Les capesize ont franchi les 50 000 $ par jour

Article réservé aux abonnés

Les vraquiers valent de l’or. Leur tarif journalier a dépassé les 50 000 $ la semaine dernière. Un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2010. Ils doivent leur fortune non pas à la demande mais à la congestion généralisée des ports. 

Rien ne va plus ou plutôt tout va bien pour le vrac sec, le segment le plus bipolaire du transport maritime. En plein mois d'août, le BDI, l’indice, qui suit les taux des capesize, panamax et supramax, a dépassé la barre des 4 000 points pour la première fois en 11 ans. Celui des capesize, qui transportent généralement des cargaisons de 150 000 t (minerai de fer et charbon), a également atteint un sommet qu’il n’avait pas connu depuis 2010, à 5 997 points, marquant ainsi un cinquième gain hebdomadaire consécutif, de 25 % par rapport à la semaine précédente. Le revenu journalier moyen des plus grands des vraquiers a ainsi dépassé les 50 000 $.

L’incendie estivale concerne également les panamax. Ces navires sollicités pour le transport de charbon ou de céréales d'environ 60 000 à 70 000 t se négocient actuellement à 35 000 $ la journée. Selon les données de Cleaves Securities, la flotte de vrac sec dans son ensemble enregistre actuellement un taux d'utilisation d'environ 93 %. 

La congestion, moteur des taux de fret

Les fortes exportations de minerai de fer brésilien vers la Chine et la demande croissante de charbon ne sont pas neutres dans la course aux vraquiers. Mais le vrai moteur du vrac sec, de l’avis de tous, ne réside pas tant dans la demande (comme c’est le cas dans le conteneur où le boom inédit de la consommation propulse les taux de fret) mais dans la congestion portuaire et sa cohorte de protocoles qui restreignent la productivité : quarantaines obligatoires, tests PCR et autres restrictions engendrées par la dernière variante du virus, le Delta, autrement plus virulent que la souche originelle.  

Selon les courtiers, les mesures de quarantaine ont considérablement réduit le nombre de pilotes opérant sur le fleuve Yantze. De nombreux ports côtiers chinois exigent en outre une quarantaine – de 14 à 21 jours selon les ports –, pour les navires ayant fait escale en Indonésie, en Inde et au Laos. Zhoushan, à l'est de la Chine, gère strictement son terminal de Liuheng où les navires peuvent être isolés 28 jours avant d’être autorisés à accoster. 

Près de 6 % de la flotte mondiale à l’ancre

Le Lloyd's List Intelligence estime à 5,7 % la part de la flotte mondiale (11 850 vraquiers, 917,3 millions de tpl) en attente dans les ports chinois pour charger ou décharger des marchandises. Un embouteillage monstre qui impliquerait donc près d’un navire sur 20 du bataillon mondial et mobiliserait un tonnage de 52,7 Mtpl. Entre la mi-juillet et la mi-août, la congestion des vraquiers s’est exacerbée de 28 %.  

Toujours selon le Lloyd’s, le point d'étranglement le plus critique se situe dans le nord de la Chine, là où se situent les terminaux céréaliers et charbonniers de Jingjiang, Tianjin, Qinhuangdao et Jinhou. 238 vraquiers (16,3 Mtpl) sont à l’ancre. À Shanghai et Ningbo, qui connaissent déjà une forte congestion des porte-conteneurs depuis la suspension des activités de l’un des terminaux de ce dernier, 207 vraquiers sont au mouillage.

Réminiscence des années 2000

Le courtier londonien Arrow Shipbroking, pour lequel le désengorgement de la Chine déterminera l'orientation future des taux d'affrètement des vraquiers, indique que 17 % des capesize sont actuellement concernés par la congestion portuaire au niveau mondial.

Les courtiers, qui « consomment » les références historiques, disent ne pas avoir observé une embolie de cette ampleur depuis les folles années des années 2000, lorsque la perspective de l’entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avait déclenché le « super-cycle » des matières premières. Les vraquiers s’arrachaient alors à plus de 200 000 $ par jour. 

