Ever Given : vers une sortie de crise ?

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L’audience, qui devait se tenir devant le tribunal administratif d'Ismaïlia le 20 juin, a été ajournée pour donner une nouvelle chance aux deux parties de parvenir à un accord à l’amiable. Selon l’assureur du propriétaire, « des négociations sérieuses et constructives » ont repris, laissant espérer une issue pour les 18 300 conteneurs séquestrés. 

Les chargeurs qui ont du fret à bord de l’Ever Given devront encore patienter un peu mais il se profile peut-être une issue au bout du... canal. Le tribunal égyptien devait se prononcer ce 20 juin sur la demande d’indemnisation déposée par l’Autorité du canal de Suez (Suez Canal Authority, SCA) en compensation du blocage de l’infrastructure égyptienne fin mars par le porte-conteneurs désormais célèbre dans le monde entier.

L’audience n’a pas eu lieu car les avocats du propriétaire ont demandé un délai supplémentaire. Le UK Club, P&I de l’Ever Given a laissé entendre que « des négociations sérieuses et constructives » avaient repris. Le tribunal a fixé la prochaine session au 3 juillet. Le 29 mai, le tribunal de première instance d'Ismaïlia avait déjà ajourné l'audience pour donner une nouvelle chance aux deux parties de négocier un accord à l’amiable. Faute d’entente, l'affaire devait donc revenir à la barre le 20 juin.

Pour rappel, le navire armé par la compagnie taïwanaise Evergreen et propriété de Luster Maritime, filiale l'armateur nippon Shoei Kisen Kaisha (groupe Imabari Shipbuilding)*, faisait route de la Chine vers les Pays-Bas lorsqu'il s'est échoué à une dizaine de kilomètres de l'entrée sud du canal dans la mer Rouge.

Le porte-conteneurs de 59 m de large et 400 m de long, s'est trouvé coincé en diagonale dans un passage de 250 m de large, bloquant complètement le canal pendant plusieurs jours. L'incident a provoqué un embouteillage monstre aux deux extrémités de l’infrastructure, où jusqu’à 422 navires se sont agglutinés, entraînant des retards importants à un moment de surchauffe des chaînes d’approvisionnement mondiales, provoqué par les retards accumulés pendant des mois de crise sanitaire.

Ever Given : le président de l'Autorité du canal de Suez étaye ses demandes de compensation

780 M$

La valeur des 18 300 conteneurs bloqués sur le navire ancré depuis fin mars dans la zone du Grand Lac Amer, sont estimés entre 600 et 780 M$ mais font l’objet de nombreuses estimations. Indépendamment de ce qui sera convenu entre les deux parties, les propriétaires des marchandises (Ikea et Lenovo font partie de ceux qui sont couramment cités) devront s’acquitter d’une caution afin de pouvoir récupérer leur fret. Une avarie commune ayant été déclarée, les intérêts de la cargaison sont susceptibles de contribuer à une partie des coûts du sauvetage.

Mais avant tout, leurs marchandises restent indissociablement liées à celui du navire et à sa libération. Plus le navire sera retenu longtemps, plus la probabilité de pertes est grande et plus les réclamations sur les cargaisons seront coûteuses, notamment pour les denrées périssables ou dans le cas où un chargeur, contraint par ses stocks, commande par exemple un autre lot au même fabricant, estiment les experts juridiques. 

Le P&I du propriétaire avait tenté de contester la validité juridique de la détention du navire mais avait été débouté par la juridiction égyptienne. Le UK Club a parallèlement déposé une procédure de limitation de responsabilité devant la Haute Cour de Londres, sans préciser la date des audiences. En principe, le bénéfice de cette limitation est subordonné à trois conditions : les dommages sont survenus à bord du navire, aucune faute inexcusable n’est caractérisée, et un fonds de limitation doit avoir été constitué.

Ever Given : la demande d'indemnisation encore revue à la baisse

Préjudice économique estimé entre 2,2 et 3,9 Md$

Après avoir estimé à 916 M$ le coût des pertes subies, comprenant notamment une « prime de sauvetage » (300 M$), en dehors des frais liés au déséchouage du navire, et une « perte de réputation » (300 M$), la SCA avait fini par revoir cette demande à 550 M$ avant de concéder qu’elle accepterait, contre un dépôt de 200 M$, de libérer le navire et le paiement différé des 350 M$ avec des lettres de garantie. Cette proposition n’a pas davantage convaincu l’armateur et le propriétaire, estimant toujours la valeur « extraordinairement élevée » et insuffisamment étayée. 

Pour justifier sa demande, le gestionnaire du canal renvoie au Livre des Règles de Navigation, sa référence légale stipulant ses droits et obligations envers ses clients. Il s’arc-boute notamment sur l'article 58 de ce corpus concernant l'affectation des remorqueurs d'escorte pour établir le fait qu’il s’y est conformé. C’est un des points que l’opposition exploite pour pointer du doigt des manquements de la SCA et invalider les montants exigés.

Effet boule de neige

SelonJan Hoffmann, de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), ancien directeur de l'Association internationale des économistes maritimes, estime pour sa part le préjudice économique mondial entre 2,2 et 3,9 Md$.

L'accident a par ailleurs contribué à l’explosion des taux de fret, déjà tirés vers le haut par les tensions sur l’offre et la demande, a aggravé les délais de rotation des conteneurs, entraînant une congestion des ports en Europe et ailleurs.

L’incident a aussi révélé à certains l’importance du passage de Suez et son quasi-monopole sur la liaison entre l'Europe et l'Asie. Par son raccourci de 8 900 km par rapport à la route historique du Cap de Bonne Espérance, il réduit la navigation d’une semaine, la facture carburant d’autant et surtout, permet à ceux qui l’empruntent de transborder les marchandises dans les ports méditerranéens qu’ils visitent. Une incontournable plateforme logistique au niveau mondial.

Adeline Descamps

*La gestion du navire est assurée par la société japonaise Higaki Sangyo Kaisha et la gestion technique, par la division de Hong Kong de Bernhard Schulte Shipmanagement.  

 

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