Onze compagnies maritimes entendues par la FMC

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La semaine dernière, l’autorité américaine de régulation du transport maritime a achevé la première phase de l’audit de 11 compagnies maritimes. Il s’agit de déterminer si les plaintes des chargeurs américains sont fondées. À savoir s’ils ont été sciemment lésés par les compagnies durant la crise sanitaire.

Le 19 avril, des représentants de CMA CGM, COSCO, HMM, Yang Ming et ZIM ont été entendus par les commissaires de la FMC alors que MSC, Hapag Lloyd, ONE, OOCL, Evergreen et Matson avait été préalablement été reçus. La semaine dernière, l’autorité qui réglemente le transport maritime outre-Atlantique, a ainsi achevé la première phase d’un vaste audit entrepris dans le cadre de son programme dénommé VOCC (Vessel Operating Common Carrier) visant les 11 compagnies maritimes qui touchent les ports américains.

Pour l’autorité américaine de réglementation du secteur, il s’agissait de déterminer si les transporteurs ont opéré dans un cadre conforme aux règles américaines sur le transport maritime alors que les chargeurs américains ont porté plainte à de nombreuses reprises durant la crise sanitaire. Une période pendant laquelle la demande de transport n’a pas été pleinement satisfaire en raison d’un écheveau de contraintes : pénuries de navires, de conteneurs, de châssis (essentiels dans les ports américains pour évacuer les conteneurs vers l’extérieur), engorgement des ports, repositionnement problématique des vides...

Les chargeurs américains, notamment du secteur agricole, estiment que les transporteurs ont concentré, à leur détriment, conteneurs et navires sur la très lucrative route entre Asie et États-Unis à l’import pour profiter au maximum des taux de fret particulièrement élevés dans ce sens. Au plus fort de la crise sanitaire, pour pallier la carence d’équipements, certains transporteurs, dont l’allemand Hapag-Lloyd, avaient en effet suspendu la collecte de conteneurs de produits agricoles américains, notamment de l’hinterland, pour pouvoir repositionner au plus vite des conteneurs vides en Asie. La décision avait provoqué la colère de la Specialty Soya and Grains Alliance (SSGA). 

Réforme de la loi sur le transport maritime

Les plaintes récurrentes ont fini par alerter l’administration de Joe Biden et même à trouver une écoute particulière auprès du président en personne, qui durant son discours sur l’État de l’Union, y a consacré un long développement et porté l’estocade contre les compagnies. Les attaques des exportateurs américains sont pour partie à l’origine de la réforme législative en cours de l'Ocean Shipping Act, qui poursuit son cheminement parlementaire.

Après avoir été adopté à la fois par la Chambre des représentants et le Sénat des États-Unis, le projet de loi, défendu par des représentants des deux partis, démocrate et républicain, doit désormais être examiné par le Comité de conférence du Congrès, un organisme chargé de trouver un terrain d'entente entre les deux Chambres lorsque celles-ci défendent des versions différentes d'un même texte législatif. 

Dans le cadre de la réforme de la loi régissant le transport maritime, les pouvoirs de contrôle et de police de la FMC devraient être renforcés. En mars, l’autorité de régulation a ainsi entamé un vaste d’audit, qui n’est pas le premier, et devrait remettre ses premières conclusions avant l’été. Les données de trafic de la première porte d’entrée du pays pour le fret conteneurisé tendraient à leur donner raison. Los Angeles a ainsi traité 958 674 EVP en mars, dont 11 781 EVP à l’export, en baisse de 9 % par rapport à la même période de l'année précédente. Les exportations y ont ainsi diminué pendant 37 des 41 derniers mois.

Alors que les importations d'Asie vers l'Amérique du Nord ont explosé de 31 % depuis le début de la pandémie (janvier/février 2019 contre janvier/février 2022), les exportations ont chuté de quelque 19 % pour la même période (source : Xeneta)

Défaut d’équipements dans le collimateur

Le défaut d’équipements est aussi dans le collimateur des autorités. Prises par surprise par un boom inédit de la consommation, les compagnies se sont trouvées en défaut de conteneurs tout en étant confrontées à une problématique de repositionnement des vides, les boîtes séquestrées sur les quais du fait des arriérés accumulés pendant la pandémie et de la congestion qui s’est ensuite exacerbée.

