Sur les quelque 20 000 sanctions en vigueur dans le monde, plus de 16 500 concernent la Russie

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Les Anatoly Kolodkin et SCF Samotlor de Sovcomflot. Le premier

Crédit photo ©fleetphoto
Qu’elle soit de simple portée symbolique alors que la Russie a investi l’Ukraine il y a 730 jours, toujours est-il qu’une nouvelle vague de sanctions coordonnées – UE, États-Unis, Royaume-Uni, G7 –, s’est abattue ces derniers jours sur le Kremlin. Le fait qu'elles s'appliquent désormais aux pratiques de contournement des embargos et aux entreprises étrangères en dit long sur leur efficacité.    

La Russie a investi l’Ukraine avec ses chars d’assaut il y a 730 jours et après 16 587 sanctions spécifiques, soit six fois que les 2 695 qui existaient avant que l’on ne parle de ce conflit, Vladimir Poutine engrange les succès militaires sur le front, fort d'une économie tournée vers son complexe militaro-industriel et de sa « machine de guerre » que les pays du bloc occidental aimeraient terrasser. 

Une nouvelle vague de sanctions coordonnées – Union européenne, États-Unis, Royaume-Uni et G7 –, s’est abattue ces derniers jours sur le pays de Vladimir Poutine. La liste s’allonge encore mais le fait que les sanctions visent désormais les pratiques de contournement des embargos, et donc les entités commerciales qui, à l’échelle mondiale, ne les appliquent pas, en dit long sur leur pertinence.

En attendant, les frappes contre l'Ukraine redoublent. Les Ukrainiens ont dû céder la ville forteresse d'Avdiïvka le 17 février après des mois de résistance acharnée. Mariïnka est le nouveau point chaud sur le front est ukrainien, où se concentre une bonne partie de l'artillerie russe.

2 000 entités et personnes dans le collimateur européen

Sur le plan commercial, l’Union européenne a ouvert les hostilités en milieu de semaine dernière en concrétisant des intentions formulées en anticipation de cette triste date anniversaire.

Dans ce 13e paquet de sanctions, qui ajoute plus de 2 000 personnes ou sociétés à la liste noire (gel des avoirs notamment), une mesure a surtout retenu l’attention, celle qui prévoit de limiter le commerce des entreprises du marché communautaire avec trois sociétés chinoises ayant approvisionné l'armée russe. Mais des entreprises originaires de l'Inde, de Turquie ou de Serbie sont également stigmatisés.

« Il a été prouvé que ces paquets de sanctions impactent bien davantage l'Europe que l'économie russe », s'est opposé le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto, Budapest ayant mis un veto avant de se ranger derrière ses partenaires.

Novatek et Arctic LNG2 dans le viseur britannique

Dans le même temps, le Royaume-Uni, via l'Office britannique des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement, a aussi sanctionné 50 personnalités et entreprises supplémentaires, notamment dans des secteurs qui permettent à l'armée russe de se fournir en munitions, missiles et explosifs. Le nouveau paquet vise aussi des « sources clés de revenus pour la Russie » (métaux, diamants, ressources énergétiques), précise le communiqué du ministère des Affaires étrangères.

La plus emblématique concerne les dirigeants de Novatek et le vaste projet de liquéfaction de GNL en Arctique Arctic LNG 2 (19,8 Mt par an), qui accumule les déconvenues. En raison des dernières sanctions américaines, les actionnaires étrangers ont renoncé en décembre à leurs responsabilités en matière de financement et de contrats d'achat de gaz. Novatek s’est retrouvé ainsi seul aux commandes de ce projet, dont le coût est estimé à 21 Md$.

Plus forte vague de sanctions américaines

Washington a enchâssé le pas du Vieux Continent en présentant un liste cible de 500 personnes et organisations de différents pays, dont trois responsables russes pour leur implication dans le décès de l'opposant Alexeï Navalny, a insisté le département d'État.

Là aussi, ce sont des partenaires de la Russie qui sont pointés, à savoir les entreprises de 26 pays et des personnes de 11 pays, considérés comme des rouages de l'infrastructure financière russe, parmi lesquels, sans surprise, des ressortissants de la Chine, de l’Asie centrale et du Moyen-Orient, mais aussi, plus surprenant, de l'Allemagne.

Le département du Commerce a de son côté indexé plus de 90 entreprises dans sa nomenclature portant les restrictions à l'exportation, ce qui porte à plus de 4 000 le nombre d'entités/personnes/organisations tenues en joue par l’administration Biden depuis le début de la guerre.

Parmi les sociétés visées, celles qui sont en lien avec le complexe militaro-industriel russe et dans d'autres secteurs clés (semi-conducteurs, optique, drones, systèmes d'information…).

Le système de paiement russe Mir en vue

Également dans le radar américain, le système russe de paiement Mir, que le Kremlin avait créé en 2015 pour contrer les sanctions occidentales après l'annexion de la Crimée en 2014.

