Louis Dreyfus Armateurs est convaincu depuis plus d’une décennie du potentiel des énergies renouvelables offshore. Il s’est organisé pour répondre à ce marché. Alors que son second SOV sera bientôt livré, l’armateur français fait cette fois recette avec ses navires dédiés au transfert d’équipage de maintenance. Au côté du britannique Tidal Transit, il a été retenu par GEl pour fournir deux navires de ce type. Ils seront construits par le chantier naval français OCEA.
L’éolien offshore est un marché prometteur pour le transport maritime. Il suscite du moins de l’intérêt mais le ticket d’entrée reste élévé. Scorpio Bulkers en fournit un éloquent exemple. La compagnie, qui a décidé de quitter le vrac sec pour se positionner sur ce marché en expansion, est en train de vendre sa flotte d’une quarantaine de vraquiers. Le montant de ces cessions suffira à peine pour s’offrir son premier navire de services. Selon Clarksons Platou, les dix plus grands acteurs possèderaient actuellement quatre à cinq navires sans qu’un leader ne se distingue. L’industrie se structure donc et le développement des parcs éoliens déclenche lentement les commandes de navires.
La France accuse un retard certain dans le développement de l'éolien offshore sur ses côtes par rapport à certains de ses voisins européens : en 2019, le Royaume-Uni avait déjà posé 2 225 éoliennes en mer, l'Allemagne 1 469, le Danemark 559, contre une seule pour la France. Mais la situation semble se décanter pour les acteurs de cette industrie tributaire du cadre réglementaire : les pouvoirs publics se sont fixés un objectif de 25 % pour l'électricité produite en mer en 2050. La Commission européenne a, elle, dévoilé une feuille de route portant la capacité de production éolienne en mer en Europe de 12 gigawatts actuellement à 25 fois plus d'ici 2050.
« Avec l'éolien en mer, c'est bien une révolution pour la transition écologique à l'échelle planétaire qui est en cours. La Chine l'a bien compris puisqu'elle deviendra à l'horizon 2025 le premier pays au monde par ses capacités de production d'électricité par l'éolien en mer », écrivait la ministre de la Mer Annick Girardin dans une tribune publiée par Le Journal du Dimanche, regrettant le retard pris en France.
Le Wind of Hope, navire-témoin des ambitions dans l'éolien offshore
Longueur d’avance
Louis Dreyfus Armateurs s’est positionné sur le marché des énergies maritimes renouvelables (EMR) il y a déjà une dizaine d’années en se positionnant dans l'assistance aux champs éoliens, capitalisant sur son expérience acquise dans la pose et la maintenance de câbles sous-marins, une autre des diversifications de l’opérateur historique de vrac sec.
Ses deux premiers SOV (Service Offshore Vessel) – les Wind of Change et Wind of Hope – ont convaincu Ørsted le premier développeur mondial de parcs éoliens avec 16 % du marché global en 2019 (6,8 GW de puissance installée). Le Wind of change a débuté sa carrière en mer sur les champs éoliens offshore allemands Borkum Riffgrund 1 & 2 et Gode Wind 1 & 2 tandis que son sistership devrait démarrer son service l’an prochain sur le parc anglais Hornsea 2. Toujours sur ce marché, sa filiale française Louis Dreyfus TravOcean (LDTVO) a réalisé depuis 2010 l’ensouillage de plus de 1 000 km de câbles inter-éoliens en Europe.
Cette fois, ce sont pour ses crew transfer vessels (CTV) que l’entreprise basée à Suresne a été retenue à la suite d’un appel d’offres lancé par GE Renewable energy offshore wind. Ces navires ont pour mission d'assurer le transfert des techniciens entre la côte et le parc pour la maintenance des éoliennes (24 au maximum par traversée). Dans cette aventure, LDA est partie prenante de LD Tide, une coentreprise formée avec la compagnie britannique Tidal Transit.
« Hydrogen ready »
Le contrat porte sur deux unités (+ une option) qui seront conçues par le cabinet d’architecture navale nantais Mauric et construites par le chantier naval français OCEA, spécialiste de la conception, construction et maintenance de navires en aluminium.
Longs de 26,70 m et larges de 9,40 m, les navires en aluminium avec adjonction d’un T-Foil (plan porteur) pour réduire la consommation de carburant, bénéficieront d’une coque semi-swath. Ils seront propulsés par batteries et prêts à être convertis à l’hydrogène. Ils seront en outre équipés pour le branchement à quai lors des escales. Les deux CTV, qui entreront en service en 2022, navigueront sous pavillon français et opéreront sur le parc éolien de Saint-Nazaire. Développé par EDF Renouvelables et Enbridge avec des turbines construites par GE, il est l’un des tout premiers champs de grande envergure en France avec 80 éoliennes d’une puissance unitaire de 6 MW. Il sera implanté sur le plateau rocheux du Banc de Guérande situé à 15 km de Saint-Nazaire.
Pour Kamil Beffa, le directeur général adjoint du groupe Louis Dreyfus Armateurs, ce contrat illustre une nouvelle fois « la stratégie de LDA dans les EMR, renforce ses engagements en faveur des énergies et renouvelables et confirme son positionnement sur des solutions maritimes toujours plus innovantes en matière de confort, de sécurité des personnels et de respect de l’environnement. » Le dirigeant entend ainsi contribuer à « l’émergence et à la structuration d’une filière industrielle maritime française dédiée aux éoliennes en mer ».
Adeline Descamps