Moins de trois mois après avoir confié à China Merchants Heavy Industries Jiangsu (CMHI Jiangsu) la construction de cinq grands PCTC (Pure Car Truck Carriers) d’une nouvelle série, Grimaldi confirme un nouveau contrat pour cinq nouveaux car-carriers de même taille au chantier Shanghai Waigaoqiao Shipbuilding du grand constructeur chinois CSSC. La nouvelle commande comprend en outre deux options, portant la valeur de cette dernière opération à plus de 630 M$.
D'une longueur de 200 m, d'une largeur de 38 m et d'une capacité de chargement de 9 000 CEU (Car Equivalent Unit), les gros-porteurs bénéficieront des mêmes technologies que celles mentionnées lors de sa commande en octobre. Ils seront équipés de méga batteries au lithium, d'une connexion électrique à quai et sont classés « ammonia ready » par la société de classification italienne Rina, ainsi configurés pour l’ammoniac quand le carburant sera disponible.
Grimaldi est fidèle à ses convictions. Le duo exécutif, Emanuele et Gianluca Grimaldi, n’ont jamais cru au GNL et l’ont régulièrement affirmé. À leur livraison, prévue entre 2025 et 2026, ils seront exploités sur les lignes entre l'Europe, l'Afrique du Nord, le Proche et l’Asie de l’Est.
Le transport de voitures également gagné par le gigantisme
Pour l’armateur napolitain, cette dernière série, actuellement parmi la plus grande du marché, représente une évolution majeure par rapport à la première génération, celle réceptionnée entre 2016 et 2018 (Grande Baltimora, Grande New York, Grande Halifax), d’une capacité de chargement 6 700 CEU.
Outre le bond en avant dans l’emport, les émissions de CO2 par unité de fret transportées seront inférieures de 27 % à celles des précédentes unités, fait valoir le groupe italien qui, avec ses filiales (Finnlines en Baltique, Minoan lines en Grèce et Trasmed en Espagne), exploite à la fois des con-ros (rouliers mixtes associant transport de conteneurs et véhicules), des rouliers, des transporteurs de véhicules et des ferries.
Avec la livraison du Grande California en juin 2021, Grimaldi avait fini de recevoir les sept PCTC (Pure Car & Truck Carrier) commandés au chantier chinois Yangfan. Les navires de la série Eco – Grande Florida, Grande Texas, etc. – faisaient alors office de géants dans la catégorie avec leur capacité de 7 600 CEU ou 5 400 mètres linéaires et 2 737 CEU.
Transport de voitures : un marché en pleine effervescence
Boom des voitures électriques
Grimaldi a confiance dans la croissance de l'industrie automobile mondiale, actuellement portée par le segment des voitures électriques. D'après la plateforme EV-Volumes, dont les données sur les ventes de voitures électriques font référence, plus de 7,7 millions de voitures électriques et hybrides rechargeables avaient été immatriculées dans le monde à fin octobre (6,5 millions en 2021). Ce segment représenterait 16 % du marché automobile mondial.
« Cet accord intervient à un moment très important pour l'industrie maritime chinoise, compte tenu de l'adhésion récente de la China Shipowners' Association [l'association nationale représentant les propriétaires, les exploitants et les gestionnaires de navires marchands, NDLR] à la Chambre internationale de la marine marchande », indique le communiqué. Non incidemment. Le patron du groupe, Emanuele Grimaldi a été officiellement élu président en juin de l’International Chamber of shipping, une des grandes organisations maritimes mondiales, qui fédère des associations nationales d'armateurs et de gestionnaires de navires dans tous les segments du transport maritime. Le marché chinois porte en tout cas tous les espoirs de la filière.
Des conditions de marché exceptionnelles
En 2022, le secteur des transporteurs de voitures a connu des conditions de marché exceptionnelles, les taux d'affrètement atteignant des sommets historiques. Bloqués sur la voie pour véhicules lents dans la décennie 2010, assignés au coup de frein en 2020 par la pandémie, ils sont passés depuis 2021 sur la voie rapide.
