Premier semestre 2024 : volumes stables à Rotterdam mais retour du conteneur

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Boudewijn Siemons

Boudewijn Siemons, PDG du port de Rotterdam

Crédit photo © Ernst Bode
Il y a un an, à la même époque, le port néerlandais devait ajourner la croissance. Aux termes de ce premier semestre, Rotterdam affiche la stabilité à la baisse (- 0,3 %) avec 220 Mt. Comme l’an dernier, le charbon et le brut ont tiré vers le bas les volumes, mais cette fois, le conteneur est au rendez-vous. À pic. Le port néerlandais vient d'investir 16 M€ dans l'élargissement du chenal de navigation pour permettre le passage de 18 000 EVP dans les deux sens.

Il y a un an, à la même époque, le port néerlandais, leader européen, devait se résoudre à ajourner la croissance et remettre à plus tard le retour des volumes de conteneurs, la mesure étalon dans les grands hubs de la ligne régulière. Avec un trafic de 220,7 Mt, le premier port européen signait un premier semestre 2023 en repli de 5,5 % par rapport à celui de 2022. Seuls 6,68 MEVP avaient été manutentionnés, encaissant une baisse de 8,2 % en un an.

Aux termes de ce premier semestre, la manutention à Rotterdam affiche la stabilité à la baisse (- 0,3 %) avec 220 Mt. Comme l’an dernier, le charbon, le brut et d'autres vracs liquides ont tiré vers le bas les volumes, à l’exception cette fois du conteneur qui a augmenté de 4,2 % (en tonnage), soit 67,1 Mt, et de 2,2 % (en EVP), à 6,8 MEVP, ce qui ne lui permet de repasser la barre des 7 MEVP, le sillage où il se trouvait en 2020 à la frontière de la pandémie.

« Après une période d'incertitude économique, la demande de matières premières et de produits de consommation commence à augmenter. Cela a entraîné une croissance du trafic de conteneurs au premier semestre. La poursuite de cette tendance dans d'autres segments dépendra en partie du rythme de la reprise de l'industrie européenne dans les mois à venir », commente Boudewijn Siemons, à la tête du port de Rotterdam.

Du mieux dans la boîte

L’embellie dans la boite est liée aux effets d’anticipation sur la haute saison à venir, engendrant une demande plus forte. Les importateurs ont pris les devants pour ne pas se retrouver à court de marchandises pour la haute saison et les fêtes de fin d’année après avoir bien déstocké, de gré ou de force, pour faire face à la faiblesse de la demande de consommation pendant de longs mois.

Les chargeurs doivent de nouveau composer avec des temps de navigation allongés, non plus en raison des perturbations liées la pandémie, mais parce qu’une grande partie de la flotte de porte-conteneurs a dérouté du traditionnel raccourci entre Europe et Asie par le canal de Suez pour échapper aux attaques sans relâche des Houthis au large du Yémen.

« Le marché des conteneurs est encore en train de s'adapter à cette nouvelle situation. En raison de l'allongement de la durée de navigation via le cap de Bonne Espérance, il est difficile de trouver une capacité de transport suffisante », indique la direction du port néerlandais. Si la modification des fenêtres horaires, l'augmentation de la demande et le mauvais temps en Asie ont provoqué la congestion dans des ports d'Asie, du Moyen-Orient et de l'Europe du Sud, elle a été plutôt limitée dans les hubs nord-européens. « Les arrivées de navires sont plus difficiles à planifier en raison des changements d'horaires. De plus, la taille des appels a considérablement augmenté depuis le début de la crise de la mer Rouge. En conséquence, les terminaux et les établissements de l'arrière-pays sont confrontés à des pics de charge, ce qui entraîne des retards dans la manutention des conteneurs », objecte la direction.

Vrac sec : prime à la ferraille et au minerai de fer

L’augmentation des volumes de vrac sec traités (+ 2,1 % par rapport à la même période l'an dernier) est à nouveau attribuable aux trafics de minerai de fer et de ferraille, lancés sur une trajectoire dynamique depuis plusieurs exercices. Après avoir rebondi de 8,9 % au cours du premier semestre 2023, ils ont encore performé au premier semestre, passant de 12,6 % à 14,6 Mt, en phase avec la production d'acier en Allemagne. Mais paradoxalement, elle n’a pas emmené avec elle le charbon à coke (celui que l’on utilise pour la sidérurgie) « en raison de l'accumulation de stocks l'année dernière », explique l’autorité portuaire.

Les imports de charbon thermique ont encore diminué, de 2,4 Mt (- 19,7 %). La chute est cependant plus mesurée que l’an dernier (- 16,5 %). Il faut y lire en partie le recours accru aux énergies renouvelables, solaire et éolien, qui induisent un moindre recours au charbon pour la production d’électricité en Allemagne et aux Pays-Bas.

