Bilan : le fret fluvial en manque crucial d’eau

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Avec la sécheresse estivale, les fermetures de voies navigables ou restrictions de navigation se multiplient. Inédits par leur ampleur ou leur précocité, ces freins au transport fluvial touchent en priorité le Rhin, principale voie navigable européenne pour le fret.

Le déficit de précipitations depuis le début du printemps mais aussi le manque de neige au cours de l’hiver ont plongé le réseau hydrographique européen dans une situation hors du commun. En France, le réseau des canaux de petit gabarit, davantage utilisés pour le tourisme que pour le transport de marchandises, est plus particulièrement concerné. Au 25 août, 998 km de canaux, soit 15 % du réseau, étaient ainsi fermés à la navigation en raison de la sécheresse. Les restrictions d’usages, qui se traduisent par des limitations d’enfoncement des bateaux, concernent quant à elles 20 % du réseau. Pour y pallier, des regroupements de bateaux pour passer les écluses sont organisés. 

Sur le réseau à grand gabarit, qui assure l’essentiel du trafic de marchandises, en particulier pour la desserte des grands ports maritimes, mais où naviguent aussi les paquebots fluviaux, l’activité est maintenue. La Seine, par exemple, ne connaît ni restrictions de navigation, ni de diminution d’enfoncement : grâce aux barrages de navigation attenant aux écluses et aux barrages-réservoirs aménagés en Seine amont dont la fonction est aussi d’écrêter les crues en hiver, les barges peuvent charger à pleine capacité. L’Oise et le réseau du Nord-Pas-de-Calais relié à la Lys et à l’Escaut, y compris le canal Dunkerque-Escaut, sont aussi navigables sans limitations. Du côté du Rhône et de la Saône à grand gabarit, en revanche, le mouillage a été légèrement réduit sans que cela n’impacte le transport de marchandises.

La Moselle amont fermée à la navigation

« 98 % du réseau VNF à grand gabarit est ouvert sans restrictions, les 2 % restants concernant la Moselle amont », résume le directeur général de Voies navigables de France, Thierry Guimbaud. Sur la Moselle en amont de Nancy, VNF avait dans un premier temps réduit le mouillage à 2,8 m contre 4 m habituellement, ce qui diminue la capacité d’emport des bateaux. Depuis le 25 août, la Moselle amont est tout simplement fermée à la navigation, le débit étant proche du plus bas historique. En aval de Nancy, la Moselle reste navigable sur sa partie française, mais la capacité d’emport des barges est réduite par le faible niveau de la rivière sur sa partie luxembourgeoise et allemande. 

Sur le réseau navigable français, les fermetures de canaux concernent surtout le Grand-Est, la Bourgogne-Franche-Comté ainsi que le bassin de la Loire. « Cette sécheresse est d’une intensité plus forte que les années précédentes, car c’est la première fois que l’on ferme des canaux ou limite la navigation aussi tôt en saison et aussi fortement », précise Thierry Guimbaud. « La sécheresse est d’ailleurs un phénomène qui touche toute l’Europe, et VNF a reçu des demandes pour faire venir sur le réseau navigable français des paquebots qui n’ont plus assez d’eau pour naviguer sur le bassin du Rhin ou du Danube. »

Chargement à 20 % sur le Rhin

Premier fleuve européen pour le transport de marchandises, le Rhin est aussi le plus touché par la sécheresse. Une situation habituelle en fin d’été, mais qui est intervenu particulièrement tôt cette année alors que le fleuve avait connu l’été dernier des crues qui surviennent normalement plutôt au printemps. Sur la partie amont du fleuve, le long de la frontière franco-allemande, les barrages garantissent le niveau d’eau et permettent la circulation des bateaux. Plus en aval, dans sa partie allemande, le Rhin à courant libre connaît un étiage « très sévère, plus important que celui de 2018 » selon VNF qui souligne que le chargement des navires est rédiuit à 20 %, sextuplant le coût du transport fluvial des conteneurs maritimes.

En soi, l’étiage estival du Rhin n’est pas une nouveauté. En revanche, le caractère répétitif des basses eaux et surtout la précocité (dès juillet, au lieu de septembre habituellement) sont des phénomènes nouveaux, souligne Toni Nicolay, qui dirige les agences de Strasbourg et Weil-am-Rhein du transporteur fluvial Haeger & Schmidt. « La remise en route en Allemagne des centrales à charbon, qui mobilise la cale, pimente l’affaire. Dans le même temps, un bateau rhénan qui emporte habituellement 2 800 à 3 000 t à 2,8 m d’enfoncement ne transporte plus que 700 à 800 t à 1,5 m. Le fret à la tonne ne peut donc qu’augmenter alors qu’il avait déjà connu récemment une hausse de 50 % liée à l’augmentation du prix du carburant. »

Arrêts de navigation sur le Danube

Dans ce contexte, les opérateurs cherchent naturellement à se tourner vers le rail. Le trafic ferroviaire du port de Strasbourg a ainsi connu une augmentation de 40 % en juillet. Les trains ne transportant que 80 EVP ne peuvent cependant pas absorber tous les flux habituellement transportés sur le fleuve. Des liaisons routières sont aussi mises en place depuis le Rhin supérieur soit directement à destination des ports de la mer du Nord soit vers Liège où la Meuse permet de les rallier.

Sur les autres fleuves européens, la situation n’est pas plus enviable. Le Pô connaît ainsi sa pire sécheresse depuis 70 ans. Le Danube enregistre aussi des basses eaux remarquables, le tirant d’eau y a été fortement réduit. Selon l’EBU, qui représente les armateurs fluviaux au niveau européen, le manque d’entretien de la voie navigable par les autorités bulgares peut expliquer la situation. « Cela a même provoqué un blocus de nombreux navires pendant quelques semaines au début du mois de juillet. L'arrêt de navigation local s'est répercuté sur l'ensemble du corridor de transport multimodal du Danube. »

Étienne Berrier

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