Parti le 22 août de la ville russe de Kandalaksha en direction de Las Palmas, dans les îles Canaries, le Ruby s'est échoué dans les eaux norvégiennes alors que le vraquier devait traverser le détroit du Grand Belt entre les îles danoises de Zealand et Funen. Après une escale à Tromso en Norvège, il devait se rendre en Lituanie, mais le pays lui a refusé l'entrée à moins qu'il ne décharge sa cargaison avant d'arriver. Sa demande d'accostage pour réparation a également été rejetée par la Norvège et la Suède.
Depuis le 25 septembre, le navire, dont l'équipage est quasi exclusivement composé de marins syriens, est immobilisé au large de l'embouchure de la Tamise, à la recherche d'un port où la cargaison dangereuse puisse être déchargée en toute sécurité. Géré par la société Serenity Ship Management, basée aux Émirats arabes unis, assuré par le P&I West of England Insurance Services, battant pavillon maltais, le navire à écoutille ouverte de 37 000 tpl (construit en 2012) a subi des dommages au niveau de son hélice, de sa coque et de son gouvernail.
Un risque d'explosion considéré comme faible
S'il transporte sept fois la quantité de nitrate d'ammonium qui a causé l'explosion du port de Beyrouth en 2020, comparaison reprise partout par les médias sans qu'elle ne soit vraiment opportune, le risque d'explosion « est considéré comme faible à l'heure actuelle ». Le nitrate d'ammonium n'est pas un explosif en soi, mais peut le devenir dans certaines circonstances.
Selon l'AFP, l'armateur aurait assuré qu'un port britannique pourrait l'accueillir pour les réparations et de déchargement. « Trouver une solution adéquate est un défi sur le plan logistique, ce qui explique en partie le retard », a indiqué la société, assurant qu'une issue devrait être trouvée « dans les prochains jours ». Les candidats à l'accueil de produits considérés comme dangereux et parfois explosifs sont peu nombreux.
Une notion de port refuge difficilement applicable
Au-delà du caractère dangereux ou supposé tel et de l'origine du navire russe, qui incite à la prudence (et à psychose), le délégué général d'Armateurs de France, Laurent Martens, avance une autre explication au refus de l'accueil du navire. « Si le navire s'échoue dans votre chenal, votre port est fermé. S'il échoue sur un quai, il est inutilisable pendant un ou deux mois. Accepter cela dans votre port, c'est prendre des risques pour votre activité », sans parler du coût et de la durée d'une telle opération, ajoute-t-il.
Si la notion de port refuge a été établie dans la foulée de la catastrophe de l'Erika et invite les États à accueillir des navires en détresse pour éviter les pollutions marines, elle ne va pas de soi. Ainsi, la France avait refusé d'accueillir, en 2012, le MSC Flaminia pendant environ un mois alors qu'il dérivait au large de la Bretagne, sans équipage, après un incendie à bord où 151 conteneurs étaient étiquetés en dangereux. Il sera finalement remorqué jusqu'au port allemand de Wilhelmshaven en mer du Nord. Ce dernier avait également accueilli le Purple Beach, chargé de 5 000 tonnes d'engrais et victime d'un incendie, en 2015. Il restera à quai pendant deux ans, le temps des inspections et de décider de l'avenir des engrais non détruits à bord.
A.D avec Antoine Guy