Dans certains pays, l’intermodalité est naturelle grâce à la densité des réseaux fluviaux et ferroviaires. Dans d’autres, à l’instar de la France, du Royaume-Uni ou encore de l’Espagne, le tout-camion règne sans partage.
Au fil des décennies, le rail a néanmoins pris du poids dans la conception européenne de l’intermodalité, tournée vers l’Europe alpine, puis l’Europe centrale. L’intérêt pour le train est plus récent en Espagne et en France.
Les armateurs n’ont pas, non plus, été constants dans leur appétence pour le rail. Ils s’y sont intéressés puis détournés, mobilisés par d’autres ambitions. Maersk a ainsi vendu ERS en 2013 et CMA CGM, Greenmodal en 2017, abandonnant la discipline aux spécialistes historiques (DB, SNCF, Lineas, Hupac) à de nouveaux entrants (CGA, Contargo), voire aux manutentionnaires, tels les deux colosses allemands HHLA (Metrans, Polzug) et Eurogate (BoxXpress, Eurogate Hungary, Contship Italia).
MSC apparaît toutefois à contre-courant, avec la reprise de CP Carga en 2013. Medway, la branche ferroviaire de MSC, est l’héritière de cette division cargo des chemins de fer portugais. La filiale, rattachée à Medlog, le commissionnaire de transport du groupe, a pris progressivement des positions en Espagne, en Italie et en Belgique. Sa maison mère est devenue en 2023 coactionnaire de Renfe Mercanciàs et a signé un partenariat avec Mercitalia Logistics, des chemins de fer publics italiens. Sans oublier que la prise de participation de MSC dans le capital de HHLA lui ouvre l’accès aux moyens ferroviaires du groupe allemand à Hambourg, mais aussi à Luka Koper (Slovénie).
La montée en puissance du groupe détenu par la famille Aponte dans la manutention havraise à Port 2000 lui offre aussi une place au balcon de la plateforme trimodale à construire de Bruyère-sur-Oise. À l’évidence, le transporteur de Genève fait le pari de l’intermodalité européenne et la France est encore une pièce manquante à son puzzle.
Que font les autres? Dans la mouvance de Maersk, il existe en Espagne une entité baptisée APM Spain Railways. CMA CGM a repris en 2021 l’opérateur espagnol Continental Rail. La branche ferroviaire de Hutchison Ports, le manutentionnaire du terminal BEST à Barcelone, a prouvé avec ses lancements successifs de services ferroviaires son appétence pour le sud-ouest français. Cosco a une petite activité dans les Balkans avec Ocean Rail Logistics à Rijeka (Croatie), en attendant que la performance ferroviaire depuis Le Pirée soit satisfaisante…
Quel est l’enjeu du ferroviaire conteneurisé aujourd’hui? Le « drainage » concurrentiel passe par le rail. Le combat n’est pas en Europe du Nord et du Centre, terrains déjà labourés, mais au Sud. D’autant plus que la comptabilité CO2 va obliger à rationaliser les itinéraires maritimes et terrestres.
Actuellement, en dehors des gros marchés ferroviaires, tous en Allemagne et au Benelux notamment, les nouvelles ambitions ferroviaires affichées semblent se concentrer sur les périphéries. Ainsi peut-on lire les intérêts espagnols pour l’hinterland français (Sud-Ouest, Lyon), ceux des ports français pour le quart Nord-Est de l’Hexagone, dont témoigne la liaison Dunkerque-Metz du groupe havrais Sogestran, tandis que les ports adriatiques, Trieste, Koper et Rijeka, se polarisent sur l’Europe centrale.