens estiment que cette période est bien insuffisante pour mettre en place les structures régionales garantissant une stabilité durable.

Un document du service extérieur de l'UE, qui a fuité (et notamment diffusé par EU Observer), indique par ailleurs que le gouvernement somalien serait peu enclin à poursuivre les opérations navales internationales dans ses eaux. Une position qu’il faut lire dans le contexte du processus électoral actuel, a balayé le SAE.

Adeline Descamps

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