Faut-il interpréter la dernière acquisition d’Hapag-Lloyd comme un ralliement à la stratégie de ses pairs qui se passionnent pour la chose logistique ? Ou l'assimiler à un revirement de cap ?
Rolf Habben Jansen, le CEO de Hapag-Lloyd, a toujours défendu un développement organique plus classique, considérant les métiers connexes (logistique terrestre, fret aérien) comme des « extensions qui ne sont pas naturelles de notre activité ». La présence écrasante dans son capital de Klaus-Michael Kühne (Kühne Maritime et Kühne Holding AG détiennent 30 % des parts de Hapag-Lloyd), hériter de l’un des premiers commissionnaires mondiaux Kuehne+Nagel, doit influencer certains choix stratégiques.
Secteur très concurrentiel
Néanmoins, l’armateur allemand de porte-conteneurs vient de conclure un accord avec le transitaire britannique ATL Haulage Contractors en vue d’acquérir la totalité du capital de la société. Peu de détails financiers ont été livrés par les deux parties prenantes qui en « ont convenu ainsi », évacuent les services de communication de la compagnie.
Fondée en 2008, ATL est présentée comme l'une des dix premières entreprises de transport du Royaume-Uni avec une flotte de 120 camions en propriété et une centaine, loués auprès de tierces, ainsi que de 250 remorques. Les deux entreprises sont familières, elles collaborent déjà ensemble.
« Le marché britannique du transport routier a été très challengé ces dernières années, notamment en raison d'une importante pénurie de chauffeurs routiers, de l'obligation pour les entreprises d'adopter des technologies vertes et de l'encombrement général du marché. Toutefois, l'investissement et le renforcement du contrôle tout au long de la chaîne d'approvisionnement sont susceptibles d'améliorer la situation dans les années à venir », fait valoir la direction d’Hapag-Lloyd.
Cette acquisition intervient quelques jours après l’officialisation d’un accord entre CMA CGM, via sa filiale Ceva Logistics, avec un autre britannique du secteur, Wincanton, dont la valeur a été estimée à 662 M€.
S'ancrer sur les quais
Jusqu’à présent, la compagnie de ligne était plutôt affairée à rattraper son retard dans les opérations portuaires, limité jusqu’en 2022 à sa prise de participation sur les quais d’Hambourg (25,1 %) dans le Container Terminal Altenwerder (CTA), l’un des quatre terminaux du premier port allemand. Et à Tanger Med où il détient, depuis 2019, 10 % du terminal Tanger Alliance (TC3), le quatrième terminal de Tanger Med, aux côtés de Marsa Maroc.
Sorti de la période Covid, Rolf Habben Jansen avait annoncé vouloir consolider ses opérations dans une quinzaine de terminaux et « d’investir dans la moitié d’entre eux ». « Nous avons appris au cours des 18 derniers mois à quel point il est important d'avoir un réseau autour de quelques terminaux et nécessaire d’y avoir le contrôle », avait-il souligné.
Tambour battant dans la manutention portuaire
Depuis 2022, la société multiplie les prises dans la manutention portuaire. Cette année-là, elle a pris position (30 %) dans le terminal de Jade Weser à Wilhelmshaven aux côtés d'Eurogate avec lequel elle s’est également associée à Tanger Med ainsi qu'à Damiette en Égypte.
Là, le Damietta Alliance Container Terminal (DACT) sera opéré par une joint-venture entre Hapag-Lloyd Damietta GmbH (39 %), Eurogate Damietta GmbH (29,5 %) et Contship Damietta (29,5 %), les deux sociétés Middle East Logistics & Consultants Group et Ship & C.R.E.W. Egypt intervenant à hauteur de 1 % chacune.
La compagnie a été retenue en 2022 pour exploiter pendant trente ans un terminal d’une capacité de 3,3 MEVP et qui sera potentiellement une concurrence pour le premier terminal de Damiette, exploité par APM Terminals du groupe Maersk.
La décision finale d’investissement vient d’être finalisée autour d’un pool composé notamment de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), de la Société financière internationale (SFI), et de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures.
« L'infrastructure améliorera considérablement nos opérations de transbordement sur le marché de la Méditerranée orientale et offrira en même temps un meilleur accès au commerce égyptien », a indiqué pour la forme Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd.
Alors que la construction de l'infrastructure est en cours, la mise en service du terminal est prévue pour le début de l'année 2025.
Derniers Investissements en date de Hapag-Lloyd (extrait de son rapport financier du troisième trimestre 2023)
Opérations en cascade
Toujours en 2022, en fin d'année, Hapag-Lloyd et l’opérateur portuaire italien Spinelli ont convenu d’une entrée du premier dans le capital du second à hauteur de 49 % (feu vert obtenu en janvier 2023). Le groupe est très implanté dans les ports de Gênes et de Salerne, à la barre de plusieurs terminaux spécialisés et polyvalents.
La compagnie de ligne a annoncé un mois plus tard, en octobre, avoir déboursé 1 Md$ pour un opérateur sud-américain de terminaux SAAM, qui exploite dix terminaux, principalement en Amérique du Sud et centrale (41 Mt et 3,3 MEVP en 2021).
Enfin, en janvier 2023, un accord devrait lui permettre de détenir 35 % des parts de l'opérateur indien JM Baxi Ports&Logistics (JMBPL). L'Allemand et l'actionnaire majoritaire (60,8 %) – les descendants des fondateurs de la société, la famille Kotak –, se sont ensuite mis d'accord sur une augmentation de capital qui va porter la participation d'Hapag-Lloyd à 40 %.
JM Baxi Ports & Logistics est l'un des principaux opérateurs privés de terminaux et de services de transport intérieur en Inde. La société emploie environ 5 400 personnes et ses activités conteneurs représentent un volume consolidé de 1,6 MEVP.
Hapag Lloyd se retrouve ainsi actionnaire d’un groupe qui a emporté en août avec CMA CGM, la concession pour trente ans du terminal de Nhava Sheva dans le premier port à conteneurs du pays.
Adeline Descamps
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