Faire de l’axe Seine un corridor intelligent

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La notion de smart corridor, qui inclut des échanges numériques de données à grande échelle, peut être d’un grand apport pour répondre au défi de la décarbonation du transport maritime et de la logistique. Mais l’accès aux données, le partage et l’exploitation restent des sujets. Le concept a été débattu à l’occasion de la Journée maritime et logistique du Havre, organisée par le Propeller Club et le Club logistique du Havre le 3 décembre.

L’accélération de la numérisation des échanges de données est un des nombreux héritages laissés par le Covid. « Les échanges de données sont facilités par le fait que les ports se soient regroupés. La numérisation est aussi un avantage pour répondre au défi le plus important de ces prochaines années : la décarbonation, qui nécessitera beaucoup d’innovation dans la production et le transport d’énergie », explique Jan Hoffmann, chef du service Commerce et Logistique de la Cnuced (Conférence des nations unies sur le commerce et le développement). Pour le représentant de l’organisation onusienne, qui à l’occasion de la première Journée maritime et logistique du Havre, organisée par le Propeller Club et le Club logistique du Havre le 3 décembre, la numérisation est un atout dans le cas de Haropa.

La notion de smart corridor, qui inclut des échanges numériques de données à l’échelle de l’ensemble de l’axe Seine, peut ainsi à décarboner la logistique au-delà du seul transport maritime, avec par exemple un calcul de l’empreinte carbone du transport tous modes confondus, jusqu’au denier kilomètre. Mais, prévient Yanis Souami, PDG de Sinay, une entreprise normande qui propose depuis 2008 aux entreprises du secteur maritime un accompagnement dans le big data, « un corridor intelligent ce n’est pas juste des données bien rangées. Il faut au préalable déterminer l’objectif à atteindre avant de décider quels outils utiliser pour y parvenir. »

Loi-prétexte

L’accès aux données, mais plus encore le partage, reste une problématique, reprend Jan Hoffmann, qui publie chaque année la Review of maritime transport dont la version 2021 vient d’être publiée. « En tant qu’organisme de l’ONU, la Cnuced a accès à des données détaillées que l’on ne peut pas toujours partager quand elles sont commerciales, mais que nous utilisons pour produire nos analyses, souligne l’économiste. D’un autre côté il existe de plus en plus de données publiques, qu’elles proviennent des statistiques portuaires ou de l’AIS par exemple. Ces dernières, cependant, sont moins disponibles qu’auparavant en Chine, où la législation est très protectrice. Ce type de loi est un bon prétexte car chacun, qu’il soit chargeur, commissionnaire ou transporteur, veut généralement connaître celles des autres sans partager les siennes. »

À ce propos, Kris Danaradjou met en avant l’intérêt d’une communauté portuaire, comme celle de l’axe Seine, où chaque acteur devrait partager les données voulues et permettre ainsi des synergies industrielles.

Virage numérique

Pour que l’ensemble des entreprises de l’axe Seine puissent échanger des données, il faut que chacune d’entre elles opère le virage numérique, explique Yanis Souami, dont c’est le métier. « Pour utiliser les données, il faut des passerelles entre les différentes bases publiques ou privées existantes et tout d’abord s’assurer de la qualité des informations obtenues. La deuxième étape consiste à ne plus avoir de données éparses et à automatiser et rationaliser le processus de collecte afin que cela constitue véritablement une aide à la décision. Enfin, il faut sécuriser les flux avant de pouvoir envisager le partage. » 

Pour le spécialiste, ce sont là des étapes fondamentales de création de valeur. Après seulement, il peut être question de blockchain et d’intelligence artificielle. « On vend souvent du rêve, mais la promesse d’accélération des échanges n’est pas toujours tenue », ajoute-t-il. L’entrepreneur met en garde contre tout précipitation sur les technologies en vogue, « pas toujours utiles à toutes les entreprises », et préconise de concentrer sur un cas pratique, « même modeste » mais qui permet d’implanter les outils dont les utilisateurs ont vraiment besoin.

Se jeter à l’eau

La bonne méthode pour mettre en place un échange de données entre différents acteurs, c’est de partir du plus petit dénominateur commun : l’élément d’information que chacun accepte de partager avec tous, poursuit-il. « Dans le monde du maritime, on planifie longtemps en avance, mais ce n’est pas le cas dans le numérique où les cycles ne se comptent pas en années mais en semaines. Il faut donc accepter d’échouer », rappelle-t-il.

La culture de l’échec constructif « en se jetant à l’eau » n’est naturelle en France. Elle n’est pas évidente pour les autorités portuaires arc-boutées sur une vision stratégique de long terme. Pour autant, le rôle de chef d’orchestre leur revient naturellement. D'où l'intérêt d’un chief data officer à l’échelle de la vallée de la Seine, est-il suggéré dans l'assistance.

Étienne Berrier

 

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