Berlin accepte finalement la prise de participation de CoscoSP à Hambourg

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Le terminal Tollerort à Hambourg

Le Container Terminal Burchardkai (CTB), Tollerort est la plus petite des deux installations exploitées par HHLA. Avec son linéaire de quai de 1 200 m, ses quatre postes d'amarrage et 14 portiques et son tirant d'eau maximal de 15,1 m, elle ne peut accueillir simultanément qu'un navire de grande taille, un néo-panamax et un ou deux navires plus petits.

Crédit photo @HHLA / Thies Rätzke
En avril, Berlin semblait encore hésitant. Finalement, le gouvernement allemand a décidé de laisser Cosco prendre des parts dans un des terminaux à conteneurs de Hambourg aux côtés du manutentionnaire allemand HHLA. Le groupe de transport maritime chinois arrive dans un port où il n'y a pas un seul transporteur maritime à la manœuvre, excepté Hapag-Lloyd en minoritaire.

« Oui » puis « oui mais » puis « peut-être » et finalement « oui ». Le feuilleton autour de la participation de Cosco dans un des terminaux à conteneurs de Hambourg est définitivement clos. Et c’est Cosco Shipping Ports qui l’annonce par un communiqué de presse alors que l’entreprise n’avait commenté jusqu’à présent aucune étape de cette série à tiroir depuis la signature d’un accord conclu en septembre 2021 entre CoscoSP et le manutentionnaire allemand HHLA, lui-même précédé par de longs mois de tractations.

« Le gouvernement allemand a confirmé l'approbation de la prise de participation de Cosco Shipping Ports à hauteur de 24,99 % dans le capital du Container Terminal Tollerort de Hambourg exploité par Hafen und Logistik Aktiengesellschaft (HHLA), sur la base des conditions imposées par le gouvernement allemand en octobre 2022 », indique le communiqué

La filiale portuaire de l’armateur chinois de porte-conteneurs éponyme et numéro quatre de la ligne régulière derrière CMA CGM, évoque par ailleurs le positionnement géostratégique de son nouvel investissement « à proximité des principaux centres industriels d'Allemagne », et rappelle le poids de la Chine qui « représente déjà 30 % du volume total des échanges du port de Hambourg, ce qui en fait un hub important pour le commerce entre les deux pays ».

La Chine est en effet le premier partenaire commercial du port Hambourg depuis quelques années déjà : près d'un conteneur sur trois, traité à Hambourg, a pour origine la Chine ou est destiné au marché chinois.

Sécuriser des investissements et des volumes

Par rapport au Container Terminal Altenwerder (CTA) et au Container Terminal Burchardkai (CTB), Tollerort est la plus petite des trois installations, l'une des deux exploitées par HHLA, la troisième étant aux mains de l'autre grand manutentionnaire allemand, Eurogate, tous deux régnant en maîtres outre-Rhin. Avec son linéaire de quai de 1 200 m, ses quatre postes d'amarrage bordés de 14 portiques et son tirant d'eau maximal de 15,1 m, elle ne peut accueillir simultanément qu'un navire de grande taille, un néo-panamax et un ou deux navires plus petits. Raison pour laquelle Hapag-Lloyd investit à Wilhemshaven (JadeWeserPort).

HHLA y voit de son côté une opportunité pour sécuriser des investissements futurs tout en assurant ses volumes d’autant que ces deux dernières années, les problèmes de congestion ont poussé Maersk et MSC à rediriger une grande partie de leurs flux vers Bremerhaven. Un avertissement.

Affaire politique

En avril, la main était encore tremblante dans les allées du pouvoir à Berlin, qui semblait vouloir revenir sur sa décision à faire entrer dans ses actifs des capitaux chinois, qui plus est, d'une entreprise placée sous la Commission chinoise de supervision et d'administration des actifs d'État, considérée comme un véhicule pour les intérêts de Pékin. Quand bien même il s’agisse du plus petit terminal à conteneurs et bien que l’infrastructure reste sous le contrôle de HHLA.

L’affaire avait provoqué, tout au long de l’année 2022, une vive polémique, d’interminables débats et menacé la jeune coalition au pouvoir de dislocation. Aussi, certains peinent à admettre que le premier transporteur maritime à prendre pied dans un port, en dehors de la compagnie nationale Hapag-Lloyd (25,1 % dans le Container Terminal Altenwerder, CTA), ne soit pas européen.

Finalement, le gouvernement d’Olaf Scholz avait tranché favorablement fin octobre contre l’avis de la Commission européenne, qui avait émis un avis négatif dès avril et en dépit de l’opposition de six ministères fédéraux (Économie, Intérieur, Défense, Finances, Transports et Affaires étrangères).

