Après sept mois de suspension, les navires de croisière vont pouvoir retrouver la mer sous certaines conditions. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), qui auraient voulu prolonger l’interdiction de naviguer jusqu’en février, ont finalement publié un cadre de mesures à suivre pour une « reprise sécurisée et responsable » des croisières. Paradoxalement...
Le New York Times avait révélé il y a un mois que l'administration Trump avait fait pression pour que les CDC lèvent l’embargo sur les croisières alors que les autorités sanitaires du pays auraient volontiers prolongé l’interdiction encore quelques mois. La nouvelle ordonnance, qui s'applique aux paquebots de plus de 250 passagers croisant dans les eaux relevant de la juridiction américaine, intervient à un moment paradoxal alors que le monde fait face à la résurgence d’une seconde vague épidémique qui s’annonce aussi meurtrière que la première si ce n’est davantage. L'ordonnance exige néanmoins le respect d’une longue liste de contraintes et protocoles draconiens, visant une approche « progressive » et graduée de façon à se donner le temps de « tester l'efficacité des mesures exigées ».
Croisières : L'agence sanitaire américaine lance un nouveau pavé dans la mare
Voyages à blanc
Dans un premier temps, les opérateurs seront tenus de démontrer le respect des exigences en matière de dépistage, de quarantaine et d'isolement, de distanciation sociale et de protection des membres d'équipage et des passagers. Ils devront être équipés de moyens médicaux et sanitaires adaptés. En outre, les itinéraires, escales et activités à bord seront sous le contrôle des CDC.
Dans un second temps, ils procéderont à des voyages à blanc (« mock ») avec des volontaires en guise de passagers de façon à éprouver la capacité des compagnies à éviter la propagation et maîtriser les protocoles. Il est également question de certifier les navires selon les exigences requises contenues dans un document dense et dissuasif, le Covid-19 Conditional Sailing Certificate. Cette certification pourra être retirée à tout moment. Chaque navire devra disposer d’un plan de gestion des risques palliant les scénarios de prise en charge des malades et de rapatriement dans des conditions étudiées.
La croisière va-t-elle reprendre pour autant ?
« Nos membres sont prêts à mettre en œuvre plusieurs niveaux de protocoles fondés sur les connaissances scientifiques et médicales les plus récentes », a souligné Kelly Craighead, présidente de la Cruise Lines International Association (CLIA), porte-voix opérateurs de croisière au niveau mondial (95 % de la flotte mondiale).
La profession avait devancé toutes réglementations en mars dernier en décidant volontairement de suspendre ses opérations au niveau mondial. Elle avait été enjointe à se saborder face à la multiplication incontrôlée des cas positifs sur les paquebots qui se sont révélés être des foyers de contamination à grande échelle. Elle avait ensuite reconduit plusieurs fois cette restriction délibérée quoi qu’il en coûte à ce secteur hautement capitalistique mais qui ne rentre plus un sou depuis de longs mois alors qu’il doit assurer des dépenses de fonctionnement. Si bien que l’on a assisté ces derniers mois à une course sans fin aux liquidités, à des ventes de navires et d’actifs et à des envois à la ferraille prématurés. Carnival Corp., le leader mondial avec une flotte de plus de 100 paquebots, ne pourra pas faire l’économie d’une cession de 18 navires, dont dix ont déjà quitté la flotte.
Il n’est pas certain pour autant que la prudence ne prévale pas à nouveau au sein des compagnies au regard des moyens à déployer, des conditions à satisfaire et de la situation sanitaire chaque jour plus préoccupante (cf. plus bas).
Adeline Descamps
[ACTUALISATION 3 novembre] : La CLIA décline
« Nous annonçons ce 3 novembre que nous maintiendrons la suspension volontaire des opérations de croisière aux États-Unis jusqu'au 31 décembre 2020 de façon à utiliser le reste de l'année pour se préparer à la mise en œuvre de mesures visant à assurer la sécurité sanitaire avec l'aide d'experts externes en santé publique et des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis », a annoncé dans un communiqué de presse la CLIA un jour après l’interdiction d’opérer levée par les CDC.
« Nous reconnaissons l'impact dévastateur que la pandémie continue d'avoir sur les 421 000 Américains dont les moyens de subsistance sont directement liés aux opérations de croisière. Nous travaillerons d'urgence pour favoriser un retour responsable à la croisière tout en continuant à mettre l'accent sur des mesures efficaces et fondées sur la science pour protéger la santé publique. »
Selon l’association, le secteur génère aux États-Unis plus de 53 Md$ en retombées économiques directes et indirectes et 421 000 emplois. Elle estime depuis la mi-mars, la suspension des opérations de croisière a entraîné une perte économique de plus de 25 Md$ et a sanctionné plus de 164 000 emplois américains.
L'industrie de la croisière prolonge encore la suspension des opérations