Mais à cet égard, ce sont les fabricants chinois qui sont ciblés. Carl Bentzel, un des commissaires de la FMC, a récemment publié un rapport de 28 pages à la suite de son enquête d'un an sur la mainmise asiatique sur les boîtes jusqu’à la fabrication. 

Les trois plus grands fabricants chinois contrôlent en effet plus de 86 % de l'offre mondiale de châssis et plus de 95 % des conteneurs sur le marché mondial. « Ces entreprises sont détenues et contrôlées par l'État et bénéficient d'importantes subventions gouvernementales », ajoute le commissaire.

Le rapport estime notamment que face à la pénurie de boîtes, les fabricants ont tardé à augmenter leur production, sous-entendant « une stratégie délibérée de manipulation des prix. »  Les équipementiers chinois auraient ainsi géré au cordeau la production pour maintenir à la hausse les prix des boîtes neuves qui avaient chuté de manière assez spectaculaire entre 2017 et début 2020. À la fin de 2019, ils valaient entre 1 650 à 1 750 $ par unité d'équivalent coût (UEC, une mesure de la valeur d'un conteneur). Depuis la fin de 2020, ils coûtaient 3 500 $, selon les professionnels. 

Trop dépendants de l’étranger

« Notre industrie et nos équipements maritimes sont de plus en plus dépendants de la Chine. La pandémie a montré à quel point notre chaîne d'approvisionnement et notre économie sont interdépendantes de partenaires étrangers. Nous devons évaluer de près nos partenariats », estime Carl Bentzel, qui entend susciter un débat sur les conséquences à long terme de cette dépendance pour les États-Unis et d'autres pays.  

Le rapport ne fait pas de recommandations sur la question de savoir si la FMC doit procéder à une évaluation en s’appuyant sur la loi sur les pratiques de transport maritime à l'étranger (FSPA), promulguée en 1988 et en vertu de laquelle il est possible de « prendre des mesures contre les activités des transporteurs et des fournisseurs de services maritimes étrangers pour des pratiques commerciales restrictives qui nuisent aux transporteurs américains ».

En revanche, le rapport recommande clairement de favoriser la fabrication locale, mentionnant à cet égard les efforts déployés par des entreprises comme Global Secure Shipping pour « commercialiser un nouveau conteneur intelligent fabriqué à l'aide de matériaux composites avec une technologie développée par la recherche de l'Université du Maine et de l'Institut de technologie de Géorgie. La fabrication des conteneurs maritimes a peu évolué depuis sa création. La technologie sera la meilleure alliée pour développer ce marché. »

La Corée du sud et le Vietnam, à la manœuvre

Les États-Unis, dont on peut se demander si cette chasse à l’étranger n’est pas uniquement dictée par le complexe (aucune grande compagnie maritime pour la première puissance économique mondiale), ne sont pas isolés dans ce combat. Après en avoir eu la primauté, la Corée du Sud est de retour dans le précarré de son grand voisin chinois. Soutenues par la banque publique Korea Ocean Business Corporation (KOBC), deux entreprises sud-coréennes, Seojin Systems et Ace Engineering, se sont associées pour fabriquer des conteneurs à Haiphong au Vietnam, où l’usine aura une production initiale de 4 000 conteneurs par mois avec HMM pour premier client.

Si la pièce est relativement simple, aucun pays n’est en mesure de concurrencer le coût unitaire d’un conteneur fabriqué en Chine. L’acier, principal élément du process de production, représente environ 60 % du coût total. Or, le prix de l’acier laminé à chaud américain, par exemple, a été 28 % plus élevé que son équivalent chinois au cours de la dernière décennie. Avec la flambée des prix de l’acier, l’écart s’est amplifié. Et c’est sans compter les avantages concurrentiels naturels de la Chine : coût de la main-d’œuvre et soutien public.  

Le Vietnam s’est récemment positionné sur le marché, avec un certain nombre d'usines qui devraient ouvrir cette année, mais avec des capacités marginales par rapport à la production chinoise. 

Adeline Descamps

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