Le 1er janvier, le transport maritime a basculé dans un monde inconnu, répondant au nom de code siglé IMO2020. Un nouvel environnement dans lequel les exploitants de flotte vont naviguer au doigt mouillé, sans trop de repères quant à leurs coûts d’exploitation. Et ce, quelle que soit l’option choisie pour mettre leur flotte d’équerre avec la réglementation plafonnant le seuil de soufre à moins de 0,5 % édictée par leur autorité de réglementation, l’Organisation maritime internationale (OMI). Où en sont-ils ?
Au 10 décembre, avait calculé l’analyste de référence du secteur Alphaliner, 212 porte-conteneurs totalisant une capacité de 1,79 MEVP étaient équipés de scrubbers, ces dispositifs qui permettent de conserver le fioul à haute teneur en soufre HFO puisqu’ils jouent leur rôle de filtre des gaz de cheminées. Une centaine était alors en passe de l’être. Selon ces projections, le nombre de navires aujourd’hui aux normes s’élèverait donc peu ou prou à 5,9 % (et 11,8 % en tonnage) de la flotte mondiale (estimée à 5 327 unités). Toujours selon le spécialiste de la ligne régulière, la capacité globale de la flotte équipée atteindrait 5 MEVP d'ici fin 2020 et 10 MEVP pour quelque 1 000 navires (nouvelles constructions, comprises) d'ici fin 2022.
Premier constat basique : la majorité des transporteurs a manifestement pris le parti d’intégrer un autre poste dans les coûts d'exploitation à court terme : les amendes. Tout au long de l’année 2019, pas une seule manifestation n’a manqué de relayer leur sincérité à devenir plus verts mais leur atermoiement à le concrétiser dans leurs investissements, faute de visibilité sur la disponibilité des carburants de substitution, sur la fiabilité de l’infrastructure d’approvisionnement au niveau mondial et les niveaux de prix futurs.
Le fuel lourd n’a pas dit son dernier mot
À l’heure de l’échéance, le couple scrubbers/HFO domine les décisions de ceux qui ont respecté les échéances, conformément à ce qui avait été anticipé par ceux qui ont eu les yeux rivés sur les jauges toute l’année. Nonobstant les coûts d’immobilisation très probablement sous-estimés (de 30 000 à 50 000 $ par jour pour certains) pour effectuer les travaux, dont la durée moyenne s’est établie en 2019 à 59 jours (jusqu’à plus de 80 jours cependant pour 17 % d’entre eux), faute d’anticipation des exploitants (panique de dernière minute) et d’un défaut de capacité des chantiers (provoquant un embouteillage au mouillage), les systèmes d’épuration des gaz d’échappement (EGCS, Exhaust Gas Cleaning Systems) offrent aux transporteurs un net avantage sur le plan des coûts d'exploitation. Du moins dans une première phase à la durée également incertaine.
Partant avec un avantage certain, les navires avec scrubbers ont au moins l’assurance de s’avitailler avec un carburant « sans surprise » quant à sa qualité et disponibilité, et surtout dont le prix moyen est pour l’heure, selon le port de soutage, de 250 à 300 $ la tonne moins cher que son équivalent à faible teneur en soufre (VLSFO). Et alors même que le prix du fioul lourd n’a cessé de baisser tout au long de l’année 2019 – entre 277 et 259 $ entre octobre et décembre, il faut remonter à 2015 et 2016 pour trouver des niveaux aussi bas – son homologue plus vertueux restait vissé à ses sommets. Il devrait le rester jusqu’à ce que le marché trouve son équilibre entre l’offre et la demande, promettent les majors du pétrole. Les fournisseurs de carburant supputent que les courbes finiront par s’inverser au point que le « paria » HFO deviendra même une exception.
En 2019, l'écart de prix entre le fioul lourd (HFO) 380 cst et le fioul à très faible teneur en soufre (VLSFO) a connu son point le plus élevé à Rotterdam à 297 $ la tonne et à 467 $ à Singapour, alors que le prix du baril de brent s’est établi en moyenne annuelle à 65 $. Au 26 décembre, à Rotterdam, le HFO/380 Cst se « touchait » à 291 $ la tonne quand le VLSFO était à 576 $/t et le MDO (gasoil marin) à 597 $/t. Un an auparavant, au 3 janvier 2019, le HFO s’établissait à 320 $/t et le MDO à 483 $/t.
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