La production mondiale de blé a atteint un record au cours de l’année 2022 : elle devrait atteindre 758,8 Mt, selon le Conseil international des céréales (CIC), grâce à de bonnes récoltes en Russie, en Chine, aux États-Unis et au Canada, et malgré la baisse de production de certains pays exportateurs : l’Ukraine bien sûr, mais aussi l’Argentine et l’Australie, où les moissons n’ont cependant pas encore été faites.
En France, la production est également en baisse, avec 33,7 Mt récoltées soit 5 % de moins que l’an dernier. À l’échelle de l’ensemble de l’Europe, la moisson est de 127 Mt de blé (- 2 %). La production mondiale de maïs est également en baisse, avec 1 166 Mt prévues, soit 4 % de moins que l’an dernier, dont 55 Mt en Europe (- 25 %) et 10 Mt en France (- 31 %).
Réduction des achats par la Chine
Les échanges internationaux, toujours selon les projections du CIC, devraient atteindre 183,5 Mt pour le blé (- 7 %) au cours de la campagne 2022-23 et 172 Mt pour le maïs (- 8 %). Les principaux pays importateurs de blé tendre devraient rester inchangés : Égypte (12 Mt), Indonésie (11 Mt), Turquie (9 Mt) et Algérie (7 Mt). Seule la Chine va réduire ses achats, qui passeraient de 10 à 8 Mt. Du côté des exportateurs, la Russie (36 Mt) et l’UE (34 Mt) améliorent leurs positions, l’Australie (25 Mt) et les États-Unis (22 Mt) maintiennent les leurs, tandis que l’Argentine (13 Mt) exportera moins, de même que l’Ukraine (13 Mt, contre 19 Mt en 2021-22).
Pour le maïs, les achats devraient augmenter de la part de l’Union européenne (21 Mt), baisser pour la Chine (19 Mt) mais rester stables pour le Mexique (17 Mt) et le Japon (16 Mt). La baisse des exportations concernera les États-Unis (58 Mt) et surtout l’Ukraine (17 Mt, contre 24 Mt en 2021-22).
Attentisme sur le marché depuis des semaines
FranceAgriMer, qui a tenu son conseil « grandes cultures » le 9 novembre, note pourtant un « retour sur le marché des céréales ukrainiennes, qui s’avèrent très compétitives ». Des inconnues demeurent toutefois sur la pérennité des envois maritimes à partir des ports de la région d’Odessa. Marc Zribi, le chef de l’unité « grain et sucre » de FranceAgriMer craint « un certain attentisme sur le marché depuis quelques semaines ».
En dépit des menaces de la Russie de rompre l’accord négocié avec l’Ukraine sous l’égide de l’ONU en juillet dernier pour permettre la sortie des grains en toute sécurité, le corridor maritime continue de fonctionner. Après avoir suspendu sa participation suite à une attaque massive de drones sur sa flotte de guerre en baie de Sébastopol le 29 octobre, Moscou est revenu dans le « jeu ». Alors que l’accord parvient aux termes (le 18 novembre) de la période initialement programmée, le Kremlin pourrait ne pas le reconduire, considérant que la contrepartie – les exportations d’engrais russes – n’est pas assurée.
Plus de 10 Mt agricoles exportées depuis les ports ukrainiens
Depuis fin juillet, plus de 10 Mt de produits agricoles ont été exportées depuis les ports de la région d’Odessa via le fameux corridor, selon le Centre de coordination conjointe de l’ONU, chargé d’appliquer l’accord.
Ces trois derniers mois, les exportations maritimes de céréales depuis l’Ukraine ont atteint les deux tiers de leur moyenne quinquennale avec pour principales destinations : l’Europe, la Turquie et la Géorgie pour 59 % d’entre elles. Ces données, qui émanent du Centre de coordination conjointe, via FranceAgriMer, donneraient raison au Kremlin qui soutient que l’objectif de l’accord est dévoyé. La mise en œuvre du corridor maritime doit permettre le transit de céréales vers les pays qui ont le plus besoin, à savoir le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, alors que ces deux destinations ne représenteraient que 15 % du total et l’Afrique subsaharienne, seulement 3 %.
4 Mt de céréales russes expédiées en octobre
Selon le cabinet ukrainien UkrAgroConsult, un total de 6,9 Mt de produits agricoles ont été exportées par l’Ukraine au cours du seul mois d’octobre, dont 2,9 Mt de céréales (blé, orge et maïs confondus), le reste étant constitué de colza, de tourteaux, ou d’huiles. Avant l’instauration de cette voie d’exportation maritime, les expéditions terrestres de produits agricoles par l’Ukraine (route, rail et fleuve confondus), avaient monté en puissance pour totaliser 1,7 Mt en mai, 2,1 Mt en juin et 2,6 Mt en juillet. Le trafic devrait se maintenir à ce niveau en septembre et en octobre avec, pour ce dernier mois, la répartition suivante : 600 000 t par la route, 1 Mt par le rail et 1,1 Mt par la mer via les ports fluviaux du Danube.
« La question du corridor est essentielle pour la suite de la campagne céréalière, avec un énorme impact sur les prix du marché des céréales, estime Marc Zribi. Il ne faut pas oublier que cet accord ne concerne pas seulement les exportations ukrainiennes de céréales, mais qu’il comporte une contrepartie facilitant les expéditions d’engrais et de céréales par la Russie. Les conséquences sont donc importantes sur le marché, en volume comme en prix, tant pour le maïs que pour le blé tendre. »
La Russie profite pourtant de l’accord, puisque ses expéditions de céréales, qui n’atteignaient en juillet que la moitié de leur moyenne quinquennale, ont pratiquement rattrapé cette moyenne depuis, avec 4 Mt sur le seul mois d’octobre.
Etienne Berrier
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