Quant aux vracs agricoles, qui avaient bénéficié des entrées en provenance d’Amérique du Sud en 2023 l'an dernier, ils ont pâti ce semestre de la dynamique inversée. Le manque à gagner d’1,2 Mt est lié à la faible demande de soja résultant d’un changement dans les procédés aux États-Unis. Au final, le segment joue les grands écarts, entre ledit « agribulk », en chute libre (-19,3 %), et les autres vrac sec (+ 80,7 %).

Vracs liquides : repli généralisé

Le repli des vracs liquides est moins marginal que l’an dernier (- 3,1 %). Au premier trimestre, la maintenance de certaines raffineries de Rotterdam a eu un impact sur la consommation de pétrole brut, en retrait de 5,8 % (51,85 Mt - 1,4 % au premier semestre 2023). En revanche, avec 28,6 Mt, l’autre catégorie, les produits pétroliers, a gagné 1,3 Mt en un an. À 6, Mt, les entrées et sorties de GNL restent inchangées, sans doute du fait des importantes réserves constituées depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Ro-ro et marchandises diverses : nouvelle contraction

Le trafic roulier est toujours à la peine, accusant une nouvelle contraction de 4,1 % avec 12,8 Mt en raison de la faiblesse de l'économie britannique. Quant aux autres marchandises diverses, non conteneurisées, dont la sortie du tunnel paraît indépassable, elles subissent une nouvelle correction à la baisse (- 10,5 %, 3,1 Mt) après s’être déjà rétractées de 11,5 % entre le premier semestre de 2022 et 2023. « Cela est dû à la conteneurisation des marchandises générales et au transfert de divers colis de fret vers d'autres ports », oppose la direction, le même argument à l'appui à chaque exercice.

Des perspectives

« L'augmentation des volumes de conteneurs en est un signe avant-coureur », assure Boudewijn Siemons, qui entrevoit une légère augmentation des trafics pour l'ensemble de l'année. D’autant que « les stocks accumulés dans d'autres segments ont été écoulés et la production industrielle européenne semble reprendre prudemment grâce à la baisse des prix de l'énergie ».

Le leader portuaire de l’UE a publié un bénéfice avant impôts, intérêts, dépréciations et amortissements (Ebitda) de 291,7 M€, soit près de 10 M€ de plus que l’année dernière. Le résultat net a augmenté de 31,7 M€, à 148,2 M€. Le port néerlandais a investi 164,4 M€ durant les six premiers mois de l'année, dont près de 16 M€ dans l'élargissement du Yangtzekanaal qui mène aux terminaux de Maasvlakte 2. Le chenal de navigation doit être aménagé sur toute sa longueur au cours des prochaines années (trois phases jusqu'en 2028), notamment pour permettre le passage de porte-conteneurs jusqu'à 18 000 EVP dans les deux sens.

Adeline Descamps

 

Un discours très politique sur la transition environnementale

Les transitions en matière d'énergie et de matières premières sont actuellement les plus grands défis auxquels sont confrontés les ports européens, a rappelé Boudewijn Siemons, PDG de l'Autorité portuaire de Rotterdam, à l'occasion de la publication de ses trafics pour le premier semestre. « Dans la transition des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, des conditions de marché prévisibles et concurrentielles pour les investissements visant à rendre l'industrie plus durable et la disponibilité de matières premières en quantité suffisante sont cruciales. Par conséquent, des politiques stables et des incitations fortes en faveur de l'énergie verte et de l'économie circulaire sont nécessaires dans les années à venir, tant de la part de La Haye que de Bruxelles », a-t-il rappelé.

À Rotterdam, la construction d'un gazoduc d'hydrogène est en cours et le projet de transport et de stockage de CO₂ de Porthos ainsi que celui l'usine d'hydrogène de 200 MW de Shell se concrétisent, le patron du port perçoit des « vents contraires ». Il fait notamment référence au retard, annoncé de quatre ans, dans la construction du corridor du Delta Rhin, qui comprend le gazoduc d'hydrogène vers d'autres pôles industriels néerlandais et allemands.

Les coûts élevés de raccordement au réseau, les prix de l'électricité et les réglementations seraient également à l'origine de retards. « Les prises de décision relatives aux investissements dans la production d'hydrogène sont encore à la traîne », insiste Boudewijn Siemons, rappelant que ses équipes planchent actuellement sur le vision et la stratégie du port dans la transition des matières premières, à savoir son rôle dans la production de carburants renouvelables et des matériaux critiques.

Adeline Descamps

 

 

 

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