La pression s'accroit sur l'OMI au sujet des granulés plastiques industriels

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Alors qu’une réponse de l’Organisation maritime internationale est attendue sur le sujet des pertes de conteneurs, elle devra aussi traiter le sujet des billes de plastique, dont les déversements massifs sont de plus en plus récurrents. La pression s'accroît sur les États membres de l'OMI pour qu'ils classent les granulés de plastique en substances dangereuses.

Les questions prioritaires de sécurité maritime et d’intégrité environnementale se bousculent aux portes de l’OMI dont les process de décision ne sont pas toujours compatibles avec l’urgence des situations. Alors que la récurrence des accidents fait de la perte des conteneurs en mer et des batteries lithium-ion à bord des sujets sur lesquels l’autorité de régulation du transport maritime est attendue, elle risque d’être saisie de façon plus insistante du sujet des granulés plastiques industriels (GPI).

Ces billes de plastique sphériques de la taille du millimètre, au nom poétiquement trompeur de « larmes de sirène », qui se retrouvent à l’intérieur des conteneurs, sont à la base de la fabrication de tout produit en plastique, qu’il soit en polypropylène, en polystyrène ou en polyéthylène. Selon l’ONG Surfrider, 160 000 t de granulés sont « perdues » – des quantités importantes de granulés se déversent tout au long de la chaîne de fabrication –, par l’industrie dans l’Union européenne, et 230 000 t au niveau mondial. Pis, d’après une étude publiée en janvier 2016 par le Forum Économique Mondial, sur les 8,8 Mt de déchets plastiques dans l’océan chaque année, 250 000 t sont des « nurdles », sa dénomination anglaise. Soit l’équivalent d’un camion-poubelle qui se déverserait toutes les minutes dans la mer, stigmatise le FME.

Du X-Press, on retient surtout le risque de marée noire

Le phénomène est connu à terre, il est moins signalé en mer même si leur pollution est observée depuis les années 70. En raison de leur taille, les granulés passent à travers les mailles des machines, y compris les cribleuses qui permettent de nettoyer les plages. Leur collecte est d’autant plus difficile qu’elles sont très sensibles à l'action du vent, des courants et des marées. En se fragmentant, elles finissent en nanoparticules ingérées par les poissons et mollusques et contaminent la chaîne alimentaire.

Après le naufrage du X-Press Pearl en juin 2021 qui a coulé à 22 m de profondeur, le Centre pour la justice environnementale du Sri Lanka avait indiqué que des billes avaient été retrouvées dans le corps de plusieurs animaux échoués parmi les 470 tortues, 46 dauphins et 8 baleines. Et 20 000 familles avaient été contraintes d’arrêter de pêcher.

De l’accident du porte-conteneurs avec ses 1 486 conteneurs, dont 25 chargés d'acide nitrique à bord et sa soute de 350 t de fuel, il a surtout été question de la crainte d’une marée noire dans l’océan Indien. Mais la marée blanche sous-jacente aux 1 680 t de billes de plastiques contenus dans 87 conteneurs a été bien moins évoquée. Il s’agirait pourtant du plus grand déversement de plastique marin jamais enregistré.

1 000 t en sur les plages de Dubaï

Quelques retentissements médiatiques ont placé cette pollution sournoise sur le devant de la scène, notamment parce que les ONG environnementales s’y intéressent de plus en plus. Le 19 juin 2021, les ONG Good Karma Projects et Surfrider Europe ont donné le coup d’envoi d’une expédition en Méditerranée afin d’étudier le phénomène, observé sur le littoral espagnol « que » depuis 2018. Cette année-là, Greenpeace indiquait qu’environ 120 millions de billes avaient été trouvées sur la plage.

En France, le phénomène a été observé sur les plages du Finistère en février 2021 et à Calais en septembre 2022. Mais dans l’Hexagone, le sujet a été posé de façon plus médiatisée à la suite des dépôts de plaintes contre X en janvier auprès du tribunal judiciaire de Brest – notamment par le gouvernement français (Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et secrétaire d’État chargé de la mer) et les collectivités locales –, suite à la « marée blanche » sur les plages de l'Atlantique bordant le sud de la Bretagne et de la Vendée, où plus de 1 100 microbilles ont pu être comptées sur 100 m de plage.

Des origines mal définies

Mandaté pour déterminer les solutions de nettoyage et analyser leurs origines, le Cedre (Centre de documentation, de recherches et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux) reconnaît que définir l’origine est problématique « car elles ont des formules à peu près identiques d’où qu’elles viennent ». Les analyses ne sont pas très parlantes dans la mesure où il s'agit de granulés de plastique très courants dans l'industrie de la plasturgie. Les matières sont principalement des granulés de polyéthylène mais il n'est pas possible de remonter à la source de la pollution sur la base de ces seules analyses », indique au JMM Nicolas Tamic, le directeur adjoint de l’organisme breton.

Á l’occasion de l’accident, Hervé Berville, le secrétaire d’État à la Mer, a rappelé que la France « a demandé à faire des pertes de conteneurs par les navires un axe de travail prioritaire de l’Organisation maritime internationale », un sujet sur lequel l’autorité de régulation est attendue. La piste de la perte d’un ou plusieurs conteneurs contenant ces GPI à bord d’un navire croisant au large des côtes bretonnes et vendéennes n’est en effet pas exclue. La tâche sera ardue car les compagnies ne signalent pas systématiquement ces pertes et le contenu des boîtes n’est pas toujours bien renseigné.

Le huitième sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs de l’Organisation maritime internationale (OMI), qui s’est tenu du 14 au 23 septembre 2022, a notamment validé des propositions d’amendements aux conventions Solas et Marpol qui prévoient de rendre obligatoire la déclaration de pertes de conteneurs. Elle pourrait entrer en vigueur avant le 1er janvier 2026.

Á classer en marchandises dangereuses

Malgré la multiplication des incidents, les « larmes de sirène » ne sont toujours pas classées en matières dangereuses par l’OMI ou comme polluants marins au même titre que le diesel, le kérosène et le pétrole, ce que réclament les ONG pour que l'emballage, l'étiquetage, l'arrimage et le transport de ces GPI soient réglementés.

Le sous-comité de l'OMI chargé de la prévention de la pollution et de la lutte contre la pollution (PPR) en avril doit aborder cette question en vue de formuler une recommandation pour qu’elle soit débattue en session inter-technique puis au Comité de protection du milieu marin (MEPC 80) en juillet. Selon l'organisation de défense des droits Fauna and Flora, ces sessions pourraient aboutir à une décision sur des règles contraignantes en matière de pollution plastique dès le MEPC 81, prévu l'année prochaine. 

Adeline Descamps

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