Comme la plupart des compagnies opérant sur le segment du transport passagers et sur le marché transmanche, Brittany Ferries a vécu plusieurs années noires consécutives aux saisons sans fin des épisodes Brexit et Covid.
L’entreprise, dont 80 % du chiffre d’affaires reposent sur le transport de passagers et la clientèle britannique, a vu son trafic dégringoler. La crise sanitaire et sa cohorte de mesures non négociables en temps d’épidémie : restrictions de déplacements, fermetures des frontières et quarantaines…ont surajouté à sa situation déjà fragile.
Elle sort de la crise sanitaire lestée d’une dette de 220 M€, pour avoir souscrit au Prêt Garanti par l’État (PGE) au maximum des possibilités, soit 117 M€ auprès de 12 banques, et auprès de la BPI à hauteur de 5 M€. Les régions Normandie et Bretagne ont dégagé 85 M€ en avances qu’il faudra rembourser à partir de 2026.
45 M€ sous la forme d’une subvention
Le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) s’était autosaisi le 3 septembre de son dossier. Après plus d’un an d’instruction, le gouvernement français vient d’annoncer sa décision d’octroyer à l’entreprise une aide sous la forme d’une subvention de 45 M€ et « d’engager les démarches pour une prise en charge par la réserve d’ajustement Brexit ».
Le 23 septembre, la Commission européenne avait estimé à 61,2 M€ le préjudice subi par la compagnie transmanche française pour la période allant du 29 octobre 2020 au 31 mars 2021. « Étant donné que nombreuses mesures restrictives avaient déjà été levées à ce moment-là, la mesure vise à compenser Brittany Ferries pour les pertes causées par les restrictions de voyage restantes ou nouvelles affectant des lignes spécifiques », est-il indiqué dans l’avis.
Le soutien de l’État français, autorisé par Bruxelles, comprend l’abandon de la créance ADEME (10 M€), la subvention de la région Bretagne (6 M€), ainsi qu’une aide de 45 M€ financée par l’État français. « Le ministère de la Mer devait être au rendez-vous pour aider cette entreprise qui a fait le choix du pavillon français, de l’implantation en France et entraîne une économie de tout le territoire littoral breton et normand. Cette subvention vient conforter un modèle emblématique du savoir-faire national », indique Annick Girardin dans un communiqué.
La ministre de la Mer doit préciser les détails de sa mise en œuvre à l’occasion d’une visite au siège de l’entreprise. « Le soutien de l’État reste cependant conditionné à une participation des banques pour combler le reste du besoin de financement et notamment le financement des options d’achat des navires de Brittany Ferries », est-il précisé.
Résilience par la poursuite de ses investissements
Pour ne pas se laisser déborder par la concurrence sur un marché dégradé qui redouble d’offre dans un contexte post-Brexit (avec les annonces de Irish Ferries et Blue Channel), l’entreprise n’a cessé de donner des gages de sa « résilience » en poursuivant le renouvellement et verdissement de sa flotte.
Le 20 juillet, la direction de l’entreprise avait annoncé la commande de deux navires hydrides au GNL, affrétés dans le cadre d’une charte partie de dix ans avec option d’achat au bout de quatre ans. Les deux nouvelles unités à propulsion hybride avec le GNL et équipées de batteries électriques seront livrées en 2024 et 2025. L’investissement initial de 380 M€ est assumé en partie avec les deux régions Bretagne et Normandie, par ailleurs actionnaires des SEM de portage de ses douze navires.
Aide de la CMA CGM
Depuis plus d’un an, Brittany Ferries n’a eu de cesse d’alerter l’État sur la dégradation de sa situation financière. La compagnie avait annoncé, à l’occasion des Assises de l'économie de la mer, avoir reçu un geste de soutien de CMA CGM d’un montant de 25 M€ dont 10 millions en obligations convertibles et 15 millions en avances remboursables.
Dans un communiqué, Jean-Marc Roué, le président du conseil de surveillance de Brittany Ferries, a salué le geste du gouvernement français, estimant disposer « des capitaux propres nécessaires au rétablissement de la compagnie. »
Adeline Descamps