Le port d’Anvers avait achevé son exercice 2021 sur une croissance de 3,8 %, à 240 Mt, et une sous-performance du conteneur. Tout au long de l’année 2021, Anvers aura déçu sur son trafic-roi, alors qu’il avait réalisé un sans-faute en 2020 et était abonné à une croissance sans rupture depuis 2014. Le port belge a fini l’an dernier sur un statu quo avec 12,02 MEVP, en baisse de 0,1 %. Hub d’élection des grandes alliances maritimes, l’éternel challenger de Rotterdam a été malmené par la valse des escales et la congestion généralisée.
Au premier trimestre, le repli se confirme, et pas dans la demi-mesure, avec une baisse de 11,6 % en unités de vingt pieds par rapport au premier trimestre de 2021 soit 2,73 MEVP. « Les perturbations du transport maritime, les retards et le nombre élevé de callsizes [nombre de conteneurs déchargés par les navires, NDLR] compliquent l'exploitation des terminaux. De plus, le conflit entre la Russie et l'Ukraine ainsi que les sanctions imposées poussent le nombre de conteneurs traités à la baisse », justifie la direction, qui y veut y voir la « confirmation de l'importance de la fusion avec Zeebrugge ».
Anvers paie la facture de la congestion, son principal client, MSC, lui ayant d’ailleurs préféré des ports voisins, dont Le Havre, alors que l’armateur suisse est coactionnaire de Terminal Europa avec PSA, lequel fonctionne à pleine capacité.
« Urgence de la fusion »
Après des années de négociations, les deux ports belges, ont convenu en novembre de sceller leur union, donnant naissance à une entité commerciale baptisée « Port of Antwerp-Bruges » avec un actionnariat détenu à 80,2 % par la ville d’Anvers et à 19,8 % par celle de Bruges. L’Autorité belge de la concurrence a donné son feu vert le 7 janvier.
L’ensemble consolide un trafic maritime de 278 Mt et plus de 15 % du transit de gaz en Europe. Plus grand port à conteneurs en Europe ? Antwerp-Bruges le sera sans doute en tonnage (139 Mt pour Anvers, 18 Mt pour Zeebrugge en 2020) contre 151 Mt pour Rotterdam. Mais en EVP, les données sont biaisées car Zeebrugge comptabilise comme trafic conteneurisé tous les conteneurs sur châssis transportés en ro-ro par les nombreux rouliers qui desservent le port côtier belge.
« Par rapport au premier trimestre 2021, tous les trafics [58,3 Mt, - 1,5 % par rapport à la même période l’année dernière, NDLR], à l'exception des conteneurs, sont en progression. Les problèmes de la chaîne logistique se reflètent dans ces chiffres, explique Jacques Vandermeiren, CEO de l'Autorité portuaire d'Anvers. Ils confirment que, grâce à la fusion, nous sommes mieux armés pour faire face à l'avenir. Avec Zeebrugge, nous avons la possibilité de renforcer encore notre position dans la chaîne logistique internationale, et ce, dans le contexte géopolitique et macroéconomique complexe actuel. »
Limites des capacités actuelles
Pour la direction, ils traduisent aussi les limites de l’infrastructure actuelle : « une capacité supplémentaire de conteneurs est indispensable pour consolider notre position en tant que port mondial », estime Annick De Ridder, échevine à Anvers et présidente de l'Autorité portuaire d'Anvers.
L’Autorité portuaire d'Anvers et PSA Antwerp, qui gère le Terminal Europa (avec MSC), ont lancé les travaux sur le premier terminal à marée de conteneurs mis en service en 1990 à Anvers. Le tirant d'eau maximal actuel des navires est de 13,5 m. Pour accueillir les plus grands conteneurs dans de meilleures conditions nautiques, la profondeur du terminal sera aligné sur le tirant d'eau maximum d'environ 16 m lors de la navigation à contre-courant. Pour réaliser cet approfondissement, le linéaire de quai actuel, d'une longueur de près de 1 200 m, doit être complètement démoli. Il sera équipé dans le même temps de l’électrification à quai.
Afin de limiter l'impact, les travaux seront réalisés en trois phases. Cela permettra à une grande partie du terminal de rester opérationnel tandis qu'une autre partie de la capacité sera détournée vers le PSA Terminal Mer du Nord.
« Grâce à cet approfondissement, le terminal Europa pourra atteindre son objectif de terminal à conteneurs en eaux profondes. Lorsque les travaux seront terminés, nous serons en mesure de traiter simultanément deux mégamax dans un terminal flambant neuf et innovant », avait souligné Jan Van Mossevelde, directeur général de PSA Antwerp, en mars 2021, lors du lancement des travaux.
En dehors du conteneur, les trafics haut en couleur
En dehors du conteneur, le conventionnel a progressé de 49,1 % par rapport au faible premier trimestre de 2021, à près de 3 Mt. Les exportations d'acier, le principal groupe de produits dans ce segment, sont stables. Les sanctions qui interdisent les importations d'acier en provenance de Russie et de biélorussie depuis la mi-mars n'ont pour l’heure qu'un effet limité sur le transbordement. « Ces flux sont remplacés par des importations en provenance d'autres pays, car l'UE a redistribué les quotas d'importation d'acier à d'autres pays exportateurs d'acier », justifie la direction.
Le roulier (1,27 Mt) affiche une croissance plus assagie (+ 2,4 %) depuis l'exceptionnel dernier trimestre 2021. Les problèmes de la production automobile affectent inévitablement les trafics.
Quant aux vracs, le trafics d'engrais a chuté (- 19,6 %), partiellement en raison des sanctions prises contre la Russie mais également de la forte hausse des prix. Mais les minerais, le charbon et, surtout, les céréales, ont largement compensé pour que vrac sec affiche une croissance de 11 % par rapport à la même période de l'année dernière, à 3,78 Mt.
En contraste avec le conteneur défaillant, les vracs liquides reprennent leur statut de trafics de rente pour le numéro deux portuaire européen : en hausse globale de 15,3 % par rapport au premier trimestre 2021 (18,9 Mt), ils bondissent de 16,6 % pour les dérivés pétroliers et autant pour les produits chimiques en dépit des difficultés dues aux prix élevés des matières premières. Sans en donner le tonnage, Anvers fait du « doublement des biocarburants » l’élément « frappant » du segment pour le trimestre.
Adeline Descamps
Quel impact la guerre entre la Russie et l’Ukraine ?
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