Accélération des annulations de traversées alors que la haute saison boude

Article réservé aux abonnés

Coincées entre des coûts d’exploitation élevés et une demande contrariée, les compagnies maritimes de transport de conteneurs se résignent à déployer l’arsenal de gros temps alors qu'aucune amélioration significative ne pointe à l’horizon de cette haute saison, qui n’en a que le nom.

Qu’ils aient trop attendu ou pas suffisamment actionné le levier de l’annulation des traversées, les transporteurs maritimes de conteneurs peinent à enrayer la chute des taux de fret qui se dégradent en l’absence d’une vraie peak season à l’approche de la Golden Week chinoise (1ᵉʳ au 7 octobre).

Les compagnies maritimes réagissent traditionnellement à la semaine de vacances en Chine, durant laquelle les usines ferment et la demande de transport dégringole, en supprimant des départs. Or, « elles n’ont pas programmé ce qui aurait été nécessaire pour atteindre ne serait-ce que le niveau des années prépandémiques », confirme Xeneta, dont l'indice est établi à partir des taux de fret communiqués par les plus gros chargeurs en volumes.

« La faiblesse des volumes en haute saison, associée à une offre excédentaire sur les principaux marchés, a lourdement pesé sur les taux, avec peu de chances d'inverser la tendance avant le mois de novembre au plus tôt », tranche le fournisseur de données Linerlitica, qui stigmatise l'incapacité des transporteurs à réduire l'offre.

« L'utilisation des capacités s'est affaiblie en particulier sur la côte Est des États-Unis et sur la Méditerranée, avec des taux en forte baisse au cours de la semaine dernière », ajoute l'analyste dans son point marché hebdomadaire.

Taux de fret toujours plus dégradés

La belle reprise estivale semble déjà un vieux souvenir et un espoir douché. Après avoir encore reculé, dans la semaine du 7 au 14 septembre, de 3,4 % pour s'établir à 1 680 $ par conteneur de 40 pieds, le World Container Index composite de Drewry (WCI) a subi une nouvelle baisse la semaine suivante, de 7,1 %, à 1 561,30 $ portant le delta avec la même semaine de l'année dernière à plus de 68 % et à 85 % par rapport à septembre 2021 lorsqu’il était au sommet de 10 377 $.

Plus symptomatique encore, le WCI est inférieur de 42 % à la moyenne décennale de 2 680 $ tout en étant cependant supérieur de 10 % au taux moyen de 2019, marqueur d'avant la pandémie, qui était alors de 1 420 $.

Les taux de fret au départ de Shanghai vers New York ont perdu 366 $ (- 11 %). Le prix moyen pour transporter un conteneur de 40 pieds s’établit désormais à 3 032 $. Il en coûte 1 299 $ et 1 698 $ pour acheminer du fret conteneurisé vers Rotterdam en Europe du Nord et Gênes en Méditerranée.

Dans l’autre sens, les replis sont plus mesurés, de 3 % au départ de Rotterdam vers Shanghai (485 $) et de 1 % vers New York (734 $).

GRI à l'efficacité modérée

Jusqu’au mois de juillet, les taux à long terme ont été plus élevés que sur le spot. Mais les rapports se sont inversés au mois d’août sur le marché transpacifique.

Les augmentations tarifaires générales (GRI) pour pousser les tarifs au comptant plus haut ont été utilisées avec succès cet été sur le trade transpacifique . Mais selon les données du Freightos Baltic Daily Index (FBX), les nouvelles GRI du 1er septembre n'ont pas le même effet.

Les taux de fret étaient même en baisse de 4 % entre l’Asie et la côte ouest-américaine durant la première semaine de septembre par rapport à celle du 30 août, et de de 2 % vers la côte Est.

Aucun retrait complet de services à ce stade

Si les blank sailing semblent brusquement s’accélérer, aucun retrait de service permanent n'a été annoncé jusqu'à présent et le nombre de porte-conteneurs retirés du marché pour des raisons commerciales est faible, de l'ordre de 86 navires, selon Alphaliner.

« L'entrée retardée de plusieurs nouveaux navires de 15 000 à 24 000 EVP n'a pas ralenti le rythme de croissance de l'offre avec des livraisons nettes toujours en cours à plus de 180 000 EVP », indique le consultant Sea-Intelligence. « Les réductions de capacité programmées entre l’Asie et la côte Ouest de l'Amérique du Nord sont passées de 3,7 à 14,1 %, de 2,2 à 16,1 % sur la côte est-américaine, de 6,8 à 19,9 % entre l’Asie et l'Europe du Nord, et de 7,7 à 21 % entre l'Asie et la Méditerranée ».

