Le pavillon français mieux coté par le MoU de Paris mais déclassé par le Qualship 21

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Crédit photo ©Eric Houri
Dans la version actualisée du Memorandum of Understanding on Port State Control, qui analyse chaque année le taux de détentions des navires après inspections par l'État du port, la France gagne 13 points. Mais dans le même temps, le registre français perd son éligibilité au programme américain Qualship 21. Explications.    

Le Comité du MoU de Paris a approuvé, lors de sa 56e session, les résultats des inspections effectuées auprès des pavillons par l'État du port des 27 pays qui y adhèrent, sur la base d'au moins trente inspections effectuées sur une période de trois ans, en l’occurrence 2020, 2021 et 2022.

Il en ressort un classement des États du pavillon et des organismes agréés (OA) par leurs performances au regard de sept grandes conventions internationales de l'Organisation maritime internationale (OMI) et de l'Organisation internationale du travail (OIT). À savoir leur respect de la sécurité, de la protection de l’environnement et des conditions de travail.

Pour ce faire, le Memorandum of Paris (MoU) se base sur les taux de déficiences et de mises sous séquestre des navires après inspections. Les pavillons figurent sur la liste blanche si le nombre de détentions des navires est « constamment faible ». On considère ces registres comme ayant les normes de sécurité et de qualité les plus élevées. Les registres d'immatriculation, dont les performances sont moyennes, sont placés sur la liste grise. Quand ils sont sur la liste noire, ils sont considérés comme à haut ou très haut risque.

Des critères qui interrogent

Dans sa version actualisée qui entrera en vigueur le 1er juillet 2023, le MoU compte deux pavillons de moins par rapport à la période précédente, soit 66 dont 39 sur la liste blanche, 18 sur la liste grise et 9 sur la liste noire.

Ce classement est toutefois très plastique. Les glissements d’une catégorie à l’autre sont réguliers. Les permutations de places au sein d'une même catégorie sont très fréquentes, les pavillons y font de grandes embardées, gagnent aussi vite des rangs qu’ils en perdent selon les années sans que le Comité ne l’explicite par des éclairages si bien que cela interroge sur sa pertinence et les critères retenus.

Le Panama déclassé

Ainsi, étonnamment, le premier registre mondial d’immatriculation des navires (en unités), le Panama, a été délogé de la liste blanche en raison de ses normes de qualité et de sécurité jugées moyennes. Le registre a pourtant a revu tous ses process ces dernières années et revendique même une ligne dure à l'égard des navires sanctionnés, dépavillonnant de manière proactive pour toutes infractions observées dans les systèmes de suivi des navires.

L’Arabie Saoudite subit le même sort. La Thaïlande a opéré le mouvement inverse. Ce dernier avait pourtant disparu un temps de cette cartographie. La Pologne a glissé du territoire d’excellence à un entre-deux. Vanuatu a versé de cet entre-deux vers la liste noire. Tout comme la Sierra Leone, la Tanzanie. Certains disparaissent en outre du classement (Curaçao, Mongolie, Égypte). L’Égypte avait déjà vu ses normes de qualité et de sécurité se dégrader dans le précédent MoU.

Le cas français

Même dans la liste blanche, trustée par les mêmes registres d’immatriculation, les positions sont interchangeables. Le Danemark et la Norvège restent accrochés tout en haut de la liste mais pour les autres, ce sont les grands écarts. La France est très symptomatique de ces grands mouvements.

Tout en restant en zone de qualité supérieure, le pavillon France avait vu ses performances sanctionnées dans le précédent MoU (2020-2021) dans lequel il était passé du 15e au 23e rang résultant d’un nombre d’inspections effectuées moindre (247) mais avec plus de détentions (cinq). Il est arrivé que le Rif soit aussi en tête de liste. Ce fut le cas en 2017 et 2018.

Dans celui de 2021-2022, qui vient d’être publié, le registre français remonte au 17e rang, gagnant 13 places, avec 227 inspections et trois détentions. C’est d’autant plus troublant que dans le même temps, le pavillon tricolore a perdu son éligibilité au Qualship 21 pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.

