Forte croissance de la taille des navires sur le trafic Asie-Amérique du Nord
Au cours des cinq dernières années, la taille moyenne des porte-conteneurs a connu la plus forte croissance sur le trafic Asie-Amérique du Nord (+ 17 %, de 9 622, contre 8 225 EVP) et dans les services liés à l’Afrique (+ 17,5 %).
À l’exception de deux porte-conteneurs de MSC de 19 400 EVP déployés dans le cadre d’un service de 2M entre la Chine et la côte ouest-américaine (TP2/Jaguar) et de quatre autres exploités par Cosco entre l’Asie et le Moyen-Orient, tous les porte-conteneurs de plus de 19 000 EVP (164) sont actuellement actifs entre l’Asie et l’Europe.
Malgré la livraison en masse de 24 000 EVP au cours des derniers mois, la taille moyenne des navires opérant sur ce trade n’a étonnamment augmenté que de 6,1 % depuis 2018, bien en deçà de la croissance moyenne de l’ensemble de la flotte mondiale (11,4 %).
Plusieurs facteurs concomitants ont contribué à faire baisser la moyenne d’exploitation. À la suite de la suspension des services à destination et au départ des ports russes par la quasi-totalité des grands transporteurs (à l’exception de MSC), des « petites compagnies » (Hainan Yangpu Newnew Shipping, Fesco, Mountain Air Shipping, OVP Shipping, Safetrans) y ont déployé une trentaine de navires de petite taille. Aussi, deux compagnies entrées sur le marché à la faveur de la pandémie de Covid-19 – Kalypso Compagnia di Navigazione (filiale de la société italienne de transport RifLine) et Tailwind Shipping (créée par le groupe mère du grand distributeur Lidl) – exploitent quatre navires de 2 518 EVP et neuf unités de 800 à 6 100 EVP.
Enfin, avec son service ZIM Med Premium (ZMP) depuis et vers la Méditerranée orientale, qui exploite des porte-conteneurs de 4 200 à 5 100 EVP, ZIM a également tiré vers le bas la taille moyenne.
10,5 MEVP affectés par le marché carbone européen
Selon les données d’Alphaliner, au moins 10,5 MEVP devraient être affectés par l’intégration du transport maritime dans le système européen d’échange de quotas d’émission (ETS ou SCEQE) qui entre en vigueur le 1er janvier 2024, ce qui équivaut à plus de 37 % de la flotte de porte-conteneurs.
La majorité du tonnage affecté se trouve sur le trafic Asie-Europe, où une capacité de 5,7 MEVP est alignée. Les trafics transatlantique et intra-européen représentent chacun une capacité d’environ 1,1 MEVP.
Les transporteurs ont confirmé qu’ils répercuteraient le coût de l’achat des quotas de carbone. Cosco facture, à ce stade, la surcharge la plus élevée sur trois des quatre principales lignes.
Outre le prix, il existe également une grande différence dans le nombre de suppléments par transporteur. Certaines compagnies, telles que ZIM et CMA CGM, ont regroupé un grand nombre de trafics dans des catégories générales, ne mentionnant que neuf et six surcharges. A contrario, Hapag-Lloyd cite 43 suppléments, décomposant les services transatlantiques, par exemple, en dix trafics différents.
Les feeders rattrapés par le vieillissement
La flotte européenne de feeders de 300 à 1 500 EVP (465 navires, 417 300 EVP) vieillit rapidement, notamment pour ceux de 700 à 999 EVP, un des piliers de la flotte européenne du feeder (160 navires).
Le marché de l’affrètement toujours déprimé et les prix relativement élevés des constructions neuves en Europe ont peu à peu éloigné les propriétaires de navires, non-exploitants (NOO), de ce marché, d’autant plus que leurs clients affréteurs sont très peu disposés à contractualiser les affrètements à long terme nécessaires pour soutenir les investissements.
Aussi, tous les chantiers européens (principalement allemands), spécialisés dans la construction de ces petits navires équipés pour la navigation de classe glace, ont déserté le marché de leur construction. Selon Alphaliner, un nombre croissant de navires plus grands (1 100-1 500 EVP) ou de type bangkokmax (1 700 à 1 900 EVP) peut prendre le relais en Europe, voire être construit en Asie avec des caractéristiques de classe glace pour les trafics européens. X-Press Feeders a ainsi introduit deux calcuttamax construits en Chine pour les routes intra-européennes et un bangkokmax de 1 809 EVP. Plusieurs transporteurs, dont MSC, CMA CGM, Cosco et Maersk, déploient désormais des bangkokmax récents. Maersk a été un pionnier en ce qui concerne le surdimensionnement en mer Baltique, avec sept unités de la classe winterpalace (3 596 EVP) en 2018 et 2019. MSC a dix feeders de 1 800 EVP en commande (le premier est le MSC Jiani).
