« À l'aube de 2022, la plus grande question était de savoir quand la chaîne d'approvisionnement reviendrait à la normale. Malheureusement, nous n'avons toujours pas de réponse définitive. La congestion dans les ports de la côte ouest s'est atténuée, mais elle a augmenté à l’est. Les ports ne sont pas aussi débordés qu'il y a un an, mais ils sont toujours considérablement occupés à déplacer des volumes de marchandises presque record », indique la NRF, la puissante fédération de détaillants américains (52 millions d’emplois). Leurs estimations pèsent. Le détail aux États-Unis représentent 3 900 Md$ de PIB. Il est un très gros client de la Chine et du transport maritime et en tant que tel, un miroir grossissant des perturbations en cours et à venir sur la route maritime actuellement la plus encombrée au monde.
La situation semble en effet s’améliorer dans les ports de la côte ouest-américaine. Il n’y avait plus que 41 porte-conteneurs qui attendaient un poste d'amarrage à Los Angeles et à Long Beach ces derniers jours, ce qui représente une forte baisse par rapport au record absolu de 109 atteint le 9 janvier. En revanche, selon Les données de MarineTraffic, les navires en attente sur la côte Est avaient une capacité supérieure de 87 000 EVP à celle des porte-conteneurs au large des ports ouest-américains.
« Les principaux ports à conteneurs américains ont commencé à rattraper l'arriéré de marchandises observé au cours des derniers mois, mais ils pourraient connaître une autre poussée cet été, annoncent à la façon normande les rédacteurs du rapport mensuel Global Port Tracker que publie la NRF en partenariat avec Hackett Associates. Les ports américains couverts par ce baromètre ont traité 2,11 MEVP en février, le dernier mois pour lequel des chiffres définitifs sont disponibles. Le trafic est en baisse de 2,3 % d’un mois à l’autre, mais toujours en hausse de 13 % par rapport à l'année précédente.
Causes du repli ?
La NRF reste prudente quant à un soulagement trop vite prononcé d’autant qu’elle prévoit une croissance annuelle des ventes au détail comprise entre 6 et 8 % (versus + 14 % en 2021) pour atteindre plus de 4,86 Md$. Les ventes américaines au détail, qui déterminent le niveau d’importations asiatiques, sont devenues LE paramètre d’appréciation essentiel de la congestion portuaire, lequel conditionne la demande de porte-conteneurs et par conséquent, l’évolution des taux de fret.
En l’occurrence, ils se replient de semaine en semaine. Mais il reste toujours difficile d’établir les responsabilités tant les probabilités sont nombreuses. L’accalmie « normale » après le Nouvel An lunaire ? Les confinements en Chine qui entravent l’activité manufacturière, ralentissent les opérations portuaires et limitent les exportations ? Les tensions géopolitiques et l’inflation galopante qui finissent par avoir raison de la confiance des consommateurs ? la flambée des énergies qui provoquent la suspension des usines, notamment dans le secteur automobile ? etc.
Tendance à la baisse
Quoi qu’il en soit, l’ère semble à la désescalade sur la route transpacifique. S&P Global Platts évalue actuellement les taux Asie-Côte Ouest américaine à quelque 8 000 $ par conteneur de 40 pieds (sans les surcharges) alors qu’ils s’affichaient à 9 500 $ début mars. En revanche, ils caracolent toujours sur la côte Est de l'Asie, au sommet historique de 12 000 $ par unité, en hausse de 10 % depuis le début de l'année.
L'évaluation hebdomadaire de Drewry est plutôt conforme à celle de Platts pour la liaison Shanghai-Los Angeles, établie à 8 824 $ par EVP par rapport aux 10 986 $ de début mars. En revanche, le britannique est à contre-courant pour le tarif entre Shanghai et New York, estimé à 11 303 $ par EVP, en retrait de 19 % par rapport au sommet de 13 987 $ atteint en janvier.
Le Freightos Baltic Daily Index (FBX) – qui affiche en principe des taux plus élevés que les autres parce qu'il inclut les « options » dans ses évaluations transpacifiques –, était à 15 817 $ par FEU (conteneur de 40 pieds) vers la Côte Ouest. C’est 15 % de plus depuis le début de l'année.
Xeneta évalue le taux spot depuis l’Asie vers la côte ouest-américaine à 8 752 $ par EVP, auquel il faut ajouter les surcharges et primes (de 1 967 $ à 5 503 $) alors qu’il était à 8 021 $ le 2 janvier. Xeneta présente donc une tendance à l'opposé de celle à la baisse sur cette route signalée par Drewry et Platts.
Un choc pour les taux de fret maritime ?
Difficile dans ces conditions, avec ces indices qui divergent autant, de se faire une religion. « Le mois d'avril a été un choc pour les taux de fret maritime à long terme entre les États-Unis et Asie, avec des baisses significatives sur les routes transpacifiques », indique Patrik Berglund, PDG de Xeneta.
La dernière actualisation du consultant norvégien, qui agrège les taux de fret maritime fournies par de grands chargeurs, tend à montrer que les taux à long terme se sont brusquement alignés sur les taux spot, « après des mois de gouffres béants entre les deux. »
Ainsi, les taux à long terme ont baissé de 250 $ par FEU de la côte Est américaine vers l’Asie depuis la mi-mars, tandis que les taux spot sont restés stables. Cela a ramené l'écart de 350 $ à seulement 90 $ par boîte. La situation est encore plus prononcée dans l’autre sens, où le différentiel de 600 $ n'est plus que de 90 $.
Les accords contractuels signés au cours des trois derniers mois entre la côte Est des États-Unis et l’Asie ne reflètent pas encore l’apparente désaffection du marché : ils sont en hausse de 20 % par rapport à l'année dernière, et de 10,5 % vers la côte ouest-américaine.
SCFI en léger repli
Le SCFI (Shanghai Containerized Freight Index), composé des taux spot pour les conteneurs au départ de la Chine vers une vingtaine de destinations, a reculé la semaine dernière de 0,8 % (4 195,98 points) pour la 14e semaine consécutive par rapport au niveau record de la première semaine de 2022. Les taux sont encore supérieurs de 40,8 % par rapport à la même période de l'année dernière mais bien loin des trois chiffres auxquels l’année 2021 s’était abonnée.
Adeline Descamps