L’affaire dure depuis quelques mois et la situation financière délicate de la compagnie singapourienne alimente encore davantage les spéculations. Le 10e transporteur mondial de conteneurs publie ses comptes et dément vigoureusement toute possibilité de faillite. Envers et contre tous les signes apparents…
Énième épisode d’une saison interminable quant au sort de la compagnie singapourienne, que d’aucuns veulent croire en situation de faillite. En réponse aux spéculations, PIL, propriété de la famille Teo dirigée par SS Teo, personnalité de la communauté maritime du pays, s’est fendu d’une déclaration dans laquelle elle dénonce les « rumeurs » sur sa probable défaillance et « se réserve le droit de poursuivre en justice » ceux qui s’y emploieraient.
À vrai dire, depuis février, date à laquelle le 10e transporteur mondial de conteneurs avec 1,6 % des capacités conteneurisées (387 443 EVP, 110 porte-conteneurs dont 64 en propriété) a annoncé son abandon du marché transpacifique, puis la cession de quelques navires et la vente de ses participations dans d’autres compagnies (Pacific Direct Line) et d’actifs, la société est au cœur de toutes les spéculations.
« Alors que la situation se rétablit en Chine, la compagnie et toutes nos filiales chinoises ont entièrement repris leurs activités le 9 mars », indique la société qui « se prépare à un fort rebondissement après l'épidémie ». « Face à un environnement de marché mondial de plus en plus complexe et incertain, les sociétés seront résilientes grâce à une rationalisation des services qui concentrera nos efforts sur les principaux marchés de lignes régulières en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Océanie et en Amérique du Sud. Nous sommes bien positionnés pour saisir les opportunités de marché offertes par l'initiative Belt and Road (BRI), ce qui renforcera notre position dominante sur les routes Nord-Sud. »
PIL abandonne le transpacifique
Sous la pression, la singapourienne a publié le 14 avril ses résultats financiers pour 2018 et le premier semestre 2019. Ils étaient attendus car, là encore, le retard de neuf mois pris par rapport à la date limite de déclaration requise dans le cadre de son émission d'obligations en circulation, qui arrivent à échéance en novembre 2020, avait nourri les supputations. Elle était en effet tenue de transmettre ses états financiers à son administrateur fiduciaire sur une base semestrielle dans les six mois suivant la clôture de l'exercice financier concerné. Or la dernière publication remonte à novembre 2018.
Sur cette base incomplète, la compagnie et ses filiales ont accusé des pertes nettes pour l'année 2018 de 254 M$ et de 35 M$ au premier semestre 2019. Le groupe détient également 41 % des parts de Singamas (bien que ses actions aient été données en gage à une unité liée à Temasek Holdings de Singapour depuis janvier 2018).
Fondé en 1988, Singamas est un des grands fabricants de conteneurs. Cotée à la Bourse de Hong Kong depuis 1993, l’entreprise basée à Hong Kong a progressivement élargi ses activités à la logistique en créant des dépôts de conteneurs, dont huit en Chine et deux à Hong Kong. En outre, une société de logistique a été ouverte à Xiamen en 2001. En 2019, ses résultats financiers faisaient apparaître une perte nette de 110 M$, contre un bénéfice net de 72 millions en 2018. Singamas avait indiqué à l’occasion de la publication que PIL avait 148 M$ de créances à son égard et révélé que le transporteur était en négociation avec ses créanciers pour restructurer sa dette, ce qui a relancé la machine à rumeurs.
Selon les informations disponibles sur le bilan en juin 2019, décrypte Alphaliner, « la dette financière totale de PIL, y compris celles liées à la location mais à l'exclusion des montants dus aux sociétés liées, s'élevait à 3,86 Md$ dont 1,31 Md$ sont des dettes à court terme, dues dans un délai d'un an ».
Adeline Descamps