Les trois principales compagnies japonaises, Nippon Yusen Kaisha (NYK), Mitsui OSK Lines (MOL) et Kawasaki Kisen Kaisha (K-Line), qui consolident une flotte de plus de 1 800 navires, sont les derniers grands comptes en date dans le transport maritime de voitures à avoir annoncé la suspension de leurs passages dans la zone critique.
La mer Rouge est restée jusqu’à présent fréquentée par de nombreux transporteurs de voitures alors même que l’attaque contre le PCTC Galaxy Leader, exploité par NYK, a donné le coup d’envoi de la « guerre » déclarée par la milice armée. Il est d'ailleurs, à ce jour, la seule prise de guerre, avec son équipage, des rebelles houthis, qui le tiennent sous contrôle dans le port yéménite de Hodeïda.
En décembre, le norvégien Wallenius Wilhelmsen , l’un des plus grands armateurs de car-carriers, avait suspendu ses services au profit de la route du Cap, Lasse Kristoffersen, son directeur général de Wallenius Wilhelmsen, estimant que la protection militaire n’offrirait pas une sécurité suffisante « pour une société comme la nôtre ».
Frappes dissuasives
Tandis que Cosco et Grimaldi restent discrets, les frappes américaines et britanniques des 11 et 12 janvier semblent avoir été dissuasives pour NYK et K-Line, les numéros deux et quatre mondiaux dans le transport de véhicules.
Affrété pour acheminer une cargaison de véhicules du Japon et de la Chine vers Portbury à Bristol, via le canal de Suez et les ports méditerranéens du Pirée et de Livourne, le Bangkok Highway de K-Line (capacité de 5 036 voitures) s’est immobilisé dans l'océan Indien le 12 janvier avant d’opérer un virage à 90 degrés vers le sud le 16 janvier, en direction de l'Afrique du Sud. Il était attendu au hub d’importation du Royaume-Uni le 30 janvier.
Les Freesia Leader (7 000 CEU), qui devait également accoster à Bristol le 28 janvier, et le Neptune Leader (4 318 CEU), deux porte-voitures de NYK, ont réagi de façon similaire. Mais la compagnie n’a pas fait d’annonce officielle.
Répercussions chez Volvo, Tesla et Suzuki
Les perturbations ont déjà affecté les chaînes de production des constructeurs automobiles. Volvo a fait valoir une pénurie de pièces détachées pour justifier la suspension de sa production. Dans le même temps, Tesla se dit entravé par un problème d'approvisionnement tandis que Suzuki a mis sa production en Hongrie en suspens, sans que l'on sache si la fermeture temporaire concerne des lignes ou le site.
Une année de super-cycle pour les transporteurs de voitures
Les événements en mer noire interviennent alors que le marché du transport maritime de voitures vient de vivre une année de super-cycle avec des taux d'affrètement en hausse de 10 % sur les 11 premiers mois de l'année, à 115 000 $ par jour (plus de 7 fois les niveaux moyens de 2019) tandis que les armateurs ont déclaré, à chaque trimestre, des bénéfices très élevés.
Selon les estimations préliminaires de Clarksons, publiées avant les événements en mer Rouge, le commerce maritime de voitures (flotte de 760 navires totalisant une capacité de 4 millions de voitures, en CEU) devrait augmenter de 17 % pour atteindre 23,7 millions de véhicules transportés en 2023, dépassant le précédent record de 21,5 millions de voitures en 2018.
La forte croissance des exportations en provenance d'Asie y est pour beaucoup, notamment de Chine (4,1 millions de véhicules prévus en 2023, contre moins de 1 million en 2020), du Japon (plus 17 %, soit 5 millions de véhicules) et de Corée du Sud (plus 20 %, soit 3,2 millions de véhicules).
En 2023, les États-Unis devraient rester le plus grand importateur (4,2 millions de voitures), mais les importations européennes seront celles qui ont enregistré la plus forte croissance (+ 39 %).
Adeline Descamps
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