Une fracture croissante en matière de connectivité maritime

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Les escales ont tendance à se concentrer dans un nombre limité de ports et à s’allonger. Les navires sont toujours plus grands mais opérés par toujours moins de compagnies. L’écart se creuse, en matière de connectivité maritime, entre la Chine et le reste du monde, selon la dernière publication de la Cnuced sur le transport maritime.

Avec la congestion portuaire extra-ordinaire et les retards, qui concernent deux navires sur trois, les compagnies maritimes ont été contraintes de malmener leurs programmes en faisant valser les escales. Sur dix-sept porte-conteneurs, de retour en Chine après une rotation complète entre l'Asie et l'Europe du Nord, dans le courant de la semaine du 11 novembre, seul le CMA CGM Antoine de Saint-Exupéry (20 954 EVP) avait respecté son transit-time. Mais cette ponctualité s’est faite au détriment de Yantian (vers l'ouest) et de Tianjin (vers l'est) qui ont disparu des dessertes. Le retard moyen pour les autres a été de 17 jours, soit à peine un jour de gagné par rapport au mois d’avant lorsqu’Alphaliner avait procédé à un décompte similaire. 

Aucun trade n’échappe en ce moment au phénomène. La route transatlantique souffre tout aussi clairement de la congestion. Seuls deux des neuf navires, qui ont regagné le Benelux après leur boucle entre Europe du Nord et la côte Est des États-Unis, ont opéré dans les délais prévus. Les navires du service AL2, opérés dans le cadre de THE Alliance, ont fait l’impasse sur le port américain de Savannah, où le temps d'attente moyen au mouillage atteint les huit jours. 

Les sept navires de Ocean Alliance avaient aussi en moyenne neuf jours de retard par rapport à leur programme pro forma entre Asie et Europe du nord. Si le Cosco France, déployé dans le cadre du service AEU7, a pu réduire à cinq jours son retard, c’est en n’assurant que des arrêts au Pirée et à Hambourg en Europe, esquivant Rotterdam, Zeebrugge et Felixstowe. 

42 jour pour faire Algésiras – Tanger Med

Certains transporteurs paient le prix fort pour ne pas exclure, les porte-conteneurs de THE Alliance affichent les retards les plus importants car ont tenu à respecter les escales européennes à Rotterdam, Hambourg et Anvers. Résultat, le HMM Stockholm (23 792 EVP) a effectué sa rotation avec 34 jours de plus que ce qui était prévu, portant la traversée à 118 jours dont 42 auront été nécessaires pour la seule rotation européenne entre Algesiras, Rotterdam, Hambourg, Anvers et Tanger Med.

Croissance de la taille moyenne des escales

Au temps d'attente des navires à l’ancre qui s’est considérablement allongé, il faut désormais ajouter les temps de chargement et de déchargement du fait de la taille moyenne des escales, qui a significativement augmenté, de 10 à 27 % en 2021, selon Dynamar sur la base des données de WorldCargo. Les ports qui enregistrent une force croissance du point de vue de ce critère sont aussi les locomotives mondiales : Singapour (+ 27 %) ; Shenzen/Yantian (+ 24 %), Ningbo (+ 23 %), Shanghai (+ 23 %). En Europe, les plus congestionnés sont aussi ceux qui ont vu leurs escales gonfler : Felixstowe (de 1 490 à 2 950 EVP) et dans une moindre mesure (+ 14 %) à Anvers et Hambourg, tous deux autour de 2 000 EVP.  

Escales et délais d’escales 

Hors période exceptionnelle, l’efficacité portuaire est tout sauf linéaire. « Certains des temps de rotation les plus rapides se situent dans des pays qui ont peu d'escales et de conteneurs à charger et à décharger », peut-on lire dans la Review of Maritime Transport que l’organisation des Nations unies a publié en novembre. Cependant, à l'autre bout de l'échelle, « les rotations sont également rapides dans les pays réceptacles de nombreuses escales et des plus grands porte-conteneurs. Là, les ports y ont bénéficié d'économies d'échelle grâce aux investissements réalisés. Leur efficacité attire davantage de navires, ce qui augmente encore le nombre d'arrivées. » 

Parmi les 25 premiers pays comptant le plus grand nombre d’escales de porte-conteneurs, le temps de rotation médian le plus rapide a été enregistré au Japon (0,34 jour), à Taïwan (0,44) et à Hong Kong (0,52). Le plus long a été observé en Russie (1,31 jour), en Belgique (1,04 jour) et aux États-Unis (1,03 jour). Tous les ports africains sont concernés par une faible productivité à l’exception de TangerMed qui détient la palme mondiale de la productivité.  

Escales portuaires par régions et par catégories de navires, années 2018-2020, source : Cnuced

Meilleure connectivité en Asie

Depuis 2020, la Cnuced et MDS Transmodal, analysent l'indice de connectivité des transports maritimes de ligne. Au deuxième trimestre de cette année, les cinq économies les plus connectées se trouvaient sans surprise en Asie (Chine, Singapour, Corée, Malaisie et Hong Kong), devant les États-Unis et quatre pays européens (Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Belgique). La Chine n’a de cesse de creuser l’écart de trimestre en trimestre.

Aussi, sur une plus longue période (2006-2021), l'indicateur de connectivité révèle un écart croissant entre les pays les mieux et les moins connectés, qui passe d’un indice de 20 à 28, au détriment des petites économies insulaires. 

« Pour répondre à la demande croissante, il existe deux grandes options, décryptent les auteurs de l’étude. Les transporteurs peuvent soit déployer davantage de navires et offrir plus de services et de liaisons directes, soit opérer des navires plus grands. » Au cours des deux dernières décennies, ils ont eu tendance à utiliser cette dernière option.

Plus de grands navires, moins de compagnies

Autre tendance de fond qui ne surprendra personne : la taille des plus grands navires a augmenté de manière significative tandis que le nombre moyen de compagnies a diminué. Entre le premier trimestre de 2006 et le deuxième trimestre de 2021, la capacité moyenne du plus grand navire pour chaque pays a augmenté de 176 %, passant de 2 836 à 7 841 EVP, tandis que le nombre moyen de compagnies par pays est passé de 18 à 13, indique l’organisation onusienne. 

« Les entreprises, ayant investi dans des navires plus grands, visent des économies d'échelle pour réduire les coûts unitaires. Les autres, incapables de faire face à la concurrence, se retirent des routes non rentables ou quittent purement et simplement le secteur. Le nombre d'opérateurs s'en trouve réduit ». Avec moins de compagnies, il y aura probablement moins de liaisons directes, ajoute la Cnuced. Le transbordement en témoigne déjà.

Adeline Descamps

 

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