Redistribution des cartes sur le range portuaire nord-européen et remodelage des offres en 2025

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Les mouvements au sein de trois des quatre alliances qui vont opérer à partir du 1er février 2025 ne sont pas neutres pour les ports au débouché des lignes réorganisées, que ce soit en Europe ou en Asie. Au-delà, le remodelage des services, qui en découle, réaménage le range nord-européen et accouche de deux types d'offres. Quantité de navires ou qualité de services, dans quel camp se gagneront les 5 MEVP encore captifs sur le range nord-européen d'ici 2030 ?

- 2 à London Gateway, + 2 à Felixstowe, - 4 à Anvers, + 1 à Hambourg, - 1 à Bremerhaven, + 1 au Havre et zéro à Rotterdam. C’est le nombre de services qui seront perdus ou gagnés dans les principaux ports du range nord-européen à compter du 1er février 2025. Le remembrement des alliances, déclenché par la dislocation de l’alliance entre les deux plus grands transporteurs de la ligne conteneurisée, Maersk et MSC, va redistribuer les cartes sur le range nord-européen l'an prochain. Et c’est à Anvers que le tohu-bohu coûtera le plus cher en termes de pertes de services mais la nouvelle coopération entre Maersk et Hapag-Lloyd, dont le réseau s'apparente à une organisation « hub and spoke », coûte cher à certains ports.

Les mouvements au sein des alliances entre les compagnies de ligne se sont accélérés. Les trois transporteurs asiatiques Ocean Network Express (ONE), HMM et Yang Ming ont convenu de poursuivre leur coopération à l’issue du départ d’Hapag-Lloyd, au sein d’une nouvelle structure, dénommée Premier Alliance, qui prendra le relais à partir de février 2025 de l'actuelle THE Alliance.

La nouvelle alliance collaborera avec MSC sur le trade Europe-Asie tandis que le leader mondial s'appuiera sur ZIM pour la route Asie- côte Est des États-Unis/Golfe des États-Unis où les deux partenaires aligneront six services hebdomadaires. Une fois sorti de l'alliance dd'avec Maersk en janvier 2025, MSC opérera 34 boucles sur cinq routes, dont sept entre Asie et Europe du Nord, six entre Asie et Méditerranée, quatre entre Asie et la côte ouest-américaine, six vers la côte est-américaine et 11 sur le trade transatlantique.

Répliques en cascade

Ces répliques en cascade au sein de trois des quatre alliances qui vont opérer à partir du 1er février 2025 ne sont pas neutres pour les ports au débouché des lignes réorganisées, que ce soit en Europe ou en Asie.

Sur le trade Asie-Europe, Rotterdam est le seul port pour lequel le remaniement est une opération blanche. Le port néerlandais est actuellement touché par quatre rotations de THE Alliance [Hapag-Lloyd, ONE, HMM et Yang Ming], nom actuel de l'alliance qui s'effacera derrière Premier Alliance en février, et quatre de 2M [MSC, Maersk] ainsi qu’une en solo par MSC. Il le sera toujours en février et il a été le plus gâté par Gemini (4 services).

La situation est tout autre pour son challenger Anvers, qui est le plus mal loti par le remodelage des lignes. Le port belge disposait jusqu’à présent du même nombre de boucles que son grand voisin. Mais, dès février, les porte-conteneurs à la lignée bleue de Maersk et orange de Hapag-Lloyd seront absents de ses quais. Anvers-Bruges sera alors desservi par le biais de navettes régionales reliant Tanger Med, Algésiras ou Rotterdam. Seul MSC y maintient ses opérations dont son service à fort volume, le Lion. Les anciens partenaires d’Hapag-Lloyd, tous asiatiques, maintiendront une seul des deux escales.

Loger dans ses murs le siège d’un grand armateur n’est pas une garantie mais Hambourg gagne une boucle (7 au total) grâce à la coopération Gemini entre Maersk et le fleuron national Hapag-Lloyd, qui y ont fléché deux de leurs futures rotations alors que port allemand est actuellement concerné par une seule grande ligne de 2M et trois de THE Alliance, qui devenue Premier, maintiendra son réseau. À noter que MSC maintient ses deux grandes boucles.

Si son voisin, Bremerhaven, ne perd qu'une rotation (soit quatre au total), il était jusqu'à présent l'un des plus considéré par l'alliance entre Maersk et MSC avec cinq lignes. MSC en maintient deux. il bénéficiera de la même couverture (en nombre de services) par les porte-conteneurs de Maersk et d'Hapag-Lloyd

MSC, carte maîtresse au Havre

Au Havre, Haropa bénéficie du nouveau réseau de MSC (trois lignes). Il partait de zéro ligne, il en gagne trois. L’inverse aurait été déroutant au regard des investissements consentis (plus de 900 M€) par le leader mondial, qui a promis de tripler les flux conteneurisés du port normand pour les porter à 4,5 MEVP. Mais avec la nouvelle coopération entre Maersk et Hapag-Lloyd, c’est zéro services.

« On gagne des lignes de MSC, on préserve celles de CMA CGM et nous pouvons aussi compter sur Premier alliance qui va assurer un certain nombre de services, réagit à ce sujet Kris Danaradjou, le directeur général adjoint d’Haropa Port, seul aux manettes opérationnelles depuis le départ précipité de Stéphane Raison. « Sur le trade Europe-Asie, en s'appuyant sur les dernières annonces, on progresserait en nombre de services, puisqu'on passerait de 5 à 7. Et sur les lignes vers les États-Unis, on préserve l'ensemble de nos capacités d'export. Les nouvelles sont plutôt rassurantes à ce stade, voire satisfaisantes », explique-t-il.