Classement en actifs stratégiques

Comment expliquer ces tergiversations ? Entre la signature de l’accord en 2021 et l'année post-covid, l'Allemagne a élu un gouvernement de coalition composé de sociaux-démocrates, de verts et de libéraux, qui a vu le ministère de l'Économie basculer dans le camp des Verts, moins ouverts sur ce point. Par ailleurs, la guerre en Ukraine a brutalement mis en exergue l’extrême dépendance de l'Allemagne à l'égard des investissements étrangers, notamment des gazoducs acheminant du gaz russe, ce qui a rendu le gouvernement plus regardant sur ses actifs, d'autant qu'il s'agit du troisième port nord-européen.

Une sortie de crise avait été permise en revoyant à la baisse la participation de Cosco, limitée à 24,9 % (contre 35 % pensé initialement). Le réexamen tardif d’avril fait suite au classement des ports maritimes de plus de 3,27 Mt dans les infrastructures dites critiques de l'Office fédéral de la sécurité de l'information (HHLA était déjà placé dans cette catégorie).

Cette annonce avait suscité une prompte réaction du ministère chinois des affaires étrangères, appelant à ne pas « politiser la coopération commerciale » alors que la ministre allemande des affaires étrangères devait se rendre en Chine du 13 au 15 avril.

Une présence chinoise qui ne passe pas ou difficilement

La présence de l’opérateur portuaire asiatique en Europe ne va pas de soi. Cosco détient au Nord des participations à Zeebrugge, Anvers et Rotterdam, alors qu’au Sud, il est propriétaire du Pirée (Grèce) et est actionnaire à Vado Ligure (Italie), à Bilbao et à Valence (Espagne).

L’égal accès aux marchés entre l’Union européenne et la Chine est un sujet de tension récurrent. Force est de reconnaître qu’il est beaucoup plus facile pour les transporteurs chinois d'accéder aux marchés européens qu’à l'inverse, dénoncent régulièrement les associations professionnelles représentant les intérêts des armateurs ou des manutentionnaires.

La Feport, qui fédère les exploitants privés de terminaux, est l’une des plus actives sur ces sujets, l’une de celles qui renseignent de façon circonstanciée le dossier. Par exemple, si la législation européenne sur le cabotage exige que seuls les navires battant pavillon d’un État membre puissent participer aux transports, elle s’applique entre les ports d'un même pays.

En Chine, les transports intérieurs ne peuvent être effectués que par des navires battant pavillon chinois et appartenant à une société chinoise. En pratique, cela signifie que Cosco peut investir dans une filiale aux Pays-Bas et exploiter des navires battant pavillon néerlandais entre des ports intérieurs et côtiers, là où une compagnie néerlandaise ne pourrait pas investir dans une filiale en Chine pour exploiter des navires battant pavillon chinois.

De même, les navires battant pavillon chinois peuvent exploiter des feeders entre les ports d'un même État membre européen, mais aussi entre différents pays : collecter du fret à Hambourg, à Rotterdam et à Anvers, l’amener dans un grand hub de transbordement européen pour qu’il soit redistribué vers l’Asie ou l’Amérique du Nord par exemple. D’où l’intérêt de Cosco pour investir dans les ports européens.

Pour opérer de façon similaire, la compagnie européenne devra naviguer sous pavillon chinois et être immatriculée en Chine. Un navire battant pavillon danois et appartenant à une compagnie danoise ne pourrait pas donc charger depuis des ports chinois pour rapatrier le fret vers un grand port de la République populaire de Chine. Il devrait le faire à partir d’un pays voisin tels que la Corée du sud ou le Japon.

Adeline Descamps

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[Actualisation au 17 mai] Les bénéfices de HHLA en forte baisse

Le manutentionnaire allemand Hamburger Hafen und Logistik AG (HHLA) a annoncé une forte baisse de ses bénéfices d'exploitation pour le premier trimestre de l'année, ses résultats affectés par une réduction des revenus des frais de stockage dans le port de Hambourg et une baisse significative des volumes de conteneurs dans l'ensemble du portefeuille de terminaux du groupe.

HHLA a généré des revenus de 364,7 M€ au cours de la période janvier-mars, soit une baisse de 5,6 % par rapport à l'année précédente, mais le résultat d'exploitation (EBIT) a chuté de 57,2 % à 22,9 M€.

En conséquence, la marge d'exploitation est passée de près de 14 % à un peu plus de 6 %. Le résultat net est tiré vers le bas (- 88 %) pour s'établir à un maigre 2,8 M€.

Les volume traités sont en baisse de près de 19 %, soit 1,42 MEVP. Les infrastructures de Hambourg sont particulièrement sanctionnées, en baisse de 16%, à 1,36 MEVP, résultant de la faiblesse du trade Asie.

A l'international, le volume de débit a atteint 56 000 EVP contre 122 000 EVP il y a un an. L'activité pâtit de la suspension des opérations du terminal d'Odessa en février 2022 et de l'absence d'escales supplémentaires au terminal TK Estonia en tant qu'alternative aux ports russes. HHLA s'attend à une reprise des volumes au deuxième trimestre et maintient globalement ses prévisions d'un résultat d'exploitation de l'ordre de 160-190 M€en 2023. Toutefois bien plus modeste que les 220 M€ réalisés en 2022.

 

 

 

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