À n’en pas douter, la migration digitale dans le secteur du transport maritime s’est accélérée à la faveur de la crise sanitaire. L’épidémie pourrait bien faire tomber les dernières digues de réticences à l’égard des outils d’information qui se sont extrêmement sophistiqués ces dernières années sans pour autant susciter encore une franche adhésion. Dans l’environnement très caractéristique de 2020 – restrictions de la mobilité, télétravail, confinement, commerce électronique accru, approvisionnement perturbé... –, les outils en ligne auront démontré leur pertinence.
Dans le « monde d’après » pourraient de surcroît contribuer à atténuer l'impact des perturbations de la supply chain alors que des conteneurs sont bloqués dans divers ports, terminaux, dépôts et entrepôts du monde entier parce que les destinataires ne disposent pas des documents nécessaires pour libérer ces marchandises à leur destination. C’est en tout cas ce que défend avec conviction MSC qui déploie dans le monde l’alternative numérique à ce document roi dans le transport maritime : le connaissement.
L’accélération digitale, un cheval de Troie pour les compagnies maritimes
Une inscription au service sur web suffit
Après avoir mené « avec succès » des projets pilotes de e-BL dans plusieurs pays depuis 2019, le numéro deux mondial du transport maritime conteneurisé, qui a parallèlement étoffé ces derniers mois son bouquet de services numériques, est en mesure de généraliser son offre.
Pour mettre en œuvre cette option proposée gratuitement et conçue avec une interface facile d’accès, – les utilisateurs ne paient que pour l'émission des documents originaux et ils n'ont pas besoin d'investir dans une infrastructure informatique ou de procéder à des changements opérationnels pour utiliser le service –, l’armateur s’est appuyé sur la technologie développée par la société israélienne Wave BL (au capital de laquelle est récemment entré l’armateur compatriote ZIM).
Basée sur la blockchain, la plateforme garantit à toutes les parties impliquées dans la réservation d’un voyage la capacité d’émettre, de transférer, d’endosser et de gérer les documents par le biais d'un réseau sécurisé. Les utilisateurs peuvent émettre tous les originaux, négociables ou non négociables, et les échanger via une transmission directe, cryptée, de pair à pair. Il est également possible pour eux de modifier les documents. Le protocole de communication est par ailleurs approuvé par l'International Group of Protection & Indemnity Clubs.
La blockchain s'invite dans l’hinterland
Alternative numérique aux documents imprimés
« MSC a choisi Wave BL parce que c'est la seule solution qui reflète le processus traditionnel sur papier auquel les acteurs de l'expédition et du transport de marchandises est habitué », justifie André Simha, responsable du numérique et de l'innovation chez MSC, convaincu du moment opportun pour ce lancement. « L'e-BL répond ici à un besoin très actuel en permettant aux parties prenantes de surmonter les restrictions aux frontières, les interruptions des services postaux et autres perturbations liées à une pandémie. En dématérialisant le BL et les autres documents d'expédition, le personnel peut en outre continuer à opérer tout en étant en télétravail »
Membre fondateur de la Digital Container Shipping Association (DCSA), notamment à l’origine de travaux sur le connaissement maritime, MSC pouvait difficilement ne pas assurer le service. André Simha est par ailleurs président de cette association qui fédère les plus grands armements conteneurisés avec pour objet de lever les verrous à la digitalisation du fret maritime notamment via l’interopérabilité.
Des centaines de mails nécessaires pour assurer un transport standard international
« La numérisation de la documentation, à commencer par le connaissement, est essentielle à la simplification et à la numérisation du commerce mondial. La transformation qui a eu lieu dans le secteur du transport aérien est un exemple de ce qui est possible si nous travaillons ensemble », souligne Thomas Bagge, le directeur général de l’association.
Dans le transport maritime, dans la mesure où chaque maillon de la chaîne a son propre système d’informations et fonctionne en silo, la coordination entre tous se fait encore par téléphone, mail ou fax. Des centaines de mails seraient nécessaires pour assurer un transport standard entre la France et la Chine.
Ceux qui connaissent la mécanique d’une supply chain dans le maritime se demandent d’ailleurs comment les systèmes qui gèrent autant d’informations disparates peuvent encore être tellement manuels aujourd’hui. La Digital Container Shipping Association est à l’origine de recherches qui ont livré plusieurs enseignements mais un d’entre eux a surtout retenu l’attention : avec une adoption de 50 % des connaissements électroniques, le secteur pourrait économiser jusqu'à 4 Md$ par an d'ici 2030.
Services plus rapides, plus efficaces, plus sûrs
« En plus des économies considérables, l'e-BL offre un large éventail d'avantages aux expéditeurs, à commencer par l’élimination du papier dans la chaîne d'approvisionnement. Les expéditeurs peuvent transférer instantanément des documents électroniques originaux et négociables au-delà des frontières. La solution permet des transferts plus rapides, ce qui se traduit par un cycle de paiement plus court. De plus, les processus électroniques sont beaucoup moins susceptibles de falsification, de fraude, de perte ou d'erreur humaine », insiste encore André Simha, espérant ouvrir la voie à un usage généralisé du connaissement électronique.
Adeline Descamps