2,1 Md$ de chiffre d’affaires  

Depuis octobre de l'année dernière, le marché du vrac sec vit une période prospère (cf. notre numéro spécial : le vrac sec remis d'équerre), notamment dopée par le conséquent plan de relance économique de la Chine, premier importateur mondial de matières premières.  

Babord, tribord par rapport aux six premiers mois de l’année 2020 où les opérateurs du vrac sec avaient accusé des pertes de 425 M$, ils ont renfloué les caisses autant que leurs cales. 

Quatre des plus grands acteurs mondiaux – Pacific Basin, Genco Shipping, Eagle Bulk et Star Bulk – ont ainsi totalisé 408 M$ de résultat net en six mois. Le chiffre d'affaires a explosé pour atteindre 2,1 Md$, ce qui représente une augmentation de plus de 60 %. 

Fondamentaux solides

Les fondamentaux sont bons, disent les analystes. Arrow prévoit une fortune durable, au moins jusqu’en 2023. Cleaves Securites considère que la conjoncure du secteur est « l'une des meilleures en temps de paix selon nos archives qui remontent à 1741 » ! 

Plus rationnellement, le carnet de commandes du vrac sec reste faible et la flotte ne devrait pas grossir de plus de 2 % jusqu'en 2024 (seuls 55 capesize et VLOC ont été livrés depuis le début de l'année). La reconstitution des stocks de matières premières décimés par des mois de pandémie et les plans de relance massifs rendent les armateurs de vraquiers confiants.  

Hannisdahl estime même que si les exportations brésiliennes restent supérieures à 30 Mt dans les mois à venir, les capesize pourraient atteindre 60 000 $ par jour à court terme. 

Des incertitudes

« Malgré tout cela, modère Allied Shipbroking, le minerai de fer a atteint son prix le plus bas de l'année, redescendu à des niveaux jamais vus depuis novembre 2020 [les prix ont chuté d'environ 100 $ ces derniers jours, NDLR]. Cette baisse est en partie due à l'offre abondante de minerai de fer revenue sur le marché. Le Brésil à lui seul a connu une augmentation d'environ 12 % des exportations par rapport à la même période l'année dernière. Dans le même temps, les prix élevés observés en début d'année ont incité toute une série de producteurs de minerai de fer à intensifier leurs efforts pour accroître l'offre ». Pour le courtier, cet afflux d'offre arrive sur un marché où la production d'acier et la production industrielle ralentissent en Chine. 

Pour d’autres, la congestion reste la meilleure alliée du vrac sec. « Il semble peu probable que les tensions sur l'activité portuaire en Chine s’atténuent du jour au lendemain, indique Braemar ACM dans une note à ses clients. Le spécialiste mise sur « l’entretien des files d’attente des navires ». « La récente hausse des exportations de minerai de fer brésilien va provoquer des nouvelles arrivées de capesize en Chine au cours des prochaines semaines ». Braemar estime le marché suffisamment solide pour subir les turbulences dans les prix des matières premières,

Brider l’appétit pour l’acier 

« Les aciéries chinoises pourraient avoir besoin de reconstituer leurs stocks qui atteignent des niveaux dangereusement bas », rappelle l’analyste Lorentzen & Stemoco. Les autorités chinoises prévoient toujours que les besoins en minerai de fer du pays s'élèveront à quelque 1,4 milliard de tonnes cette année.

Néanmoins, en juillet, selon l’organisation professionnelle représentant les exploitants de navire, le Bimco, les importations chinoises du principal ingrédient de l’acier ont chuté de 21,4 % par rapport au même mois de 2020, à 88,5 Mt. La production d'acier a baissé, à 86,8 Mt selon le NBS China, le Bureau national des statistiques. Le premier acheteur mondial de matières premières a décidé de cadenasser la production pour atteindre ses objectifs en matière d'émissions climatiques.

Adeline Descamps

 

Shipping

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15