Le budget carburant est l’un des postes d’exploitation les plus importants du navire et son prix a connu de grandes fluctuations au cours des derniers mois, dans la foulée de la guerre en Ukraine, avec une nouvelle dynamique qui n’avait pas été observée depuis des années. Les prix du fuel lourd (3,5 % de teneur en soufre, encore autorisé s’il est brûlé en combinaison avec des dispositifs d’épuration des gaz de cheminée, scrubbers), ont chuté d’environ 30 % au cours du premier semestre 2023 par rapport à 2022.
Ceux des carburants à faible teneur en soufre, tels que le VLSFO (moins de 0,1 %) et le MGO (diesel marin), se sont répliés de manière plus significative encore, ce qui a entraîné une réduction des écarts entre les différents carburants. Ce faisant, les arguments en faveur de l’installation des scrubbers perdent de l’acuité car la période d’amortissement du coût d’installation s’en trouve allongée. La contraction du prix du HFO par rapport au VLSFO – appelé l’écart Hi5 –, se traduit par des économies sur la facture de carburant. Plus l’écart est important, plus les navires équipés de scrubbers réalisent des économies.
Or, il s’est effondré à 73 $ par tonne, selon Ship & Bunker sur la base des prix moyens observés dans les vingt principaux hubs de soutage. Le différentiel était encore de 420 $/t en juillet 2022. Selon les données de Clarksons Securities, à cette époque, les très gros transporteurs de brut équipés de scrubbers économisaient 24 000 $ par jour en frais de carburant. Les gains ne sont plus désormais que de 3 400 $/j.
En supposant qu’une tonne de VLSFO émette environ 3,15 t de CO2, un prix du carbone de 80 € par tonne et de VLSFO à 500 $ pourraient gonfler les coûts de carburant de plus de 50 %. En fonction du type de navire, du trajet spécifique et des escales, ainsi que des coûts du carburant et des prix réels du CO2, les coûts des trajets Est-Ouest pourraient donc se renchérir de plus de 20 % en 2026.
Au-delà de l’écart exceptionnellement faible entre le VLSFO et le HFO, l’autre anomalie concerne le gaz naturel liquéfié, qui a été moins cher que le VLSFO en mai, juin et juillet et qui s’est aligné en juillet sur le HFO dans le port de Rotterdam, pour la première fois depuis plus de deux ans. Durant la majeure partie de l’année 2022, la propulsion au GNL a été très coûteuse. Depuis, les prix ont fortement chuté pour atteindre, dernièrement, moins de 500 $ la tonne. Le secteur du transport maritime a misé massivement sur le GNL en tant que passerelle entre les énergies fossiles et ce qui adviendra (méthanol, ammoniac, hydrogène…). L’option GNL dans le coût de construction d’un navire se paie chèrement, jusqu’à 25 M$ de plus que son équivalent avec un carburant fossile. Les armateurs n’ont plus qu’à espérer que le GNL sera suffisamment compétitif pour justifier leurs investissements d’autant qu’ils ne savent toujours pas comment le carburant de transition sera traité par le système européen d’échange de quotas d’émission et dans le cadre de l’éventuelle taxe mondiale sur le carbone, que l’Organisation maritime internationale pourrait mettre en œuvre d’ici à 2027.