Dans le cadre d’un échange public tenu aux Assises de l’économie de la mer début novembre, le PDG de CMA CGM, Roldophe Saadé, avait contourné une question sur ses intentions à acquérir d’autres 24 000 EVP en répondant que les navires de cette taille allaient saturer les infrastructures portuaires.
« On regarde des navires de plus petite taille de 15 000 EVP et au méthanol », avait ajouté le dirigeant, avocat de la première heure du GNL, évoquant une commande de douze unités, sans préciser s’il s’agissait de discussions préliminaires ou de négociations avancées.
Pour ce qui est de l’adoption du méthanol, l’armateur français n’a rejoint que récemment Maersk, pionnier de ce carburant dont le profil environnemental coche toutes les cases pour répondre aux futures normes réglementaires. L’armateur danois, dont la flotte au méthanol pourrait atteindre les vingt-cinq unités si l’armateur danois exerce ses six options. est aussi le plus avancé dans la sécurisation de son avitaillement, ayant signé son huitième contrat en novembre.
C’est en juin que le groupe marseillais avait annoncé la commande de six porte-conteneurs dual fuel au méthanol à Dalian Shipbuilding Industry Company (DSIC), une des filiales du grand groupe de construction navale chinois CSSC. Elle est effective, assure aujourd’hui Alphaliner, qui l’attribue aussi et logiquement à CSSC.
Cosco a également fait part d’une commande de 12 navires de 24 000 EVP propulsés au méthanol.
Retour des vieux démons, la surcapacité ?
Si la surcapacité rattrape le secteur – le carnet de commandes de porte-conteneurs dépassera bientôt la barre des 7,5 MEVP et les 1 000 unités – Alphaliner considère qu'au moins trois des dix premiers transporteurs ont récemment approché des chantiers asiatiques.
Selon le spécialiste de la ligne régulière, souvent bien informé, Evergreen aurait consulté pour une nouvelle série de navires d'une taille comprise entre 15 000 et 17 000 EVP. Les rapports de plusieurs courtiers le confirment : il s’agirait d’au moins dix navires avec dix options. « Le transporteur taïwanais s'est jusqu'à présent montré très conservateur en matière de propulsion, optant toujours pour un tonnage conventionnel équipé de scrubbers. Pour les commandes prévues, Evergreen envisagerait des navires bicarburant au GNL ou au méthanol », affirme Alphaliner.
Un carnet de commandes équivalent à 34 % de la flotte en exploitation
Yang Ming, qui partage avec Maersk la discipline et l’austérité budgétaire, serait aussi en train de contracter pour cinq à dix navires de 15 000 EVP. La seconde compagnie de Taïwan avait déjà lancé un premier appel d'offres pour cinq navires à double carburant au GNL en septembre, mais qui n’a pas été suivi d’un passage à l’acte.
« Yang Ming et ZIM sont les seules compagnies du top 10 à ne pas disposer de navires de taille mégamax et Yang Ming est la seule compagnie à être en concurrence directe sur les services Asie-Europe du Nord sans ce type de tonnage, décode Alphaliner. Des unités de plus 18 000 EVP lui permettrait ainsi de concurrencer, au niveau du coût, les grands navires de première génération sans avoir à s'engager sur l'échelle de 24 000 EVP, ce que le transporteur a été réticent à faire jusqu'à présent ».
Si toutes les commandes annoncées se matérialisaient dans les semaines à venir, elles porteraient le carnet de commandes mondial à 8 MEVP, soit environ 34 % de la capacité actuelle de la flotte mondiale. Et ce, dans un contexte où la chute des taux de fret a surpris par sa soudaineté et sa brutalité.
Adeline Descamps