Le marché roulier, dynamisé par le transport maritime de véhicules neufs, est en grande forme depuis deux ans, accumulant les taux d’affrètement records et les bénéfices historiques tandis que l’actuelle disponibilité des navires est loin de couvrir la demande. Les intérêts tous azimuts s’en trouvent attisés.
Après CMA CGM, qui a lancé sa propre flotte, HMM, qui y revient via l'affrètement de navires après avoir vendu tous ses navires dans ce segment, MSC avec sa toute récente OPA sur l’un des grands du secteur Gram Car Carriers et Seaspan qui a rejoint la liste des propriétaires de car-carriers, Grimaldi augmente sa participation dans la société norvégienne Höegh Autoliners, cinquième plus grand opérateur de transport de véhicules et propriété à 48 % de LEIF Hoegh & Co, le holding qui contrôle aussi Höegh LNG, le grand propriétaire de terminaux méthaniers flottants (dix FSRU).
Les Grimaldi, qui ont la réputation d’être de sages investisseurs, ne sont pas du genre à se laisser distraire par l’effervescence autour d’un marché. Nul doute que ce dernier mouvement soit déconnecté de l’agitation ambiante mais sans être pour autant un simple investissement.
Deuxième actionnaire après la famille
En portant la part des actions détenues dans l’opérateur de porte-voitures à 5,12 %, soit 9,78 millions d'actions, ainsi que les droits de vote afférents par l'intermédiaire de ses sociétés Caprim et EG Holdin, l’armateur de ro-ro italien devient le deuxième actionnaire du Norvégien après la famille Höegh (35,5 % des actions).
Depuis que Maersk a cédé la totalité de sa participation en vendant les 10,48 % d'actions qui lui restaient encore (au total 20 millions d'actions), les spéculations sur un possible rachat par l’armateur napolitain circulaient.
Un marché dominé par une dizaine d'acteurs
Sans cela, Grimaldi est déjà un des acteurs de ce marché dominé par des armateurs japonais (NYK, K-Line, MOL), coréens (Hyundai Glovis, Eukor, coentreprise entre Wallenius Wilhelmsen et Hyundai Motor) mais aussi européens (Wallenius Wilhelmsen, Höegh autoliner, UECC).
La société napolitaine possède actuellement une flotte de 25 transporteurs de voitures. En mars, elle a procédé, sur un des chantiers de China Merchants Heavy Industries (CMHI) à Haimen, à la découpe de la première tôle du Grande Shanghai, le premier des dix navires prêts pour l'ammoniac (classée par la société de classification italienne Rina).
Avec une capacité de chargement de plus de 9 000 CEU (Car Equivalent Units), ils
seront équipés de méga-batteries au lithium, de panneaux solaires et de la connexion électrique à quai. Une fois livrés – entre 2025 et 2027 –, les dix pure car & truck carrier (PCTC) seront déployés « entre l'Europe, l'Afrique du Nord, le Proche et l’Asie du sud-est pour répondre à la demande du marché mondial de l'automobile », avait indiqué l’armateur lors de l’annonce.
La classe s’inscrit dans un plan de renouvellement pour Grimaldi qui a budgété 2,5 Md€ pour faire construire 25 navires de dernière génération d'ici 2027.
Renouvellement de la flotte, pilier de la stratégie pour Höegh Autoliners
De son côté, Höegh Autoliners, qui exploite actuellement 40 car-carriers, est embarqué dans un vaste renouvellement de sa flotte dont la société a fait un des trois piliers de sa stratégie. « Au cours des deux dernières années, nous nous sommes concentrés sur trois domaines, l'un d'entre eux étant de renforcer la résilience tout au long du cycle. L'autre est d'exécuter un renouvellement complet de la flotte verte et le troisième est de fournir des rendements aux actionnaires », avait mentionné le PDG Andreas Enger, lors de la conférence en ligne qui a suivi la présentation des résultats financiers du premier trimestre.
La compagnie a commandé 12 navires de 9 100 CEU (actuellement, ses navires ont une capacité de 6 000 CEU) d’une nouvelle classe, baptisée Aurora, les huit premiers alimentés au GNL mais avec la possibilité d’être rétrofités pour recevoir l’ensemble des futurs carburants zéro carbone (« zero-carbon ready ») tandis que les quatre derniers navires seront livrés avec une propulsion à l'ammoniac bleu ou vert (classification DNV). Soit une capacité supplémentaire de 110 000 CEU, pas moins de 47 % de sa sa flotte en exploitation.
