Conteneur : le retour à la normale à nouveau hypothéqué par l'épidémie

En quelques jours, l’épidémie aura gagné du terrain. La Chine a enregistré en 24 heures plus de 5 000 cas nouveaux tandis que 30 millions de personnes étaient confinés le 15 mars à la mi-journée. Une vingtaine de provinces sont touchées et Shenzhen, Zhejiang, Shanghai, Jilin, Suzhou, Guangzhou et Pékin ont été successivement fermés. Certaines compagnies ont pris les devants pour préparer leurs clients à de nouvelles perturbations.

La Chine prouve à nouveau sa fulgurance. Dans cet empire, tout est toujours extrêmement véloce. Même la congestion avance à la vitesse supersonique. Quelques heures à peine après manifesté des premiers signaux de faiblesse face à Omicron, l’épidémie a gagné une vingtaine de provinces. Les villes de Shenzhen, Zhejiang, Shanghai, Jilin, Suzhou, Guangzhou et Pékin ont été tour à tour confinées.

La première puissance asiatique avait enregistré, mardi 15 mars à la mi-journée, 5 280 cas Covid nouveaux en à peine vingt-quatre heures. Un niveau que le pays, même au pic de l’épidémie début 2020, n’avait jamais atteint. Plus inquiétant, c’est le double de celui qui avait été enregistré la veille. Plus de 30 millions de Chinois seraient confinés à domicile selon l’AFP. La seule mégapole portuaire Shenzhen, aux portes de Hong Kong, d’où semble être parti le foyer, en compte 17 millions.

Vent de panique 

Les restrictions à Shenzhen, siège de grands noms de l'industrie tels que Huawei, Oppo, TCL et Foxconn, ont provoqué un vent de panique dans le monde occidental. La mise sous cloche d’entreprises qui figurent parmi les principaux fournisseurs des géants de la technologie –, les Samsung, Apple, Intel, Nvidia, mais aussi des constructeurs automobiles –, hypothèquent la production alors que les géants du secteur tentent de gérer depuis de long mois des approvisionnements erratiques en raison d’une pénurie de composants électroniques, puces, semi-conducteurs et de métaux.

Ces nouvelles perturbations surviennent alors que l’approvisionnement mondial, sacrément rudoyé par la crise sanitaire, n’a toujours pas retrouvé ses équilibres. Les retards de navires (en janvier, la fiabilité des horaires a atteint un nouveau point bas), la congestion des grands hubs portuaires (12,7 % de la capacité mondiale est restée effectivement indisponible en raison des files d'attente devant les ports encombrés) et les difficultés d’acheminement à terre, restent prégnants.

Conditionnement psychologique

Les ports de Shenzhen et Shanghai continuent à fonctionner normalement, ont rapidement signalé les autorités portuaires. À Shanghai, premier port mondial, les nouveaux cas recensés sont contenus (neuf selon les données officielles) mais des pans entiers de la ville sont confinés et le trafic aérien est à nouveau contingenté. Si les entrepôts de Shanghai (comme ceux de Qingdao) restent ouverts, les accès aux terminaux sont strictement encadrés : les chauffeurs routiers doivent présenter des tests à l’entrée, ce qui entrave l’enlèvement ou le dépôt du fret.

La communauté portuaire de Shenzhen se montre rassurante quant au maintien des opérations, dans des conditions certes dégradées puisque les contraintes de mobilité, les restrictions dans les accès aux terminaux pour les camions et la main d’œuvre réduite ralentissent les activités. Mais les terminaux fonctionnent normalement, assurent les professionnels. 

Les marchandises peuvent encore être chargées à l’export mais selon l’entreprise de logistique américaine Seko, il pourrait être impossible de charger des navires à Yantian. « Tous les navires déjà chargés et en partance cette semaine partiront comme prévu. Aucune cargaison ne pourra être chargée à Yantian à partir de la semaine prochaine et les navires [devront] très probablement éviter le port », indique le transitaire dans une note à ses clients.

Les entrepôts et dépôts de conteneurs sont en revanche fermés. Certaines compagnies préparent déjà les esprits. « Nous prévoyons que l'efficacité opérationnelle globale du transport routier sera considérablement réduite en raison des fréquents tests, notamment à Hong Kong, Shenzhen, dans le delta de la rivière des Perles, à Shanghai, dans les ports intérieurs du Yangtze, à Qingdao et à Tianjin », indique Maersk dans une mise à jour destinée à ses clients. En raison des restrictions, les entrepôts de Maersk à Shenzhen seront fermés jusqu'au 20 mars.

Pour l'instant, on ne sait pas encore quel sera l'effet de ce nouveau bouclage sur les opérations portuaires dans le delta de la rivière des Perles. Ensemble, les ports voisins de Hong Kong, Yantian, Shehou, Chiwan, Dachan Bay et Nansha forment l'une des plus grandes plateformes de conteneurs au monde.

Les taux de fret étaient en repli

Ces nouvelles agitations interviennent alors que entreprises, qui importent de Chine, s’affairent pour la haute saison, et que les taux de fret avaient amorcé une décrue. Au port de Ningbo, les prix moyens pour un conteneur 40 pieds ont chuté d'environ 10 %, passant de 5 930 à 5 329 $ entre le 14 et le 27 février. De même, les prix moyens ont baissé de 10 à 15 % dans les ports de Shanghai, Qingdao et Shenzhen

Pour autant, le marché ne semblait pas s'affaiblir du point de vue des taux spot. L'indice Freightos Baltic Index (FBX), qui mesure le prix moyen global du transport d’un conteneur de 40 pieds sur les principales routes commerciales, a même légèrement augmenté de 1 %. Tous les échanges n’en ont néanmoins pas profité. Il étaient en hausse de 6 % entre l'Asie et la côte ouest-américaine mais en baisse de 8 % vers l’Europe.

Avant les derniers événements, il y avait plutôt un consensus sur le fait que les difficultés actuelles dans la supply chain mondiale n’allaient pas se résorber à court terme, 2022 s’annonçant plutôt comme une année de transition, et 2023 comme celle de la normalisation, excepté pour l’Europe où, selon les transporteurs, un retour à la normale aurait pu s’observer dès cet été.

Une normalisation décalée

Les grands chargeurs eux-mêmes semblent ne pas croire non plus à une résolution rapide puisqu’ils viennent de signer des contrats avec les transporteurs qui les engagent sur deux ans, parfois plus, à des niveaux de tarifs supérieurs de plus de 100 % à ceux de l'année précédente.

Autre signal qui ne trompe pas : deux navires ont été affrétés à temps la semaine dernière, tous deux à 140 000 $/jour. L'un d'entre eux était un navire de 20 ans de 4 400 EVP qui, avant la pandémie, aura tout au plus été négocié à 10 000 $/jour ou envoyé à la casse. L'autre n’avait que six ans mais avec une capacité limitée à 2 200 EVP. Valeur du marché avant la pandémie : 8 000 $.

La situation chinoise pourrait repousser la normalisation attendue. Les analystes ne sont pas les seuls à le penser, à observer le comportement des actions des transporteurs en bourse ces derniers jours.

Adeline Descamps

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