Airseas a terminé la campagne d’essais en mer de sa grande aile Seawing, qui avait commencé en décembre 2021. Le Ville de Bordeaux, roulier affrété par Airbus à LD Seaplane, filiale de Louis Dreyfus armateurs (LDA), et qui relie deux fois par mois Saint-Nazaire et Mobile, en Alabama, a éprouvé pendant plus de dix-huit mois un kite de 500 m².
Issu d’un travail de R&D entrepris en 2016, la technologie de la société – une voile de 1 000 m² déployable jusqu’à 300 m d’altitude avec une capacité de traction jusqu’à 200 000 t –, tablait sur une réduction de 20 % de la consommation de carburant et des émissions associées. Et ce, sans avoir à modifier fondamentalement le plan de pont dans la mesure où le système se réduit à une voile, à un mât et à un pod.
La technologie est intéressante pour les navires marchands qui ne veulent pas faire l'économie d'espaces de chargement. Un seul mât télescopique de 34 m, positionné à l’avant du navire, permet de déployer l’aile parafoil. L’équipement de pont, cylindre de 5 m de diamètre, assure les opérations automatiques de l’aile.
Un dispositif de routage intervient comme un outil d'aide à la navigation pour adapter la vitesse, optimiser la route et l’utilisation du kite en fonction des informations envoyées par l’aile et des indications météorologiques reçues par le navire.
A cet égard, le Seawing s'appuie sur une modélisation numérique de l’ensemble formé par l'aile et le navire (sur le principe du jumeau numérique), qui calcule les scénarios de vol en fonction de la position exacte que doit avoir l’aile, selon la direction et la vitesse du vent. Les mises à jour sont quasiment instantanées. L’ensemble du système peut être fixé sur le pont du navire en moins de 24h.
Réduction de 16 %
La société, fondée à Toulouse par des anciens d’Airbus (qui en est actionnaire à hauteur de 11 %), et aujourd’hui basée à Nantes, est désormais en mesure d’affirmer que son dispositif vélique permet une réduction de 16 % en moyenne de la consommation de carburant et des émissions, premières données conformes donc à sa feuille de route de développement.
Bien que l’armateur japonais K-Line en ait déjà commandé cinq (pour deux capesize et trois vraquiers post-panamax) et a conclu un accord de développement technologique sur une durée de vingt ans qui comprend une précommande d’une cinquantaine de navires, l’entreprise va effectuer d’autres essais en mer et sur terre pour en améliorer encore les performances avant l’ultime étape : l’industrialisation à plus grande échelle.
« Les premières données de performance nous donnent la certitude que le système fonctionne, et que nous sommes sur la bonne voie pour réaliser encore plus d'économies de carburant et d'émissions au fur et à mesure que nous travaillerons sur le système dans les mois à venir », confirme Mathieu Reguerre, responsable de l’équipe composants volants chez Airseas.
Plusieurs jalons techniques
Durant cette campagne, plusieurs jalons techniques ont été validés, notamment le vol dynamique, c’est-à-dire le mouvement de l’aile en « figures de 8 » qui permet de multiplier sa puissance. Les cases – automatisation de la séquence de vol et du décollage, du vol au zénith, et de l'atterrissage –, ont également été cochées.
Les prochaines étapes consistent en des tests en conditions réelles à son nouveau centre de R&D d'Airseas à Dakhla, au Maroc, ainsi que des essais en mer sur un capesize de K-Line.
« L’OMI et l’Union européenne exercent une pression accrue sur les armateurs et les affréteurs afin qu’ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais nous ne pouvons pas uniquement miser sur les fuels alternatifs comme les biofuels, l’hydrogène vert ou le méthanol, qui ne seront disponibles que d’ici cinq à dix ans , explique Vincent Bernatets, cofondateur et président d’Airseas. Seule l’association des énergies renouvelables à ces fuels alternatifs nous permettra d’atteindre les objectifs fixés. L'industrie maritime aura besoin de toutes les solutions disponibles sur la voie du net zéro, et notre objectif est de permettre à un plus grand nombre d'armateurs de prendre le contrôle de leurs émissions en maîtrisant l'énergie gratuite et largement disponible du vent ».
L’entreprise cible des navires de 100 à 400 m – vraquiers, porte-conteneurs ou tankers –, qui exigeront des réductions de consommation de fuel importantes. L’économie de fuel réalisée permet, à ce stade, un retour sur investissement à un horizon de trois à cinq ans, plus ou moins selon les déterminants de la taxe carbone.
Adeline Descamps
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