Six d'entre eux sont entrés en construction et les livraisons vont s’échelonner entre cette année et 2027, les deux premiers navires en août et septembre. Parallèlement, le transporteur cède ses navires les moins efficients sur un plan énergétique, trois à ce stade, âgés de 17 à 18 ans.
Le financement sécurisé
Début avril, Höegh Autoliners a décroché un prêt de 720 M$ (dont 350 M$ déjà engagés) pour le financement de quatre des constructions (1, 2, 5 et 6) et l'achat de deux transporteurs de voitures (Höegh Jacksonville et de Höegh Jeddah, pour 90 M$, dont les livraisons auront lieu respectivement en avril et en septembre 2024). La nouvelle facilité de crédit pour sa flotte lui assure une visibilité d’une durée de six ans, assortie de taux d'intérêt réduits et affranchis de clauses restrictives.
En outre, Höegh Autoliners a obtenu un autre crédit de 200 M$ non amortissable et d'une durée de quatre ans auprès de Citibank, BNP Paribas, ING Bank, CA-CIB, DNB, Danske Bank, SEB et Nordea. Il pourrait servir de réserve de liquidités.
La société dispose ainsi de 207 M$ de trésorerie et d’un faible ratio dette nette portant intérêt/Ebitda de 0,5 %. Par ailleurs, une subvention de 13 M$ accordée par Enova est censée couvrir 40 % du coût supplémentaire des nouvelles constructions.
C’est dire que la compagnie dispose d’une certaine souplesse pour l’affectation future de son capital et est entièrement financée à des « conditions intéressantes jusqu'en 2030 », a signifié Per Øivind Rosmo, directeur financier de Höegh Autoliners lors de l’annonce : « Avec 24 navires en propriété sans dette, des amortissements flexibles, seulement 30 M$ d'acomptes sur les capitaux propres pour les 12 nouvelles constructions, et une réserve de liquidités supplémentaire de 200 M$, la société est dans une position unique pour créer de la valeur pour les actionnaires ». La société a en effet distribué 109 M$ de dividendes à l’issue du premier trimestre.
Chiffre d'affaires pourtant en baisse
Pour le premier trimestre, la société a déclaré un chiffre d’affaires en baisse de 7,2 % par rapport au premier trimestre 2023, s’établissant à 328 M€ (382 M€ au dernier trimestre de 2023). « La société a été confrontée à une perte de volume en raison de la perturbation de la mer Rouge, ce qui a eu un impact sur le volume annuel de 800 000 à 900 000 m3 », a expliqué la direction. Le résultat net (115,1 M$) s’est replié de 1,8 % sur un an et l’Ebitda (résultat opérationnel avant amortissement sur immobilisations) s’est fixé à 162 M$.
Un marché galvanisé
Il y a actuellement 165 rouliers en commande dans le monde avec des livraisons prévues jusqu'en 2028. 80 % ont été confiés à des chantiers navals chinois, majoritairement aux deux géants chinois du secteur (CMHI et CSSC) et placés pour un tiers par des constructeurs chinois eux-mêmes (Saic Anji, BYD, Chery, etc.), lesquels s’ouvrent à l’exportation pour compenser la faiblesse de leur marché intérieur.
Quelque 600 000 CEU devraient ainsi étoffer une flotte mondiale estimée à 4 millions de CEU avec 760 navires.
Adeline Descamps
Sur ce sujet
Après CMA CGM et HMM, MSC s'intéresse de près au transport maritime de voitures
Seaspan rejoint la liste des propriétaires de porte-voitures
Le premier porte-voitures du constructeur automobile BYD a opéré sa première livraison en Europe
Le premier porte-voitures de CMA CGM en service
Commandes de car-carriers : les armateurs de porte-conteneurs aussi
Ceva Logistics confirme l'affrètement de quatre car-carriers
Transport de voitures : un marché en pleine effervescence
Le manque de porte-voitures entrave les exportations mondiales des constructeurs automobiles chinois