CMA CGM cède à son tour et suspend ses traversées par la mer Rouge

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porte-conteneurs Koi

Photo d'archives (août 2023) dans le golfe d'Aquaba

Crédit photo ©Achim Egenoff
La décision du groupe français de transport et de logistique, dernier parmi les grands du secteur à maintenir ses traversées en mer Rouge sous escorte de la marine nationale, a été prise le 2 février. Elle fait suite à plusieurs événements concomitants, dont certains sans liens avec le fait que l’un des convois, dans lequel était engagé un navire à la lignée CMA CGM, ait été pris pour cible par les militants houthis.

CMA CGM a annoncé ce 2 février la suspension « jusqu'à nouvel ordre et le temps de réévaluer la situation sécuritaire » de toutes les traversées par le détroit de Bab-el-Mandeb à l'entrée et à la sortie de la mer Rouge.

La décision a été prise après plusieurs événements concomitants, dont certains sans liens avec le fait que l’un des convois dans lesquels était engagé un navire à la lignée CMA CGM ait été pris pour cible par les militants houthis du Yémen.

Parti du port indien de Mundra, le 21 janvier, le porte-conteneurs Koi (8 586 EVP), affrété par la compagnie française, géré commercialement par Oceonix services et techniquement par Columbia Shipmanagement, a été détourné le 31 janvier, avant même que le convoi ne s’engage dans la zone dangereuse du détroit. C’est une urgence médicale à bord qui a motivé la décision de changer de cap.

Ce problème sanitaire s’est posé quelques heures avant une annonce du porte-parole des Houthis sur le réseau social de prédilection des insurgés (X), revendiquant une attaque contre le porte-conteneurs hissant le drapeau du Liberia, qu’ils ont considérés comme un « navire marchand américain ».

Depuis qu’ils prennent la mer pour un champ de bataille, en solidarité avec le Hamas palestinien, lui, en guerre contre Israël, les Houthis soutiennent ne s’en prendre qu’à des navires liés à Israël, dont les États-Unis sont le principal soutien militaire. Mais ils ne semblent pas faire de distinction entre les différents niveaux de propriété et d'interventions. Oceonix Services est une entreprise anglaise, détenue par un fonds d’investissement (Luxembourg) conseillé par la banque d’affaires américaine JP Morgan. C'est ce dernier lien qui aurait justifié cette énième agression.

Le message de revendication des Houthis indiquait que ce navire se dirigeait vers les « ports de la Palestine occupée » et qu'il avait été frappé par « plusieurs missiles navals appropriés ».

« Un tir précis et direct »

Avant d'entrer dans le golfe d'Aden, le porte-conteneurs avait éteint son système d'identification automatique (AIS) comme il est recommandé de le faire pour transiter dans la zone critique. Il a en revanche bien interrompu sa traversée, repéré au mouillage à Djibouti le 1er février.

Le mouvement, revendique par ailleurs d’autres tirs ciblés, de missiles, contre le destroyer américain USS Gravely. « Un tir précis et direct », a déclaré le mouvement. Force est de constater qu’à la 40e attaque contre des navires marchands, la chance est un argument bien ténu pour justifier le fait que les drones et missiles tombent « par un heureux hasard » souvent à côté. À quelques exceptions près, dont témoigne le Marlin Luanda.

Le pétrolier affrété par le grand groupe de négoce de produits pétroliers Trafigura, indépendant et basé en Suisse, a été frappé par les Houthis le 26 janvier, provoquant un incendie dans l’une des cuves. Le navire de 109 991 tpl navigue sous le drapeau des Iles Marshall avec un P&I basé aux Bermudes et est classé par American Bureau of Shipping. La gestion technique est aussi assurée par Oceonix Services.

Grande confusion

La confusion concernant cet énième incident ne permet pas de rendre complètement lisible la situation. Quelques heures avant que les Houthis revendiquent leur offensive contre le Koi, le Centcom (centre de commandement américain) avait indiqué avoir intercepté et détruit un missile sol-air, tiré depuis des zones sous contrôle des Houthis au Yemen, ciblant des avions américains. Mais sans mentionner un incident contre un navire marchand.

