« L'adhésion du Russian Maritime Register of Shipping en tant que membre de l'IACS n'était plus tenable, a justifié dans un bref communiqué l'Association internationale des sociétés de classification (IACS). Conformément aux termes de sa charte qui exige un accord de 75 % ou plus de ses membres, le conseil a voté en faveur d’une exclusion avec effet immédiat.
Il pouvait en être autrement. Dans le troisième paquet de sanctions décidé le 9 mars par les États membres européens, le Russian Maritime Register of Shipping, qui fait office à la fois de société de classification internationale et de registre du pavillon, a été ajouté à la liste des entreprises publiques soumises à des restrictions de financement.
Depuis, la société de classification britannique Lloyd’s Register, la norvégienne DNV et la société américaine ABS ont annoncé qu’elles se désengageaient. La première a commencé à retirer, selon ses déclarations, la classification de tous les navires contrôlés, détenus ou gérés par la Russie, tandis que DNV cessera toute nouvelle activité commerciale dans ce pays. ABS a justifié sa décision en mentionnant à la fois les sanctions internationales frappant le secteur bancaire russe, l'interdiction pour les ports britanniques et canadiens d'accueillir des navires associés à des intérêts russes, l’embargo sur le pétrole russe par les États-Unis et le Canada, la mise au ban par l'UE de l'administration du pavillon russe.
Tout changement de classe d'un navire exige généralement des armateurs qu'ils renouvellent leur assurance. Exclu de l’IACS, la flotte russe va peiner à trouver la certification et la couverture d'assurance en dehors du pavillon national. Les assureurs exigent bien souvent que les services de classification des navires soient placés auprès d'un membre de l'IACS.
APM Terminals se désengage du terminal de Saint-Pétersbourg
Ces derniers développements font suite à une laconique annonce faite par le groupe A.P. Moller - Maersk portant sur la participation que détient APM Terminals dans Global Ports, une société exploitant cinq terminaux en Russie et deux en Finlande. La filiale portuaire de Maersk avait réalisé cet investissement en 2012 en acquérant 30,75 % dans Global Port auprès de Transportation Investments Holding, l'un des plus grands groupes de transport privés de Russie. Au moment de l'acquisition, Reuters avait estimé sa valeur à 860 M$. En dépit de sa faible participation, APMT est l’un des principaux coactionnaires avec la société de logistique russe Delos.
Avec CMA CGM en Finlande
Global Ports est présent dans le conteneur mais aussi dans les marchandises diverses, le vrac et le roulier. L’entreprise exploite notamment le terminal à conteneurs de Saint-Pétersbourg (First Container Terminal), mis en service en 1998 et d’une capacité de 1,25 MEVP selon ses données. Le manutentionnaire opère également un petit terminal d’une capacité de 500 000 EVP à Ust Luga (ULCT), premier terminal à conteneurs greenfield de Russie. Un projet conjoint avec Eurogate (20 %), qui jusqu’à présent n’a pas fait part d’un éventuel désengagement mais qui va s’y sentir légèrement contraint. APM Terminals y est indirectement investi par le biais de sa participation dans Global Ports. TIL, filiale portuaire de MSC, exploite un terminal à conteneurs à Saint-Pétersbourg, dans la Baltique russe.
Global Ports, dont les opérations à la Bourse de Londres ont été suspendues, possède en outre deux terminaux à conteneurs en Finlande en partenariat notamment avec CMA Terminals - Multi-Link Terminals à Helsinki et Kotka. Dans chacune de ces coentreprises, CMA Terminals détient actuellement une participation de 25 %.
Cessions compliquées
Selon Global Ports, APM Terminals continuera à être représentée au conseil d'administration de la société et à remplir ses obligations jusqu'à ce que la cession puisse être réalisée. Les opérations risquent d’être compliquées. Non seulement parce que le Kremlin ne tardera pas à prendre ses dispositions pour enrayer la grande évasion occidentale, en interdisant par exemple par décret les cessions d’actifs russes par des sociétés étrangères ou en bloquant les transferts de fonds. Selon le Wall Street Journal, le gouvernement russe a menacé de nationaliser les actifs des entreprises étrangères qui quittent son marché. Sans cela, les transactions financières avec la Russie sont de plus en plus ardues. Mais aussi parce qu’il sera difficile de trouver preneurs à ce stade, excepté de son principal coactionnaire Delos ou de pays dont les chancelleries ne sont pas effrayées à l’idée de froisser la diplomatie internationale.
A priori, les navires de Maersk mais aussi de CMA CGM continuent de desservir Saint Pétersbourg. Les armateurs avaient bien spécifié ne plus prendre de nouvelles réservations mais qu’ils s’engageaient à livrer le fret en cours à l’import comme à l’export. Est-ce que les Vayenga Maersk, en provenance de Felixstowe, et le CMA CGM Neva, à destination de Wilhelmshaven depuis Saint-Pétersbourg, entrent dans cette catégorie ?
Adeline Descamps