Et de cinq ! Fin mai, la compagnie italienne Grandi Navi Veloci (GNV) a mis en service un cinquième navire entre la péninsule et l’archipel des Baléares. Il s’agit du GNV Spirit, nouvelle dénomination d’un ancien navire de Brittany Ferries, le Cap Finistère. Ce bâtiment de grande capacité (204 m de long pour 25 m de large avec 1 926 mètres linéaires de garages) illustre bien la volonté de cette société, filiale du groupe MSC, d’être un acteur dans le trafic péninsule-Baléares.
GNV a fait son entrée sur ce marché en juillet 2021 avec deux navires (GNV Bridge et GNV Sealand) puis les GNV Tenacia et GNV Majestic ont été intégrés en décembre de la même année. GNV se positionne en challenger des deux acteurs traditionnels présents sur le marché : Baleària et Trasmed, nouveau nom des activités de la compagnie Armas Trasmediterránea rachetées par Grimaldi en 2021. Baleària fait figure de leader incontesté et détient une part de marché supérieure à 50 %. Il est le seul à desservir quotidiennement les 4 îles de l’archipel (Mallorca, Minorque, Ibiza et Formentera), un atout essentiel face à la concurrence. Le groupe Grimaldi, de son côté, a procédé à une modernisation de la flotte d’Armas Trasmediterránea avec un programme d’investissements important (30 M€), avec notamment l’installation de scrubbers sur les six navires en exploitation.
Enjeu du fret
La période estivale représente un enjeu décisif, surtout pour les nouveaux arrivants que sont GNV et Grimaldi. Mais la vraie bataille se livre sur le segment des marchandises. À la différence du trafic avec l’autre archipel espagnol (Les Canaries), il n’y a pas de lignes régulières de conteneurs. Le ro-pax est donc incontournable. De plus, il offre des délais de livraison plus courts que le conteneur et ne nécessite ni manipulation à quai, ni surface de stockage dans les ports. Et la fin de la pandémie a reboosté le trafic.
Baleària est en position de force sur le fret avec six ro-pax offrant près de 11 km de linéaire (5 200 m depuis Barcelone et 5 600 m depuis Valence). Les produits alimentaires représentent 33 % du trafic devant le groupage (28 %).
Grimaldi a une stratégie différente : il table sur son réseau international pour mettre en place du « porte à porte » depuis ou vers le reste de l’Europe, voire l’Amérique. L ’idée est de favoriser le trafic international, notamment des PME. « Nous prenons en charge l’ensemble des procédures », affirme-t-on chez l’armateur italien. A noter que ni l’espagnole ni l’italienne ne sont dans une logique d’intégration verticale comme les grands players du conteneur.
Des interrogations
Pour les chargeurs, cette bataille à trois est une aubaine car la capacité disponible a augmenté et les prix du fret ont baissé. Les armateurs, confrontés parallèlement à la hausse des prix des carburants, voient les choses différemment. Adolfo Utor a dénoncé une situation de « surcapacité néfaste pour l’environnement ». Lors de la présentation d’un des navires modernisés de Trasmed, le Ciudad de Mahón, le 14 mai dernier, le directeur général, Ettore Morace, a reconnu que l’exercice 2021 avait été déficitaire en raison notamment de la hausse du prix du carburant. Mais Grimaldi considère les Baléares comme un marché stratégique et ne lâchera pas prise.
La grande inconnue concerne GNV. Officiellement, les dirigeants affirment vouloir continuer et prendre 20 % du marché. Mais cette stratégie d’entrée sur un marché nouveau, avec cinq navires, prend les allures d’un vrai pari et suscite des interrogations. « Le groupe MSC a les ressources financières suffisantes pour appuyer l’offensive de GNV. Mais jusqu’à quand ? », note un acteur du marché.
Daniel Solano