Près de 4 500 (4 428) travailleurs étrangers qualifiés des chantiers navals pourront avoir accès aux 335 entités appartenant aux sept groupes de la construction navale sud-coréenne. Le gouvernement a été contraint d’assouplir sa législation sur le travail, et notamment ses règles relatives au visa E-7, à la demande des entreprises du secteur, confrontées à une pénurie aiguë et à court terme de main-d'œuvre dans un contexte de prise de commandes record.
La frénésie d’achats de navires, notamment de porte-conteneurs, est en effet historique. En dix-huit mois à peine, le carnet de commandes de porte-conteneurs est passé de 2 à plus de 6,5 MEVP, à en juger par le dernier relevé du BIMCO, l'une des plus grandes associations maritimes internationales représentant les armateurs. Si le carnet de commandes mondial ne représente que 10 % de la flotte en exploitation, il est écrasé par la demande des porte-conteneurs (26,4 %) qui ont d’ailleurs trusté tous les postes d’amarrage des chantiers navals pour a minima deux ans et plus certainement jusqu’en 2025. Les vraquiers (6,6 %) et les pétroliers (6,3 %) font figure de parents pauvres. Les méthaniers dominent également dans les nouveaux projets en reflet de la forte demande en GNL.
Levée des quotas
En revoyant ses lois sur l’immigration, le pays cherche urgemment des soudeurs, des peintres, des électriciens et des ingénieurs, ont précisé les médias sud-coréens. Le ministère de la Justice a levé le système de quotas qui prévaut jusqu’à présent, en vertu duquel seuls 600 soudeurs et 300 peintres sont autorisés à travailler en Corée. Toutefois, le nombre de titulaires de visas E-7 sera limité à 4 428, soit un plafond de 20 %, afin de protéger la sécurité de l'emploi des 22 142 emplois du pays.
Les conditions d'admissibilité seront en outre allégées pour permettre à certains profils qualifiés (soudeurs et électriciens) d’être recrutés même sans expérience, une règle qui n'était auparavant accordée qu'aux peintres.
Hémorragie dans les radoubs
D’après l'Association coréenne de construction navale offshore (Koshipa), les effectifs dans la construction navale du pays se sont considérablement effrités au cours des huit dernières années pour atteindre 92 000 l'année dernière, contre 203 000 en 2014 lorsque l'industrie était en plein essor. Selon l'association, il manquera 9 500 travailleurs en septembre lorsque les chantiers entreront dans le « dur » des commandes.
Les chantiers navals sud-coréens sont également à l'origine de 49 % des nouvelles commandes de navires dans le monde au premier trimestre de cette année en termes de valeur, devançant la Chine au cours d'un premier trimestre pour la première fois en sept ans.
Enjeu de suprématie mondiale
Toutefois, en 2021 Les chantiers navals coréens n'ont pas réussi à défendre leur position de leader annuel dans la commande. Selon Clarkson Research Services, les constructeurs coréens ont enregistré 403 commandes pour 17,35 millions de tonnes brutes compensées (TBC) en 2021, soit 38 % du total des 1 846 commandes pour 45,73 millions de TBC passées l’an dernier. Après trois ans d’hégémonie des constructeurs sud-coréens, la Chine arrive en tête avec 50 % du total, soit 965 unités totalisant 22,8 millions de TBC.
Le poids des porte-conteneurs dans le total des commandes, qui ont été multipliées par plus de 10 dans un contexte de divine conjoncture pour le segment, explique en partie la perte de suprématie de la construction navale sud-coréenne, réputée pour son expertise dans les navires plus complexes et à plus forte valeur ajoutée, tels les méthaniers.
Par entreprises, Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (KSOE) – l’entité qui coiffe Hyundai Heavy Industries (HHI), Hyundai Mipo Dockyard et Hyundai Samho Heavy Industries –, a enregistré des commandes d'une valeur de près de 23 Md$ l’an dernier contre 10,86 Md$ pour DSME.
Adeline Descamps