Le marché de l'affrètement rattrapé par le désir de propriété des armateurs

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Ces dernières années, les transporteurs ont eu de plus en plus recours à la pleine propriété des navires au détriment de l'affrètement. Les trésors de guerre accumulés au cours des années fastes Covid ont donné aux compagnies maritimes la puissance de feu nécessaire pour faire le plein à leur propre compte. Le phénomène est spectaculaire pour certains.

Les poches pleines, les armateurs-exploitants de porte-conteneurs ont augmenté la part de détention dans leur flotte qui s'est de surcroît considérablement étoffée. Et au moment critique où de nombreux propriétaires traditionnels non exploitants (NOO), en particulier en Allemagne, ont battu en retraite (depuis la fin de 2020) et se sont délestés d'un nombre important de navires, passant de l’escarcelle des bailleurs à celle des exploitants.

MSC et CMA CGM, le goût de la propriété

Est-ce en lien avec la structure familiale de leurs sociétés ? Toujours est-il que MSC et CMA CGM détiennent désormais une grande partie des navires qu'ils exploitent. Alors que MSC avait plus de 60 % de sa flotte affrétée il y a dix ans, cette part a chuté à environ 36 %, sur la base des données Alphaliner. Si l'on y ajoute les options, non connues, contenues dans les accords de coque nue, il se pourrait que cette proportion soit même supérieure à 70 % d’une flotte (estimée à 5,7 MEVP au moment des relevés par Alphaliner) contre 2,4 MEVP il y a dix ans.

Sur le temps d’une décennie, CMA CGM sera passé d’une part de 20 % de ses capacités sous contrôle à 54 % d’une flotte de surcroît plus importante (680), soit 281 unités en pleine propriété. Sans égaler MSC, inégalable en termes de course à la capacité, l’armateur français fait partie des transporteurs qui ont eu la main très légère sur les commandes (plus de 80 nouveaux navires) et très actif sur le marché de l'occasion (112 navires de seconde main acquis au cours des quatre dernières années).

HMM : abandon des affrètements coûteux

En Asie, HMM a entièrement revu son modèle pour abandonner les affrètements coûteux. Aujourd'hui, le transporteur sud-coréen n’y a recours qu’à hauteur de 45 % contre environ 70 % il y a dix ans.

Le transporteur intra-asiatique SITC a connu une évolution encore plus visible, s’affranchissant radicalement de la location qui représentait la moitié de ses unités en 2014 et seulement 5 % aujourd’hui avec 104 navires sur les 114 porte-conteneurs en service.

Le propriétaire occasionnel qu’était X-Press Feeders n’est plus. La compagnie de Singapour, dont 85 % de la flotte était affrétée il y a dix ans, a désormais la main sur 50 % des feeders exploités (49 des 96 navires).

ZIM, la grande exception à la règle

ZIM est la grande exception à la règle qui, sans renoncer à la course à la capacité, a délibérément fait le choix de s’alléger (sa flotte fut autrefois en propriété), ne s’encombrant pas de la propriété avec 93 % de ses navires loués. Au sortir du Covid, le transporteur israélien a un peu sacrifié à son quasi-dogme en acquérant quelques navires. Les tarifs d’affrètement, soutenables bien que très chers durant la pandémie quand les navires manquaient face à la demande, ont pris les armateurs exploitants à la gorge une fois le marché normalisé. D’autant que la plupart avait contracté pour des durées très longues, les NOO étant en mesure d’imposer leurs conditions de marché à leurs clients prêts à tout pour répondre au boom de la demande de transport.

Cosco, statut opaque

Le statut de la flotte Cosco est plus opaque, signale Alphaliner, « avec probablement plus de navires lui appartenant en réalité qu'il n'y paraît à première vue ». L’armateur chinois, qui a 46 navires en commande, aligne aujourd’hui 509 navires dont 194 à son compte. Il est aussi engagé sur de nombreux contrats d'affrètement à long terme avec Seaspan notamment, avec lequel il a signé pour 30 navires.

Montée en charge des NOO asiatiques, retrait des Européens

Dans le même temps, alors que de nombreux propriétaires de navires non exploitants (NOO), en particulier en Allemagne, ont battu en retraite, d'autres ont prospéré, principalement basés en Asie et en Grèce : Seaspan, Shoei Kisen, Eastern Pacific Shipping (EPS), Zodiac Maritime, Danaos et Navios dominent le marché. Ces derniers ont aussi rempli les caisses, mais dans une proverbiale discrétion, durant les folles années épidémiques. Tous ont vu leur activité d’affrètement exploser ces dernières années.

Seaspan a été particulièrement proactif, louant à long terme 27 navires à ZIM, 25 à ONE, devenu entre temps son nouvel actionnaire. Eastern Pacific Shipping (EPS), compagnie basée à Singapour, a également placé 16 navires auprès de CMA CGM et 11 auprès de MSC. La Britannique Zodiac Maritime, détenue par le frère (famille d'armateurs Ofer) du dirigeant d’EPS, a contracté pour sa part des affrètements à long terme sur de grands porte-conteneurs neufs avec MSC (14 contrats) et Maersk (6).

Pour autant, la flotte de NOO reste inférieure de 1 MEVP son niveau pré-Covid et ses commandes totalisent moins de 200 navires. La nécessité de commander se fracasse sur le mur des réalités : le prix des navires, la problématique de leur financement, la difficulté à se positionner sur la propulsion de demain avec des technologies qui restent à éprouver et sans doute aussi par le risque financier qui ne serait pas couvert par les loyers compte tenu de l’hypervolatilité du secteur. Les propriétaires de flotte sont visiblement moins enclins que par le passé à commander du tonnage de manière spéculative, assurés de leur trouver un emploi peu de temps avant la livraison du navire.

Adeline Descamps

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