Le premier port français pour les conteneurs devra néanmoins se contenter de la fréquence des feeders pour ce qui est de Maersk et Hapag-Lloyd. Les navires-mères des deux armateurs européens ne seront plus assurés alors que le port normand est actuellement desservi directement par des unités de 15 000 à 24 000 EVP.

Pour le Royaume-Uni, le bilan est mitigé. London Gateway est mieux servi par le duo Maersk/Hapag-Lloyd qu’il ne l’était par Maersk et MSC mais quand ONE, Yang Ming, HMM était avec Hapag-Lloyd, le port britannique était concerné par trois rotations. En février, sans l’armateur allemand, les compagnies asiatiques déclareront forfait. Tout comme à Felixstowe, qui perd les deux services de THE Alliance mais en gagne trois grâce au nouvel accord de Maersk et Hapag-Lloyd. Les membres de Premier Alliance ont donc préféré Southampton puisqu’ils y maintiennent deux escales hebdomadaires.

La puissance de feu de MSC brille de mille feux. Dans tous les ports du range nord-européen, il augmentera ses touchés (c’est le cas de Rotterdam, de Bremerhaven et du Havre) et au pis les maintiendra (c’est le cas à London Gateway, d'Anvers, Hambourg). Le port français est le seul à amasser autant de nouveaux services (3), mais en partant de zéro.

En Asie, des ports perdants également

À l’autre bout de la ligne, Yantian, situé au sein de la ceinture manufacturière du delta de la rivière des Perles, et Ningbo, premier port mondial en tonnage et troisième port à conteneurs mondial, vont perdre respectivement 3 et 1 ligne(s). Le malaisien Tanjung Pelepas traitera également moins de navires de grande ligne, perdant deux escales hebdomadaires.

De ce côté-là du trade, c’est Singapour qui rafle tout. MSC va opérer six services contre deux actuellement et Premier Alliance, huit contre sept avant. Le port de la cité-État sera donc desservi par 17 lignes issues des trois alliances remaniées Gemini, MSC, et Premier Alliance

Cai Mep, en plein essor depuis plusieurs années, ressort aussi mieux logé, mais dans une moindre mesure, avec deux boucles de plus. Si le port vietnamien sera desservi par transbordement à Tanjung Pelepas par Gemini, il recevra bien des escales supplémentaires de MSC et de Premier Alliance.

12 services entre Asie et Europe

Selon les données d’Alphaliner, le trade Asie-Europe est actuellement couvert par cinq boucles de 2M, deux services autonomes de MSC et quatre rotations de THE Alliance. Au 1er février, 11 services actuels seront remplacés par quatre de Gemini, MSC et de Premier Alliance chacun (soit 12 au total). Le réseau exploité par Ocean Alliance [CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen] reste a priori inchangé par rapport à son réseau « Day 8 » existant, en vigueur depuis avril 2024.

Autre fait notable, les quatre lignes de Gemini auront un total de 28 escales, ce qui donne une moyenne de sept par boucle quand le même nombre des services autonomes de MSC desserviront pas moins de 55 ports, soit le double par rapport à Gemini et Premier Alliance, 49 ports soit 12 par rotation.

MSC en mesure de rivaliser avec plusieurs transporteurs réunis

Mais de ce remodelage, c’est MSC qui détonne. « Les créneaux d'échange prévus par MSC avec Premier (Asie-Europe) et ZIM (transpacifique) ont dissipé toute crainte de ne pas pouvoir concurrencer les autres alliances sur une base autonome », résume le consutant Drewry, estimant même qu’il est sera en position de force sur Ocean : « il sera le leader du marché, sur la seule base du nombre de boucles de lignes principales, sur trois des six liaisons Est-Ouest : Asie-Europe du Nord (7 boucles), Asie-Méditerranée (6 boucles) et Europe du Nord-Amérique du Nord (6 boucles) ».

Mais malgré son échange de créneaux horaires avec ZIM, le transpacifique restera son talon d'Achille, où ses quatre services Asie-Côte Ouest-Amérique du Nord ne peuvent pas rivaliser avec les 11 d'Ocean et les 10 de Premier.

Portefeuille moins équilibré pour Ocean Alliance

Ocean Alliance, contrairement à MSC, dispose d’un portefeuille de services moins équilibré, avec un fort penchant pour le transpacifique tandis que son point faible est le transatlantique, avec seulement trois services couvrant les régions Amérique du Nord-Europe du Nord et Méditerranée. Ces routes n’étant pas incluses dans l'accord d'échange de créneaux entre MSC et Premier, un accord entre ce dernier et le réseau formé par CMA CGM, Cosco et Evergreen n'est pas improbable.

« À partir de 2025, il y aura deux grands réseaux : MSC (et ses partenaires) et Ocean Alliance contre deux plus petits, Premier et Gemini, le premier déployant environ 30 % de boucles hebdomadaires de plus que le second », ajoute Drewry, critique à l’endroit de Gemini. « La coopération ne présente aucun avantage comparatif dans aucun trafic spécifique en ce qui concerne le nombre de services, se classant en dernière des alliances sur les trade Asie-côte est-américaine (3 ou 2 services selon l’itinéraire Suez/Bonne Espérance), Asie-Europe du Nord (4 boucles) et Asie-Méditerranée (3).

Certes mais Maersk et Hapag-Lloyd n'ont jamais dit qu’ils cherchaient à aligner une quantité de navires mais au contraire, à apporter une qualité de service avec notamment une fiabilité horaire de 90 %. Quantité ou qualité, dans quel camp se gagnent les futurs parts de marché ? Selon Kris Danaradjou, il y aurait encore 5 MEVP à grignoter d'ici 2030 sur le range nord-européen.

Adeline Descamps

 

 

 

 

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