Comment interpréter le calme plat sur le marché de l'affrètement ?

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Le marché de l'affrètement de porte-conteneurs est actuellement léthargique mais peut-être pas pour les mêmes raisons qu’il y a encore quelques semaines quand l’activité était limitée par la pénurie de navires. Le contexte a légèrement changé ces dernières semaines. La chute brutale de 30 à 35 % des taux de fret au comptant sur certaines routes questionne.

Selon le spécialiste de la ligne régulière, qui n’avait pas connu de période aussi terne depuis de nombreuses années, le marché de l’affrètement des porte-conteneurs est singulièrement calme. Pour ne pas dit réduit au néant. Ces derniers mois, il l’était surtout parce que l’activité était limitée par l’offre de navires quasi inexistante dans certaines catégories de porte-conteneurs, tous étant en service, quelle que soit leur taille et leurs spécifications.

Peu de contrats ont donc été signés, relève le spécialiste de la ligne régulière. Le contexte a légèrement changé ces dernières semaines. L’offre est toujours aussi faible mais « la demande de navires est devenue moins pressante, la plupart des affréteurs adoptant une approche attentiste en réponse à un océan d'incertitudes économiques et géopolitiques qui pèsent sur l'économie mondiale », résume Alphaliner dans sa dernière actualisation.  

Prime à l’incertitude

Or, les tarifs d'affrètement restent perchés à des sommets historiques. À ce compte là, la prime est en effet à l’incertitude d’autant que les propriétaires de navires étaient jusqu’à présent en position de force pour imposer des conditions de prix et de durée.

La référence pour les unités standard de 8 000 EVP reste par exemple de 65 000 $ pour des contrats de 36 mois et de 55 000 $ sur 60 mois pour un 6 500 EVP (mais depuis décembre, il ne s’est plus rien négocié). Celle des panamax classiques (4 000-5 299 EVP) – quatre contrats en deux semaines – peut être considérée comme à prix raisonnable avec un taux de 40 000 $ pour un emploi de 60 mois et de 50 000 $ pour quatre ans.

Les renouvellements de contrats subissent encore une inflation mais « plus marginales », souligne Alphaliner. Ainsi, une unité de 2 546 EVP a été prolongée par Wan Hai Lines pour trois ans au taux très élevé de 47 500 $ par jour, soit 2 500 $ de plus que le tarif convenu pour des emplois de cette taille et de cette durée. Dans les segments encore inférieurs, les navires continuent d’être fixés au plus haut mais « avec une pression tarifaire à la baisse ».

Décélération plus forte que prévu en Chine

Une conjonction de facteurs s’est en effet liguée contre le commerce international, à commencer par le rebond épidémique en Chine mais aussi la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la flambée des matières premières et des énergies qui ne sont pas près de s'atténuer compte tenu des tensions géopolitiques actuelles avec la Russie, l’inflation qui finit par rejaillir sur la demande de consommation… Le tout conduisant à un ralentissement de la reprise économique déjà fragile, selon l’OMC. 

Les signes les plus inquiétants viennent surtout de la seconde puissance économique mondiale. Le premier importateur mondial de matières premières, de métaux, de minerais et d’énergies a limité tous ses achats en mars tandis que la croissance des exportations a ralenti par rapport à la tendance moyenne des deux précédents mois, selon les données publiées le 18 avril par les douanes chinoises. 

Les importations chinoises de gasoil, d'essence et de kérosène – indicateurs de l’activité industrielle et des transports –, ont chuté de 52,7 % au premier trimestre par rapport à la même période de 2021, dans un contexte de forte réduction des quotas d'exportation. S&P Global Commodity Insights s'attend à ce que la Chine connaisse une réduction de la demande de pétrole de plus d'un million de barils par jours en mars et avril, et de près de 600 000 b/j en mai par rapport à ses prévisions initiales. 

Si l'économie chinoise a connu une croissance de 4,8 % au cours du premier trimestre par rapport à la même période l'an dernier, les ventes au détail ont chuté de 3,5 % en mars sur une base annuelle, selon le Bureau national des statistiques. La production industrielle a augmenté de 5 %, un rythme plus lent que celui enregistré au cours des deux premiers mois. 

Prévisions de croissance mondiale en baisse

Dans ses dernières Perspectives de l'économie mondiale, Le FMI a également réduit ses prévisions de croissance, en invoquant un contexte « d’incertitude exceptionnellement élevée », en raison de la guerre de la Russie en Ukraine, et faisant de l'inflation « un danger clair et présent » pour de nombreux pays. « La guerre a exacerbé l'inflation qui avait déjà augmenté dans de nombreux pays en raison des déséquilibres de l'offre et de la demande liés à la pandémie, indique le bailleur de fonds. De nouvelles sanctions contre l'énergie russe et un élargissement de la guerre, une décélération plus forte que prévu en Chine et une nouvelle flambée de la pandémie pourraient encore ralentir la croissance et stimuler l'inflation, tandis que la hausse des prix pourrait déclencher des troubles sociaux ».

L’institution financière revoit en conséquence ses prévisions à la baisse pour la deuxième fois cette année, désormais estimée à 3,6 % en 2022 et 2023, soit une baisse de 0,8 et 0,2 % par rapport à ses prévisions de janvier. 

Baisse des taux de fret jusqu’à 35 %

« On ne sait pas vraiment si la baisse continue des taux de fret sur la plupart des grandes routes est seulement une tendance saisonnière ou si elle annonce une chute structurelle plus grave de la demande de fret, qui refléterait un retour du comportement des consommateurs à l'époque prépandémique », pose Alphaliner.

La chute brutale de 30 à 35 % des taux de fret au comptant sur plusieurs routes commerciales, en partie imputable à une baisse significative des volumes de fret, questionne en effet. Les prix pour transporter un conteneur entre l’Asie et les côtes est et ouest-américaines ont baissé de 30 % voire diminué de plus de moitié dans certains ports par rapport aux tarifs de 2021. 

« Malgré l’ensemble de ces menaces, les taux d'affrètement restent à des niveaux historiques, assure le consultant. Et bien qu'il y ait une certaine détente pour certaines tailles, aucun changement d’orientation n'est attendu à court et moyen terme, dans un contexte de pénurie continue de navires et de perturbations de la chaîne d'approvisionnement. » Ces circonstances restent des valeurs sures pour maintenir l’affrètement à flot.

Adeline Descamps

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