Géré par les garde-côtes américains (USCG), le programme est autant si ce n’est plus sourcilleux que le MoU de Paris sur les règles et les normes en matière de sécurité et de lutte contre la pollution. Dans le même temps, la Corée du Sud est sur la liste grise du MoU mais toujours inscrit au Qualship 21.

Pénalisé par le faible nombre d'escales

Les États du Pavillon dont les navires ont un nombre faible d’escales sont sans doute défavorisés par la « relativité » car la moindre défaillance constatée peut être fatale, le volume permettant à l’inverse d’amortir les variations.

Sur la liste des pavillons éligibles au Qualship 21 ne figurent que ceux dont le nombre de navires détenus en escale est inférieur à 1 % sur les deux dernières années. « Les navires sous pavillon français ont réalisé 104 escales aux États-Unis entre 2020 et 2022 (36 en 2020, 31 en 2021 et 37 en 2022). Sur cet ensemble, la détention d'un seul navire a conduit à dépasser le seuil de 1 %, ce qui a pour conséquence la fin de l'éligibilité », confirme au JMM la DGAmpa, la Direction générale des Affaires maritimes, de la Pêche et de l'Aquaculture.

La France n’est pas la seule à avoir perdu sa qualification. L’Allemagne (1 détention), les Bahamas (14), le Canada (3), l’Italie (4) et l’Ile de Man (3) subissent le même sort.

L’administration française, qui analyse le contenu de chaque infraction relevée, prend très au sérieux ces résultats. La moindre détention constatée fait l’objet d’un programme de remise à niveau de l’armateur concerné et d’un contrôle plus serré, fait-elle valoir. « Ces classements soulignent le besoin permanent d'amélioration des procédures et de renforcement des contrôles, les détentions de navires pouvant, même en nombre très limité, dégrader le positionnement de la France sur une période non négligeable ».

L'Europe bien notée

Parmi les 39 registres les plus performants, on retrouve la plupart des pays européens ainsi que les trois registres d’immatriculation les plus utilisés par la flotte mondiale de commerce (plus de 40 % de la flotte mondiale en capacité et quelque 35 % en valeur) : Panama (5 487 navires inspectés ; 306 détentions), Îles Marshall (4 703 ; 145), Libéria (4 569 ; 156).

Les États européens trustent le top 10. Avec parmi les inconditionnels, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Grèce, l’Italie, qui avait fait son retour parmi les dix premiers dans le précédent classement et se place désormais au deuxième rang mondial avec 802 inspections.

Le pays méditerranéen déloge les Pays-Bas dont la qualité s’est détériorée puisqu’avec 69 inspections en moins, six détentions en plus ont été constatées (39).

Le pavillon néerlandais compétitif

Le pavillon néerlandais est le seul européen à avoir autant d’unités inspectées, derrière Malte, ce qui dénote un certain succès de ce registre qui parvient à attirer autant que ceux à l’agressivité commerciale.

Hors Europe, Bahamas, Japon, Singapour et Hong Kong figurent, invariablement selon les années, en bonne position.

Adeline Descamps

 

Le MoU : un contrôle coordonné des navires étrangers en escale dans les ports

Pour rappel, la compétence en matière de sécurité maritime revient, au plan mondial, à l’Organisation maritime internationale (OMI). Le principe de base est que la responsabilité première du respect des exigences définies dans les conventions maritimes internationales incombe à l'armateur/exploitant du navire. La responsabilité de vérifier leur conformité avec les règles internationales en matière de sécurité, de prévention de la pollution et de conditions de vie et de travail des marins, incombe à l'État du pavillon.

Faute d’une application efficace de la réglementation internationale par l’État du pavillon (pays d’immatriculation des navires), les États ont réagi en mettant en œuvre un contrôle coordonné des navires étrangers faisant escale dans leurs ports. Ces accords régionaux sont connus sous l’appellation de MoU. En Europe, le MoU de Paris (26 janvier 1982) vise à harmoniser les pratiques d’inspection des administrations nationales.

 

 

 

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