Comme attendu, Hapag-Lloyd sera exclu du deuxième tour de l'appel d'offres dans le cadre de la privatisation partielle de la grande compagnie maritime sud-coréenne HMM.
Des banques d’investissement l'ont confirmé auprès des médias du pays. Les principaux actionnaires du huitième transporteur mondial de conteneurs –la Korea Development Bank (KDB) et la Korea Ocean Business Corp (KOBC) qui vendent leur participation de 20,98 % de les 19,96 % –, limiteraient la concurrence à des entreprises nationales.
Entre 3,7 et 4,5 Md$
La procédure de mise en vente, évoquée depuis de longs mois, s’est accélérée ces dernières semaines avec la désignation en juillet de la banque d'investissement Samsung Securities pour trouver un acquéreur.
L’imminence des échéances concernant la dette et les obligations de la compagnie maritime a sans doute aussi joué un rôle dans cette précipitation subite (le taux d'intérêt sur les obligations doit doubler en octobre).
Les candidats avaient jusqu'au 21 août pour soumettre une offre pour une compagnie dont la valeur est estimée à 3,7 Md$.
Les banques ont également évoqué la possibilité de convertir des obligations supplémentaires pour porter la cession des participations à 58 %, ce qui porterait l'offre à 4,5 Md$.
Quatre soumissions et une déception
Le premier tour d'appel d'offres s’est soldé par le dépôt de quatre soumissions et une grande déception pour les banques publiques : le nombre relativement limité d'offres reçues et l’absence des grands chaebols sud-coréens parmi les soumissionnaires.
Parmi les candidatures, celle de l'armateur allemand Hapag-Lloyd, numéro cinq mondial du secteur et de trois entreprises nationales, à savoir Harim Group, qui détient l’exploitant de vraquiers Pan Ocean et plusieurs actifs dans le domaine agroalimentaire, Dongwon, autre grand groupe agroalimentaire familial dans les produits de la mer et notamment investi dans le Dongwon Pusan Container Terminal, et la société sud-coréenne de logistique et de commerce dans l’électronique, LX Group.
Une candidature à problème
La soumission du transporteur européen a pris la forme d’une tuile pour l’exécutif sud-coréen, peu ouvert aux intérêts étrangers quand il s’agit des actifs stratégiques du pays. Le transport maritime est considéré comme tel car l’économie sud-coréenne est fortement dépendante de l’exportation.
Or, des quatre, seul Hapag-Lloyd a la surface financière, avec des liquidités s'élevant à un peu moins de 7 Md$ et l’expérience, ayant largement participé aux grands mouvements de consolidation de son secteur. L'armateur allemand a mis la main sur la société chilienne CSAV en 2014 et le transporteur du Golfe, United Arab Shipping Co (UASC) en 2017.
Beaucoup glosaient sur un ajournement ou une annulation de la vente et sur une tactique qui écarte les candidatures mal venues. Dans ce cas, un acheteur « privilégié » pourrait être recherché avant de passer à une vente aux enchères publiques.
Menace pour la souveraineté
Lorsque le rejet de l'offre de Hapag-Lloyd est devenu de plus en plus probable, un groupe d'actionnaires minoritaires a exprimé publiquement son soutien à la compagnie allemande, estimant que l’opération apporterait de la valeur aux actionnaires et, au-delà, serviraient les intérêts de l'économie coréenne.
La Fédération des industries maritimes coréennes et l'Association pour le développement du port de Pusan ont, elles, manifesté leurs réticences, considérant que la vente d'un actif national constituait une « menace sérieuse pour la sécurité du pays ».
La due diligence pour obtenir des informations concurrentielles ne peut pas non plus être écartée, font valoir les banquiers d'affaires.
Désormais, c'est la manière dont les trois autres soumissionnaires vont financer la transaction qui va être déterminante dans la mesure où ils pourraient avoir à contracter des emprunts et à faire face ensuite à des charges trop importantes.
Conclure avant la fin de l'année
Les banques publiques ont, elles, réaffirmé leur détermination à conclure avant la fin de l’année.
HMM est sous le contrôle de l'État depuis 2016, année traumatique pour le secteur avec la faillite de l'iconique Hanjin Shipping. Elle avait été sauvée de la banqueroute à l’aide de banques publiques d’investissement quand la compagnie s’appelait encore Hyundai Merchant Marine. Depuis, elle a été renflouée à plusieurs reprises.
Adeline Descamps
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