D’abord comprendre, ensuite expliquer, enfin agir. Voici la méthode d’Expédition 7e Continent pour venir à bout des pollutions des océans par les matières plastiques. L’association tire son nom des accumulations de plastiques au centre des gyres océaniques, ces courants qui se forment au centre de chaque océan sous
l’effet de la rotation de la terre. La découverte de ces continents de déchets en mer est à la source de la création de l’association qui réfute la faisabilité d’un ramassage
de ces par des navires spécialisés : « Emmener des jeunes sur les plages pour ramasser les déchets plastiques est intéressant car cela les sensibilise à cette pollution, estime Bruno Nicolas, président d’Expédition 7e Continent. Mais collecter le plastique en mer n’aurait pas de sens car il est dans toute la colonne d’eau et pas seulement en surface. »
Pendant longtemps, le militant a cru à leur disparition avant de constater que cette pollution se fragmentait en microplastiques, puis nanoplastiques qui peuvent entrer dans la chaîne trophique avec toutes les conséquences néfastes imaginables. « Il faudrait filtrer l’eau pour collecter ces microparticules. Mais du fait de la présence de plancton, l’impact environnemental d’une telle activité de collecte serait considérable. »
Sur la piste des perturbateurs endocriniens
Après s'être concentré sur les gyres océaniques et les « continents de plastique », l’association s'attaque à ces fragments microscopiques de plastique, notamment à l’effet de perturbateurs endocriniens qu’ils peuvent constituer sur les organismes marins. Une mission scientifique – le projet Exploration Bleue – a été lancé avec le voilier d'expédition E7C, basé à Sète, qui a collecté en septembre 2023 des
microplastiques en baie de Le Ciotat. Les prélèvements ont ensuite été confiés au CNRS. Une nouvelle campagne a eu lieu en septembre 2024, avec cette fois plusieurs sites de collecte le long de la côte méditerranéenne et au large. Les échantillons sont en cours d’analyse et les premiers résultats seront connus dans le courant de l’hiver, avant publication scientifique fin 2025. Une fois les perturbateurs caractérisés, « nous pourrons alors étudier leurs effets sur différents organismes marins comme les moules ou les oursins. »
Tournées pédagogiques
L’autre volet de l’action d’Expédition 7e Continent, c’est la pédagogie. De juin à juillet 2023, la goélette E7C a fait escale dans différents ports de la côte occitane, à Sète, à Port Vendres. Un parcours prolongé le long du Rhône à bord d’une vedette mise à disposition par Voies navigables de France. Le voilier est un vecteur de communication pédagogique efficace, reconnait l'association, qui a accueilli 4 000 visiteurs à bord, dont un quart de scolaires. « Avec un bateau, on attire nettement plus qu’en louant une salle », plaisante Bruno Nicolas.
Les scolaires représentent aussi un public sans doute plus captif que celui des décideurs français et européen, autre public cible pour Expédition 7e Continent. Le lobbying est un vecteur pour influencer certaines politiques. Ainsi du tri des déchets ou de la limitation des plastiques à usage unique.
La bataille contre les plastiques en mer se gagnera en effet à terre, car c’est là qu’est la source de cette pollution. Les microplastiques primaires, qui se retrouvent dans l’océan sous forme de nanoplastiques, y ont souvent été apportés par les fleuves sous forme de macrodéchets, provenant principalement des fibres textiles et des poussières de dégradation des pneus de voitures.
Étienne Berrier