De sérieuses raisons pour maintenir ses passages ?

Le troisième armateur mondial de porte-conteneurs était le dernier des grands du secteur à maintenir des traversées par le canal de Suez. Fin décembre, à la suite d’une escalade de tirs contre plusieurs porte-conteneurs, la compagnie française avait levé ses passages mais avait repris très rapidement la route classique pour les porte-conteneurs. Seul le service Nemo (Europe-Australie), qui escale au Havre et à Fos, a été ajusté et détourné récemment.

Si le groupe de transport et de logistique français, dont on ne peut douter qu’il fasse primer la sécurité de ses marins avant ses intérêts commerciaux, a maintenu en partie ses programmes, c’est qu’il doit disposer d’arguments solides.

Escorte navale militaire contre force de frappe militaire

La position de Paris sur ce plan n’y est sans doute pas étrangère. La France a refusé de voter la résolution portée par les États-Unis et le Royaume-Uni au conseil de sécurité de l’ONU défendant une réponse militaire massive.

Depuis le début, le gouvernement français, qui assure une présence militaire dans la région avec trois navires, prône la solution d’une escorte navale militaire et des actions de sécurité régionale. Ainsi, elle contribue à l'opération Prosperity Guardian, du nom d'une coalition dirigée par les États-Unis en mer Rouge pour défendre la liberté de circulation maritime dans cette vaste région sensible, qui s'étend du golfe Persique à la mer Rouge et passant par l'Ouest de l'Océan indien et le Golfe d'Aden.

Les porte-conteneurs de CMA CGM peuvent ainsi être encadrés par la frégate multi-missions FREMM Languedoc, déployée depuis août 2023 dans la zone de responsabilité du commandant de la zone maritime de l’océan Indien (Alidien). Mi-novembre, le bâtiment militaire a intégré le groupe aéronaval américain Dwight D. Eisenhower, conformément à l’engagement de la France « en matière de surveillance maritime, de préservation de la liberté de circulation et de lutte contre les trafics ».

Le 25 janvier, l'état-major français a annoncé l'envoi d'une troisième frégate, L'Alsace, dans la zone pour assurer des missions de « sûreté maritime » tandis que le gros ravitailleur, le Jacques Chevallier, se trouve également dans la zone.

Un retour rapide sur la route régulière ?

Il ne serait donc pas étonnant que la société marseillaise y revienne assez vite à moins que les marins en décident autrement. Nos confrères de Splash ont révélé la semaine dernière avoir eu connaissance d’un courriel adressé à la direction, questionnant la politique de la compagnie en matière de sécurité et de compensation, les primes étant perçues comme un « mépris des dangers réels auxquels ils sont confrontés. Ces sentiments sont largement partagés au sein de notre personnel et ont un effet néfaste sur le moral et la confiance dans la direction de l'entreprise ».

La demande anonyme porte sur une réévaluation immédiate des itinéraires afin d'éviter les zones à haut risque et/ou un renforcement des protocoles de sécurité ainsi qu'une révision des indemnités. Dernière requête : la mise en œuvre d’un canal de communication sur lequel ils peuvent faire valoir leurs arguments sans risque de représailles.

Adeline Descamps

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Le Medex appelé à être revu

Le Koi, porte-conteneurs de 8 586 EVP était déployé dans le service Medex de l'armateur français entre Méditerranée, Moyen-Orient, et sous-continent indien. Il est l'un des neuf navires de 7 500 à 9 300 tonnes déployés sur cette boucle exploitée conjointement avec Hapag-Lloyd (sous la marque Imex) et Cosco (Mina). Il est prévu que les trois transporteurs ajustent la rotation de leurs boucles communes entre l'Europe, le Moyen-Orient et et le sous-continent indien. 

 

 

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