« Les solides bénéfices des opérateurs et les taux d'affrètement record [...] sont soutenus par la reprise des échanges [...], la congestion portuaire [qui a poussé la capacité à ses limites, NDLR], l'augmentation de la distance parcourue [...], le commerce des véhicules électriques et hybrides et la croissance relativement faible de la flotte », énumère Steve Gordon, directeur général de Clarksons Research, dans le rapport Car Carrier Trade & Transport 2022.
En fin d’année, le tarif d’affrètement pour un PCTC d'environ 6 500 CEU dépassait les 105 000 $ par jour, le double du dernier record enregistré au deuxième trimestre 2008, et dix fois plus que ce qu’ils rapportaient en juin 2020 (10 000 $/j).
Marché tiré par les exportations chinoises
Selon des projections de Clarksons, non encore corroborées par les faits (pas encore disponibles), le commerce maritime de voitures au niveau mondial devrait avoir augmenté de 8 % en 2022 pour atteindre 20,3 millions de voitures, cependant encore en baisse de 5 % par rapport à 2019.
Les distances parcourues ont, elles, augmenté de 6 % l’an dernier pour s’établir à 6 900 miles (11 100 km). Le boom des exportations chinoises vers l’Europe l’explique en partie. Elles pourraient représenter plus de 50 % de la croissance en voitures-milles en 2022, témoignant par ailleurs d’une modification de la structure des échanges.
Les véhicules électriques/hybrides, généralement plus grands et plus lourds, y ont également contribué.
Appétit de navires
L’effervescence du marché a stimulé l’appétit pour des constructions neuves. À fin novembre, l’équivalent de 700 000 CEU avait été commandés, soit 16 % de la capacité de la flotte existante. Tous les navires commandés, sauf cinq, peuvent être propulsés au GNL, tandis qu'environ 25 % sont classés pour l'ammoniac et /ou le méthanol. Selon les données de la société de classification DNV, il y aurait une centaine de car-carriers au GNL en service.
Selon Clarksons Platou, la forte croissance du marché de transport de voitures va nécessiter la construction de 100 à 200 navires d’ici 2030. Pendant des années, les transporteurs de voitures n’ont pas investi dans de nouveaux navires, la flotte actuelle de 764 navires totalisant ainsi 4 millions de CEU.
Appel d’air
Le renouvellement de la flotte est au centre de l'attention car les exploitants de navires doivent notamment répondre au verdissement de la chaîne d’approvisionnement, sollicité par les constructeurs automobiles. Ces derniers mois, les annonces visant à la décarbonation du secteur se sont multipliées.
Le norvégien Höegh Autoliners a exercé auprès de China Merchants Heavy Industries (CMHI) de nouvelles options dans le cadre de sa nouvelle classe Aurora de très grands voituriers (jusqu’à 9 100 CEU), classifiée ammoniac et méthanol par DNV. Les quatre navires supplémentaires – qui fonctionneront dans un premier temps au GNL – porte ainsi son programme à huit unités.
Hyundai Glovis, actuellement engagé avec le groupe Volkswagen pour transporter ses voitures entre l'Europe et la Chine jusqu'à la fin de 2024, prévoit aussi d'acquérir de nouveaux navires dans le cadre d’un contrat de 1,58 Md$ avec un « constructeur automobile mondial » non communiqué.
En juillet, Cosco Shipping a annoncé la création d’une coentreprise avec SIPG logistics et Saic Anji Logistics dans le transport des PCTC. La nouvelle compagnie a passé commande, en deux temps, de quinze et six navires alimentés au GNL d’une capacité de 7 500 CEU auprès de quatre chantiers navals chinois. Saic est la branche logistique du constructeur automobile chinois Saic Motor, en tête des ventes en Chine grâce aux coentreprises formées avec Volkswagen (Saic-Volkswagen) et General Motors (Shanghai GM, Saic-GM-Wuling Automobile). Le groupe chinois ambitionnait d’exporter plus de trois millions de voitures fabriquées en Chine en 2022.
Adeline Descamps