Les commandes de navires au plus bas

 

Selon les données de Clarkson Research Services, les nouvelles commandes de construction navale ont chuté de 57 % au cours du premier semestre de l’année pour atteindre un point bas historique. Seuls 269 navires ont été commandés entre janvier et juin.

À la fin du mois de juin, le carnet de commandes mondial de la construction navale atteignait 70,77 millions de tbc (tonnes brutes compensées), soit une baisse de 2 % par rapport au mois précédent. La Chine détenait, avec 26,13 millions de tbc, 37 % de parts du marché mondial. Le géant asiatique, qui a signé dernièrement un contrat de 2,86 Md$ avec le Qatar pour la construction de méthaniers, n’a (re)pris les rênes de la construction navale mondale que récemment au détriment des constructeurs navals sud-coréens, à l’expertise technologie reconnue dans les méthaniers. Le carnet de commandes de la Corée du Sud s’établissait à 19,76 millions de tbc, soit 28 % du total, tandis que le Japon, avec 9,54 millions de tbc, était loin derrière avec 14 % du marché mondial. Il détenait 50 % du marché en 1969. Au cours des cinq dernières années, la part de ces trois pays dans le total des contrats et des livraisons s'est élevée en moyenne à plus de 90 %.   

Pour expliquer le peu d’engouement actuel pour les nouvelles constructions, inutile d’être grand clerc. L'attentisme serait de mise, reflet de la conjoncture morose en sortie d’une crise d’une ampleur inédite et faute de visibilité sur un avenir plus qu’incertain. Mais la faiblesse traduirait aussi une incertitude persistante face aux options environnementales. Les alternatives aux énergies fossiles restent encore peu nombreuses. Quand elles sont disponibles, à l’instar du GNL, elles sont encore peu compétitives. Et quand elles ne le sont pas, elles ne le seront pas dans un avenir immédiat, comme l'ammoniac et l'hydrogène, qui nécessitent encore de la R&D.

Le Qatar offre à la Chine une commande record à l'exportation

64 chantiers accaparent 75 % du carnet de commandes

Selon un état des lieux publié en mai par la société danoise spécialisée dans le financement de navires Danish Ship Finance, plus de 200 chantiers seraient condamnés à court et moyen terme. Dès cette année, 114 chantiers de deuxième rang, d'une capacité totale de 7,5 millions de tbc, devraient livrer leurs dernières commandes. En 2021, 106 autres chantiers, d'une capacité totale de 16 millions de tbc, devraient être à court de commandes. Ensemble, ces chantiers représentent plus de 40 % de la capacité actuelle. Les sites japonais seraient particulièrement exposés : jusqu'à 45 d'entre eux pourraient manquer de marchés à court terme

Depuis 2013, quelque 240 chantiers d'une capacité totale de 16 millions de tbc auraient disparu. La publication pointe l’extrême consolidation du secteur. 64 chantiers représenteraient la moitié de la capacité mondiale des chantiers (56 millions de tbc) mais plus de 75 % du carnet de commandes actuel. Selon Clarkson Research, la demande de nouvelles constructions ne se redressera pas avant 2025, atteignant cette année-là un pic de 160 millions de tpl, soit à peu près le même niveau qu'en 2011

La construction navale chinoise en repli de 20 % en cinq mois

Grandes manoeuvres

C’est dans cette environnement que s’opèrent de grands mouvements. Sollicitée par l’État chinois, qui a entrepris en 2016 de restructurer son industrie maritime afin de réduire la concurrence horizontale (consolidation de Cosco et China Shipping; celle de China Merchants Group et Sinotrans), la fusion entre les deux principaux constructeurs navals chinois – China State Shipbuilding Corporation (CSSC) et China Shipbuilding Industry Corporation (CSIC) – a été autorisé en novembre dernier par la State-owned Assets supervision and administration commission (Sasac), l’autorité contrôlant les actifs appartenant à l’État.

La fusion annoncée mais compliquée entre les deux grands de la construction navale sud-coréenne, via la reprise par Hyundai Heavy Industries de son compatriote Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME) avec le soutien financier de son bailleur de fonds (Korea Development Bank) et la bénédiction des plus hauts sommets de l’État coréen, n'est pas non plus étrangère à ces mouvements. Ensemble, ces deux redoutables concurrents contrôleront 21 % du carnet de commandes mondial de la construction navale. 

Adeline Descamps

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