Entre les constructeurs chinois et les coréens, l’alternance est biennale. Le carnet de commande 2020 des premiers permettrait au géant asiatique de retrouver son statut de leader mondial de la construction navale qu’il a perdu il y a deux ans. En revanche, en ce début d’année, les commandes pleuvent sur les chantiers coréens.
Il est manifestement difficile de les départager bien que les mêmes indicateurs servent de critères d’appréciation. Selon les données publiées par le ministère chinois de l'Industrie et des Technologies de l'information (MIIT), trois indicateurs – navires construits, nouvelles commandes et commandes en cours – placeraient la Chine en tête du classement mondial en 2020 avec 43,1, 48,8 et 44,7 % de parts de marché mondiale dans chacune des catégories.
En termes de nouvelles commandes, la Corée du Sud serait donc loin derrière avec 41,4 % du carnet mondial tandis que le Japon, avec 7 %, se place néanmoins en troisième position. Les deux challengers ont pourtant mené le jeu sur l’ensemble des trois critères jusqu’en 2010. Une bascule s’est ensuite opérée en faveur de la Chine, excepté les années 2018 et 2019 au cours desquelles la Corée du sud a engrangé un plus grand volume de nouvelles constructions.
Ces dernières années, le marché de la construction navale a souri aux chantiers chinois, que Pékin a fermement incités à la consolidation. Ils auraient été portés, toujours selon la source ministérielle, par les paquebots et les méthaniers, pourtant zone de confort des constructeurs coréens, qui ont développé une expertise technique dans les transporteurs de gaz.
Fusion entre géants de la construction navale chinoise
Premier paquebot chinois
Pour la Chine, l’année a en effet été celle d’une grande première avec le lancement du premier paquebot construit localement par Shanghai Waigaoqiao Shipbuilding, une filiale du grand acteur du marché, China State Shipbuilding Corp (CSSC), en licence avec Fincantieri. En novembre dernier, la découpe de la première tôle et la traditionnelle cérémonie des pièces avait été particulièrement théâtralisée pour que l’événement soit médiatisé.
Commandé en septembre 2016 par la joint-venture entre le croisiériste américain Carnival et la compagnie chinoise CSSC, le navire (4 250 passagers et 1 400 membres d’équipage) doit être livré en juin 2023. Il sera, comme son sistership (quatre en options), destiné au marché national.
« Les porte-conteneurs, les pétroliers et les vraquiers, construits par des entreprises chinoises, ont également connu des augmentations significatives au cours des deux dernières années », indique le rapport ministériel, sans mentionner de données. Vitrine pour les chantiers chinois, la tête de série des neuf porte-conteneurs au GNL de 23 000 EVP est sortie, en septembre dernier, des cales Hudong-Zhonghua Shipbuilding qui se partage les commandes avec Jiangnan Shipyard CSSC. Depuis trois autres unités ont été livrés.
Nouvelle étape dans la fusion des deux géants chinois de la construction navale
Cacophonie dans les statistiques
Clarkson Research, chiffres à l’appui, ne semble pas partager le constat. La société place les chantiers navals sud-coréens en tête du carnet de commandes mondial de nouvelles constructions en 2020. Selon ses données, les constructeurs navals coréens ont obtenu des commandes totalisant 8,19 millions de tonnes brutes compensées (tbc) pour 187 navires en 2020, soit 43 % du total mondial (19,24 millions de tbc pour 738 navires). Avec 7,93 millions de tbc et 353 navires, la Chine s’arrogerait 41 % du total mondial.
Rien qu'en décembre 2020, les chantiers coréens ont absorbé 73 % des commandes mondiales en obtenant 2,85 millions de tbc pour 42 navires, loin devant la Chine, avec 1,01 million de tbc pour 39 navires et la Croatie, avec 30 000 tbc pour un seul navire. Pour Clarkson, en termes de production, la Chine se place en revanche en tête avec 38,53 millions de tpl, soit une augmentation de 4,9 % par rapport à l'année précédente.
Mainmise de KSOE sur les commandes
Cinq constructeurs chinois se sont classés parmi les dix premiers du monde en termes de volume de construction, tandis que six d'entre eux figuraient aussi parmi les dix premiers pour les commandes et le carnet de commandes en cours.
Globalement, l’année 2020 ne restera pas dans les annales de la construction navale. Les normes réglementaires à venir sur les émissions carbone rendent les propriétaires et exploitants de flotte attentistes et frileux tandis que la pandémie a entravé le travail des cales et contrarié les plannings. Le début de 2021 est d’une toute autre tonalité. Et les chantiers coréens font razzia sur les commandes.
A.D