La substitution progressive de navires plus grands sur le marché européen, qui nécessitera une consolidation des volumes sur certains itinéraires, s’accompagne d’une montée en gamme dans l’efficience énergétique.
CMA CGM a opté pour le GNL (moteur principal) pour ses dix nouveaux feeders intra-européens (le premier sera le CMA CGM Mermaid, livraison imminente). Le tout nouveau Laura Maersk (2 100 EVP) est au méthanol.
MPC Group et North Sea Container Line vont produire conjointement, pour le trafic côtier nord-européen, deux porte-conteneurs de 1 300 EVP au méthanol (double carburant) et seront équipés de batteries au lithium d’une capacité de 250 kWh.
L’armateur islandais Samskip a confié au chantier naval indien Cochin Shipyard la conception et la construction de feeders de 730 EVP équipés de piles à hydrogène dans le cadre d’un système d’alimentation hybride avec un générateur diesel d’appoint. Ils seront spécialement conçus pour des conteneurs de 45 pieds, populaires dans le le transport maritime de courte distance européen.
Des commandes en masse
Sans être refroidis par la conjoncture et le spectre d’une surcapacité structurelle, les transporteurs ont continué à passer des commandes en 2023. Entre janvier et octobre, 187 navires ont été ajoutés au carnet mondial totalisant 1,75 MEVP en plus des 7,88 MEVP, ce qui équivaut à près de 29 % de la capacité actuelle de la flotte.
Les unités propulsées au méthanol ont représenté 52 % des nouveaux contrats de construction, et avec ceux au GNL (31 %), la part totale des « commandes vertes » s’élève à 83 %.
CMA CGM a été en tête, de ce point de vue, l’an dernier, avec dix porte-conteneurs de plus de 23 000 EVP au GNL, huit navires de 9 200 EVP (commande commuée du méthanol au GNL) ainsi que douze de 15 000 EVP et douze de 13 000 EVP au méthanol (double carburation). Au total, le transporteur marseillais a investi 6,5 Md$ pour 36 navires.
Evergreen a, quant à elle, opté pour le méthanol comme carburant de substitution pour 24 autres de 16 000 EVP, moyennant un investissement de 4,62 Md$.
MSC a étoffé sa flotte au GNL de vingt autres de 10 300 et 11 400 EVP auprès de Zhoushan Changhong.
Maersk a porté son carnet de commandes à double carburation au méthanol à 24 unités.
Les contrats signés en 2023 pour 76 unités à double carburant au méthanol portent à 139 la future flotte avec le combustible jusqu’à présent inexploité dans le conteneur.
Maersk en perte de capacités
Avec 15,2 % du marché mondial, Maersk, le plus grand opérateur mondial de porte-conteneurs jusqu’en 2022 et désormais numéro deux, de la tendance des autres transporteurs du top 10 dont l’emprise sur le marché est passée de 81 à 84 % au cours des cinq dernières années. La part de marché de Maersk a chuté de 18,5 à 15,2 % quand celle de MSC a gagné quatre points pour s’établir à 19 %.
Cette situation ne devrait pas évoluer, l’armateur danois ayant le plus petit carnet de commandes au prorata de sa flotte existante, avec seulement 406 400 EVP, soit 9,8 % de sa capacité de 4,1 MEVP. Si Maersk a 24 mégamax au méthanol en construction, ils sont destinés à remplacer certains de ses plus vieux navires.
À fin juillet 2023, le groupe avait conclu 36 affrètements, contre 400 à 500 par an avant la pandémie et 100 en 2022. Maersk partage cette situation avec ONE, dont la capacité est en baisse de 1 % par rapport à 2018, mais le transporteur japonais s’est engagé à investir 20 Md$ d’ici 2030 afin de mettre à l’eau 150 000 EVP, ce qui pourrait porter sa flotte à 2,3 ou 2,4 MEVP d’ici la fin de la décennie.
Cosco a fait abstinence de tout pendant l’ère du Covid (commandes et affrètements), si bien que sa participation au marché a baissé de 1 % et celle de sa société sœur, OCCL, de 4 % entre 2020 et 2022.