Malgré la transition énergétique, le trafic charbonnier demeure un pilier non négligeable de l’activité portuaire du Benelux. Ensemble, les quatre plus grands complexes portuaires belges et néerlandais, à savoir Rotterdam, Anvers, Amsterdam et North Sea Port, ont traité en 2019 pas moins de 49,7 millions de tonnes (Mt) de charbon. Cela représentait 5,7 % de leur volume cumulé. L’épidémie du Covid-19 a très fortement touché ce flux l’an dernier. Les volumes cumulés ont plongé de 35 % à 32,5 Mt. Aucun port n’a été épargné, et même si la situation se présente sous un jour différent de l’un à l’autre, la chute du charbon a été partout très supérieure au recul du trafic global.
Un quart des vracs sec à Rotterdam
Accessible aux plus grands vraquiers, y compris les valemax calant à plus de 20 m de tirant d’eau, et doté de terminaux qui comptent parmi les plus grands d’Europe, Rotterdam reste de loin le prin- cipal port pour le charbon. Sa performance dans ce secteur a connu des fluctuations depuis 2008 (il était remonté à 30,7 Mt en 2015) mais la ten- dance s’est effondrée ces deux dernières années. De 26,4 Mt en 2018, le mainport néerlandais est passé à 22,4 Mt en 2019, puis à 17,3 Mt en 2020 (- 23 %).
Les charbons interviennent pourtant tou- jours pour plus d’un quart des vracs secs et pour 4 % du trafic total. Le port y voit la traduction de la transition énergétique (avec son recours croissant aux énergies renouvelables et à la biomasse) mais aussi de la baisse du prix du gaz et d’une plus faible production sidérurgique en Allemagne. « Aux Pays-Bas, la part du charbon dans la pro- duction d’électricité a diminué de moitié en 2019, pour retomber à 7 %. Elle était encore de 36 % en 2015. Le même constat vaut pour l’Allemagne où elle passée en cinq ans de 19 à 8 %. »
Un rôle mineur à Anvers
Anvers ne joue plus qu’un rôle très mineur dans les flux de charbon. Le grand port belge traitait encore 9,9 Mt de charbon en 2008 mais ce volume a ensuite fondu comme neige au soleil, notam- ment à cause de l’arrêt de la sidérurgie à chaud en Wallonie. Depuis 2013, le port flamand a oscillé entre un résultat presque symbolique d’à peine 0,5 Mt (en 2017) et une pointe à 2,9 Mt en 2019. Cette année-là, Anvers a profité de mouvements spéculatifs sur les marchés qui ont conduit à un stockage accru, indique le port. Leur effet s’est estompé en 2020 et l’année s’est finalement soldée par un volume de 1,2 Mt de charbon, soit 10,6 % des vracs secs et 0,5 % du trafic total (contre respectivement 36,1 % et 5,2 % en 2008).
©JMM
Revers sévère à Amsterdam
Amsterdam a connu un scénario comparable à celui de Rotterdam avec un maintien du trafic de charbon à un niveau élevé jusqu’en 2019 (15,6 Mt), ponctué par un pic à 19,5 Mt en 2014. Mais le port a essuyé un revers sévère l’an dernier en perdant la moitié de ses flux à 7,5 Mt (- 52 %). Le charbon continue à peser pour 10 % de son trafic, mais cette part était au moins deux fois plus importante entre 2008 et 2017. Dans le ressac noté en 2020, les mêmes facteurs ont joué qu’à Rotterdam. La fermeture d’une centrale électrique au charbon n’a pas arrangé sa situation.
Stabilité pour North Sea Port
North Sea Port, né de la fusion en 2017 de Gand, Flessingue et Terneuzen, connaît une activité soutenue en lien avec le charbon. Dans le domaine, son trafic total est resté relativement stable, autour des 6,5 Mt. Il doit sa situation au fait que les flux concernés ne servent pas uniquement à la production d’électricité mais alimentent des filières industrielles au premier rang desquelles figure l’aciérie d’ArcelorMittal à Gand. La part du charbon dans le trafic total reste proche des 10 %. Il faut attendre de voir si un redressement partiel a lieu en 2021. Mais la plupart des ports semblent avoir déjà mentalement tourné la page du charbon.
Rotterdam met en exergue le passage accéléré aux carburants et combustibles alternatifs et ses efforts pour développer un pôle centré sur l’hydrogène. Anvers et North Sea Port oeuvrent dans le même sens. Amsterdam, de son côté, affiche clairement sa volonté de « sortir du charbon » d’ici 2030 et dit s’y préparer « en concertation avec [ses] clients ». Mais la reconversion des manutentionnaires concernés et de leurs terminaux reste pour l’heure une question ouverte.
Jean-Louis Vandevoorde