104 traversées annulées en cinq semaines

Selon le dernier rapport Container Capacity Insight de Drewry, 104 traversées vont être annulées sur les trois grandes lignes Est-Ouest de la ligne régulière entre les semaines 38 (18- 24 septembre) et 42 (16 - 22 octobre), sur un total de 665 programmées, soit 16 % du total.

Plus de la moitié (57 %, 59 blank sailing) concerne le marché transpacifique et plus d’un tiers (37 %, 39 départs en moins), le trajet Asie-Europe du Nord et Méditerranée.

Le transatlantique, qui a fait office de refuge pour les carriers quand les taux de fret ont commencé à les contrarier, ne l’est plus désormais. Avant la seconde partie de l’année 2022, marqueur de la bascule, ils dépassaient les 8 000 $. Les taux spot se sont effondrés, entre 638 $ et 1500 $ par conteneur de 40 pieds selon les indices Xeneta et Drewry respectivement.

Pour autant, les suppressions de traversées sont encore limitées sur ce trade (sept pour l’instant annoncées entre cette semaine et le 22 octobre).

« Les taux de fret du transport maritime transatlantique sont sous pression en raison de la faiblesse de la demande, ce qui signifie que les exploitants de navires doivent surveiller leurs coûts », a reconnu Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd, le numéro cinq mondial dans le conteneur, au cours d’une conférence de presse organisée le 4 septembre. En cause, rappelle-t-il, l'inflation des salaires, les prix du carburant et les coûts de manutention et de l'affrètement à temps qui « pourraient entraîner l'annulation de certains voyages ».

Lire aussi : Conteneur : les taux de fret écrasés par l'inflation des dépenses d'exploitation

Douze rotations retirées chez Hapag-Lloyd

Néanmoins, la douzaine de rotations dont l’armateur allemand vient d’annoncer la suspension, concerne le trade Asie-Europe au cours des cinq semaines 39 à 43, dont sept à destination de l'Europe du Nord et cinq à destination de la Méditerranée.

La plupart de ces voyages sont opérés dans le cadre de THE Alliance bien qu'Hapag-Lloyd a également confirmé l'annulation d'une traversée en semaine 39 au départ de Qingdao sur sa boucle FE9 qui fait l’objet d’un affrètement de créneaux sur le FAL3 de CMA CGM pour le compte d’Ocean Alliance.

35 départs annulés chez Ocean Alliance

Au cours des cinq prochaines semaines, selon Drewry, Ocean Alliance [CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen] aura biffé de son programme 35 départs, bien plus que 2M [MSC, Maersk] et THE Alliance [Hapag-Lloyd, ONE, HMM et Yang Ming] avec respectivement 19 et 18 retraits tandis que des exploitants indépendants, qui opèrent en dehors des alliances, ont aussi annoncé 32 départs en blanc.

Alphaliner n’établit pas la même comptabilité. L’analyste mentionne une trentaine de suppressions pour Maersk et MSC entre les semaines 39 et 42. Selon ses relevés, les annulations frappent cinq services opérés dans le cadre de leur alliance 2M (AE55/Griffin, AE12/Phoenix, AE6/Lion, AE7/Condor et AE15/Tiger).

Plus symptomatique, vers l'Europe du Nord, les départs sanctionnés au programme de 2M concernent certains des plus grands porte-conteneurs. Le MSC Micol (24 346 EVP) va rester quatre mois au garage avant même d'entamer sa carrière. Effet dévastateur pour l'image.

Lire aussi : Golden Week : MSC et Maersk ouvrent la saison des blank sailing

Trop-plein

Retrait des navires, annonces des GRI, précautions oratoires sur l’explosion des coûts d’exploitation..., les transporteurs ont déployé l’arsenal de gros temps alors qu'aucune amélioration significative de la demande de transport ne pointe à l’horizon de cette haute saison, qui n’en a que le nom.

Le cas des armateurs se trouve aggravé par la surcapacité, phénomène hérité des décisions prises pendant la pandémie quand la demande débordait de toutes parts et l’offre en peine pour y répondre.

Excès de confiance ? Péché d’orgueil d’armateurs ? Ou simplement nécessité de renouveler la flotte pour répondre aux injonctions de la transition énergétique ? Toujours est-il qu’ils sont cette fois submergés par le trop-plein.

Adeline Descamps

Shipping

Maritime

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15