La crise sanitaire a précipité le monde vers une « profonde récession » mais il n'y a toujours pas de consensus sur « sa durée et sa profondeur » et pas davantage sur l’ampleur de la baisse des volumes de conteneurs qui en résultera. Les ports de transbordement d'Asie du Sud-Est pourraient créer la surprise.
Les ports mondiaux de conteneurs ont connu une baisse de 4 % des volumes traités au cours du premier trimestre de cette année et devraient enregistrer une baisse de 9 % en 2020, conformément à une contraction prévue de 3 % du PIB, a indiqué Eleanor Hadland, l’analyste principale de Drewry - Ports & Terminals, à l’occasion d’un webinaire organisé par le consultant britannique mi-juin. « Les volumes plafonnent actuellement et pourraient connaître les prémices d’une reprise au cours du second semestre », soutient-elle. Cependant, les prévisions relatives au PIB et aux volumes de conteneurs en 2021 varient encore énormément, de 13 % de croissance à une nouvelle baisse de 6 % en fonction de la réussite de la lutte contre la pandémie. « Plus nous serons en décrochage, plus il sera difficile de s'en remettre », admet l'analyste.
Contrairement aux transporteurs, qui ont supprimé les traversées et suspendu les services pour s’adapter à la faiblesse de la demande, les ports n'ont pas été en mesure d’amortir le « choc des volumes et des revenus ». La priorité accordée aux coûts sera la donne à court terme pour les ports. « Les dépenses d'investissement, exceptées les plus essentielles, seront mises en sommeil et les projets d’expansion seront probablement retardés jusqu'à ce qu'il y ait une plus grande visibilité sur les perspectives de la demande. »
Drewry a suivi le cours des actions des 11 opérateurs portuaires cotés en bourse. Ils ont chuté de 29 % en moyenne depuis le 1er janvier, à l’exception de DP World dont le cours a augmenté de 22 %, mais uniquement parce que la société émiratie a annoncé son retrait de de la bourse. Parmi les principales victimes de la récession en termes d’escales directes figurent, sans surprise, les ports chinois de Shanghai (- 10 %), Ningbo (- 5 %), Hong Kong, Shekou et Qingdao (- 4 %), selon Drewry. Pour beaucoup, la crise a servi à mettre en évidence le risque de dépendance excessive aux importations chinoises et cela pourrait conduire à « une diversification du sourcing, notamment au profit d'autres pays du sud-est asiatique », estime le consultant.
Un nouveau terminal à conteneurs à Cai Mep prêt à être lancé
Les ports d'Asie du Sud-Est ont cependant une capacité et une connectivité bien moindre que leurs homologues chinois, bien qu'il y ait des exceptions notables comme Singapour et Tanjung Pelepas. Par exemple, la Chine compte actuellement 40 terminaux dans 18 ports différents capables de traiter des navires porte-conteneurs de 14 000 EVP et plus, alors que seuls 13 terminaux dans six ports différents en Asie du Sud-Est sont en mesure de recevoir de grandes escales.
Néanmoins, il est prévu que les ports d'Asie du Sud-Est ajoutent collectivement 16,5 MEVP de capacité supplémentaire d'ici 2023, ce qui, selon Drewry, pourrait être l'une des tendances émergentes du développement mondial des ports à conteneurs lorsque le secteur se remettra de la pandémie.
Robert Jaques