Baptisé avec beaucoup de cynisme (Mir signifie « monde » et « paix »), le dispositif s'est considérablement développé ces deux dernières années pour compenser la déconnexion du pays à Swift, qui lui permettait d’effectuer des transactions à l’international, vital à ses exportations.

Des oligarques russes inculpés

Le ministre américain de la Justice a également annoncé, dans un communiqué en date du 22 février, que des poursuites avaient été lancées contre plusieurs oligarques, dont Andreï Kostin, le patron de VTB, deuxième plus grosse banque russe, accusé entre autres de blanchiment d'argent et d'avoir contourné les sanctions pour l'entretien de deux superyachts, évalués ensemble à plus de 135 M$.

L'inculpation de Serguiï Kourtchenko, un oligarque ukrainien pro-Moscou a également été inculpé, entre autres, d'avoir utilisé des sociétés-écran pour vendre des produits métalliques aux États-Unis pour un total de plus de 330 M$.

Déjà visé par des chefs d'accusion en novembre 2022, Vladislav Osipov, qui vivrait en Suisse, est cette fois soupçonné d'avoir aidé l'oligarque russe Viktor Vekselberg, à éviter (en vain) la saisie de son superyacht (78 m) Tango, (qui a été arraisonné en Espagne).

700 M$ d'avoirs confisqués

Selon la ministre adjointe de la Justice Lisa Monaco, l'opération s’est soldée par la confiscation de près de 700 M$ et l'arrestation de plus de 70 individus pour violation des embargos et restrictions.

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a, pour sa part, une idée précise de la destination des fonds gelés. Dans une tribune publiée par le Sunday Times à l'occasion de ces deux ans de guerre, le chef du gouvernement a appelé à « être plus audacieux en saisissant les centaines de milliards d'actifs russes russes gelés. Cela commence par prendre les milliards d'intérêts que génèrent ces actifs et les envoyer en Ukraine. Et ensuite, avec le G7, nous devons trouver des moyens légaux de saisir les actifs eux-mêmes et envoyer également ces fonds à l'Ukraine », trace-t-il le chemin.

200 Md€ gelés par l'UE

À l'issue d'un sommet ce week-end en visioconférence sous présidence italienne, les dirigeants du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada) ont demandé à leurs gouvernements de plancher « sur toutes les voies possibles par lesquelles les actifs souverains russes pourraient être utilisés pour soutenir l'Ukraine, en conformité avec [nos] systèmes juridiques respectifs et le droit international ».

Le 30 janvier, l'Union européenne – qui a gelé 200 Md€ des avoirs de la Banque centrale de Russie – a trouvé un accord sur la première étape d'un plan visant à affecter les revenus générés à la reconstruction de l'Ukraine, dont le besoin a été estimé par la Banque mondiale à 486 Md$.

L'option de confisquer cet argent et de le consacrer aux efforts de reconstruction de l'Ukraine est exclue, au motif qu'elle risquerait d'ébranler les marchés internationaux et d'affaiblir l'euro.

Rappel aux bailleurs

Le président ukrainien, qui reconnaît être, à l'aube d'une troisième année de guerre, en situation « extrêmement difficile » sur le front, ne cesse de presser ses alliés occidentaux de livrer le plus rapidement possible les équipements de défense promis (avions de combat, dispositifs antiaériens).

Volodymyr Zelensky l’a encore répété à l’occasion du G7. « Vous savez très bien ce dont nous avons besoin pour protéger notre ciel, renforcer notre armée terrestre, soutenir nos réussites en mer, et que nous avons besoin de cela à temps » a-t-il déclaré.

Dans le communiqué de clôture diffusé le 24 février, les dirigeants du G7 ont également rappelé les bailleurs de l'Ukraine à l’ordre.

La promesse d'une nouvelle aide par le président américain Joe Biden de 60 Md$ est toujours bloquée au Congrès par les Républicains et Donald Trump.

Les dirigeants des Vingt-Sept ont, eux, validé début février une enveloppe supplémentaire pour l'Ukraine de 50 Md€ dont une première tranche de 4,5 Md$ doit être délivrée en mars.

Londres a récemment annoncé une rallonge de l’aide militaire pour l'année 2024/2025 d’un montant de 2,5 Md£ (2,9 Md€). En plus des milliers de drones déjà promis, le ministre de la Défense Grant Shapps a fait état le 22 février devant le Parlement de la prochaine livraison de 200 missiles antichars Brimstone supplémentaires à l'armée ukrainienne.

Le Canada s'est engagé auprès de Kiev pour 2,2 Md$ d'aide financière et militaire en 2024.

En Russie, le numéro deux du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev a appelé à mener sur les territoires des pays occidentaux des opérations secrètes et « des activités d'un certain type, dont on ne peut pas parler publiquement ». C’est le même qui menace régulièrement de recourir à l'arme nucléaire ou d'envahir des pays soutenant Kiev.

Adeline Descamps

 

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