Euronav n’avait pas donné de nouvelles depuis le 28 février. Á l’échelle de cette entreprise, dont l’histoire agitée depuis de longs mois est rythmée par une bataille d’actionnaires, c’est une éternité. Sans surprise, l’homme d’affaires John Fredriksen, actionnaire de Frontline avec lequel Euronav était appelé à fusionner pour donner naissance à la plus grande société de transport de pétrole cotée en bourse au monde, et Marc Saverys, président de la Compagnie maritime belge (CMB), qui a fait capoter le projet, ont rejoint le conseil d’administration de l’armateur de pétroliers belge coté à Bruxelles et à New York.
Ils y avaient acquis des droits après avoir augmenté leurs participations dans Euronav ces derniers mois et fini par devenir actionnaires à parts égales (25 %). Enjeu : la stratégie future d'Euronav.
En revanche deux des cinq administrateurs (Anne-Hélène Monsellato et Steven Smith) n’ont pas obtenu le vote de confiance des actionnaires lors de l'assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue le 23 mars. Douze candidats étaient en lice, dont Julie De Nul, Catharina Scheers et Patrick Molis, proposés par la CMB. Ils ont été rejetés à 64 %.
Sept administrateurs
Le conseil d'administration d'Euronav comptera donc deux sièges supplémentaires à l'avenir – sept au total –, avec l'arrivée de Cato Stonex, le candidat de Fredriksen, qui dirige Stonex Capital Partners et WMC Capital, et la proposition de la famille Saverys, Patrik De Brabandere, directeur général de la CMB et membre du conseil d'administration de CMB.TECH.
Malgré la perte de deux administrateurs indépendants, le conseil d’administration actuel ressort gagnant puisque l’essentiel des positions qu'il défendait ont été retenues. La composition de l’instance de gouvernance était cruciale au regard du contexte. Le 23 mars, les actionnaires ne devaient pas seulement se prononcer sur la nouvelle composition du conseil de surveillance, à savoir le renouveler complètement ou le modifier, mais décider indirectement du futur maître des lieux et donc de la stratégie qui sera mise en œuvre.
« Actionnaires, votez ! »
Le conseil de surveillance d’Euronav s’y était beaucoup investi. « Actionnaire, votre vote compte », pouvait-on lire sur la homepage du site web d’Euronav qui redirigeait vers une lettre ouverte dans laquelle Grace Reksten Skaugen, la présidente du conseil de surveillance (indépendante), soutenait la vision portée par la direction actuelle.
Le compromis « à la proportionnelle », proposé par l’actuel conseil d’administration, consistant à offrir deux sièges à chacun des deux principaux actionnaires tout en préservant l’équilibre du conseil de surveillance actuel, n’avait pas convaincu. La CMB demandait sans équivoque la résiliation immédiate de l’ensemble des membres, ce qui aurait conduit, selon Hugo De Stoop, à la tête de l’entreprise, à « une représentation disproportionnée des intérêts dans la salle du conseil, au seul bénéfice de la CMB » et aurait contrevenu aux critères d'indépendance fixés par le Code belge de gouvernance d'entreprise.
Transport de produits verts versus transport pétrolier verdi
La CMB porte en effet un autre projet pour Euronav, dont elle veut diversifier la flotte pour sortir du pétrole brut et pénétrer de nouveaux segments de marché dans les transports verts.
Tout en s'engageant à être « zéro nette émission » d'ici 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de 40 % des émissions de CO2 d'ici 2030, la direction actuelle estime qu’il y a encore un avenir dans le transport de pétrole. Elle vend actuellement ses vieux pétroliers et le produit des cessions est réinvesti dans des navires plus propres.
L’entreprise a présenté un quatrième trimestre de bonne tenue, après plusieurs exercices rouge carmin : 235 M$ de bénéfice net au quatrième trimestre 2022 et 907 M$ de liquidités. Elle doit présenter les résultats du premier trimestre 2023 le 31 mars. Les actions d'Euronav étaient en hausse de 2 % à l’issue de la tenue de son assemblée générale.
Adeline Descamps