Après avoir concédé sept défaites consécutives, le Baltic Dry Index, la référence absolue pour avoir une idée des taux de fret pratiqués pour le transport en capesize, panamax, supramax et handysize des marchandises en vrac, a gagné une bataille. Le moindre agissement du BDI est actuellement scruté. Le moindre repli est percu comme une menace, celle d’une rechute, alors que le vrac sec connaît une véritable renaissance depuis le début de l’année après une décennie noire.
Depuis le début d’année, la forte appétence pour les matières premières, l’emballement des exportations de minerai de fer du Brésil, qui allongent les tonnes-milles, mais encore davantage avec la congestion qui mobilise 16 % de la flotte mondiale dans les ports ou les mouillages du monde entier ont sorti les taux de fret du fond de cale. Le 20 août, pour la première fois en 11 ans, l'indice du vrac sec a dépassé la barre des 4 000 points, une tendance qui a suivi une trajectoire ascendante jusqu'au 27 août où il a atteint 4 235 points. En conséquence, les prix à la journée des vraquiers ont franchi avec bruit la barre des 50 000 $.
Capesize portés par le charbon
Il s’est assagi depuis mais le dernier relevé de l’indice global indiquait un nouveau départ à la hausse, à 3 643 points. Les tarifs journaliers des capesize, qui transportent des cargaisons de 150 000 t telles que du minerai de fer et du charbon, ont augmenté de 633 $ pour atteindre 41 151 $. Les navires sont notamment portés par les contrats à terme de référence pour le charbon à coke – une matière première principalement utilisée dans la fabrication de l'acier – qui atteignent des sommets en raison des craintes de pénurie.
Les revenus quotidiens moyens des panamax, qui chargent du charbon ou des céréales avec une capacité de 60 000 à 70 000 t, ont augmenté de 329 $ pour atteindre 31 589 $.
L’accélération estivale s’est aussi traduite par une hausse des prix sur le marché de l'occasion des vraquiers. Dans son dernier rapport hebdomadaire, le courtier maritime Intermodal indiquait que le prix d’un supramax de 15 ans avait doublé depuis le début de l’année (de 7,7-8 à 15 M$). De même pour les panamax, passés de 10 à 19 M$.
408 M$ de résultat net en consolidé contre un déficit de 425 M$
Dans ce contexte, Golden Ocean, qui a terminé son deuxième trimestre avec un profit de 104 M$ en contraste avec un déficit de 41,2 M$ à la même période de l'année dernière, a confiance dans son marché. L’armateur norvégien de vraquiers, coté à la bourse d’Oslo, vient de passer commande de trois kamsarmax de 85 000 tpl, qui seront livrés entre le troisième trimestre de 2023 et le premier trimestre de 2024. Le contrat s’inscrit dans le cadre de le programme de renouvellement de la flotte mené à grande échelle par l’opérateur qui compte 94 vraquiers, dont 83 en propriété. En acquérant 18 navires de dernière génération en février, la société a non seulement accru ses capacités de 23 % mais aussi modernisé en rendant sa flotte plus efficiente à l’exploitation sur un plan économique et écologique.
« Les navires sont configurés pour être bicarburants, ce qui donne à la société le temps d'évaluer les alternatives le temps qu’il y ait plus de visibilité sur les futures réglementations et les technologies les plus abouties », indique l’opérateur détenu par Fredriksen et dirigé par Ulrik Uhrenfeldt Andersen.
408 M$ de résulat net consolidé
Tous les opérateurs de vraquiers cotés à la bourse de New York – Pacific Basin, Genco Shipping, Eagle Bulk ou Star Bulk – profitent des conditions du marché. Ils ont totalisé 408 M$ en résultat net à l’issue du premier semestre contre un déficit consolidé de 425 M$ il y a un an à la même période.
Dans le même temps, Eneti, anciennement Scorpio Bulkers, a vendu cet été ses derniers vraquiers, soldant sa sortie définitive du vrac sec pour se repositionner dans les services à l’éolien offhore. Avec les 22 navires vendus au cours du deuxième trimestre, Eneti aura cédé au total 49 navires cette année pour une valeur totale de 867,3 M$. Cette sortie, qui a été très médiatisée, coïncide, ironiquement, avec l’embellie des taux de fret des vraquiers qui n’ont jamais été aussi élevés depuis dix ans.
Faire cavalier seul
Jusqu’à présent, les analystes sont unaniment confiants et promettent de belles heures au segment, notamment aux capesize qui pourraient – une fois n’est pas coutume – encaisser des bénéfices supérieurs aux navires de plus petite taille de la catégorie. Un des fondamentaux de ce marché – le faible ratio entre le carnet de commandes et la flotte en exploitation – les conforte dans leur appréciation du marché.
Témoin de cette bonne conjoncture, Golden Ocean quitte Capesize Chartering que la compagnie avait contribué à créer en 2016 avec Starbulk, CTM et Bocimar pour offrir des services d'affrètement coordonné sur le marché spot des capesize. Le norvégien estime qu’il peut faire cavalier seul et qu'il a la taille suffisamment critique pour tirer profit des économies d’échelle sans avoir besoin de ses partenaires. « Avec tous nos navires gérés par une seule plateforme de gestion commerciale, Golden Ocean aura un meilleur contrôle de sa stratégie commerciale et des relations avec ses clients », indique le communiqué.
Adeline Descamps