L’intérêt pour les grands porte-conteneurs reste élevé, malgré la livraison ininterrompue de nouveaux navires qui encombrent les lignes est-ouest où certains sont exploités dans des conditions à la limite de la rentabilité.
Le dynamisme de certains trafics Nord-Sud et régionaux – vers lesquels ont été redirigés des navires plus anciens ou plus petits depuis les lignes Est-Ouest surchargées – a « contribué à atténuer ce qui était perçu comme une surcapacité inévitable », estime Alphaliner, cabinet d’analyse de référence pour la ligne régulière. « Les marchés en croissance d’Afrique et d’Amérique du Sud, mais aussi les trafics liés à l’Inde ou aux échanges intra-asiatiques joueront un rôle de plus en plus important pour relancer la croissance dont le marché a besoin », ajoute le spécialiste.
Force est de constater qu’en 2023, année à problèmes pour le conteneur, l’affrètement de navires a plutôt bien résisté.
Quoi qu’il en soit, les propriétaires de navires ont accumulé ces deux dernières années un petit trésor de guerre, d’autant qu’ils ont négocié des contrats à des taux de fret élevés (jusqu’à six chiffres au pic de la crise) et pour des durées plus longues, ce qui permet de disposer d’une trésorerie confortable pour passer le gros temps. Et si la situation en mer Rouge continue de se dégrader et que la déviation par le cap de Bonne-Espérance gagne du terrain chez certains transporteurs, le marché de l’affrètement pourrait alors de surcroît compter sur de nouvelles embardées de leurs tarifs.
Pour l’heure, l’érosion des taux continue d’affecter certaines tailles, mais elle devrait se ralentir face à un portefeuille de navires disponibles qui s’assèche. Ceci est particulièrement vrai pour les 1 000 à 3 000 EVP, segment en difficulté ces derniers temps.
Les dernières transactions effectuées, notamment par Maersk qui s’est engagé pour une douzaine de navires (nouveaux contrats et prolongation), trompent l’œil. Car les taux d’affrètement pour les unités de moins de 5 500 EVP n’étaient pas à la fête. Toutefois, l’offre se resserre, en raison notamment du report des livraisons de nouvelles constructions d’une demande forte pour les bangkokmax, ces porte-conteneurs conçus pour desservir les terminaux aux contraintes physiques spécifiques de Bangkok (Thaïlande), Haiphong (Vietnam) ou encore Chittagong (Bangladesh), généralement affrétés à des taux supérieurs, surtout sur les trafics où ils peuvent tirer le meilleur parti de leurs caractéristiques.
Si la situation continue de s’améliorer, Alphaliner estime que le marché pourrait atteindre son niveau le plus bas dans ces tailles et se traduire par une stabilisation, voire un rebond des taux d’affrètement en 2024.
L’intérêt des transporteurs pour le tonnage de navires dans la catégorie des 7 500 à 13 000 EVP est resté vif l’an dernier. Compte tenu de l’offre encore limitée dans cette classe, les taux ont jusqu’à présent été peu affectés par le ralentissement du marché.
Maersk a récemment fixé deux navires de 13 092 EVP, les Hyundai Ambition et Hyundai Speed, contrôlés par Danaos et équipés de scrubbers, pour des périodes allant jusqu’à 36 mois à 51 500 dollars par jour. Le prix de référence pour une unité de 12 000 EVP est actuellement de l’ordre de 57 000 $ pour un emploi de 12 mois.
SeaLead, 19e transporteur mondial de conteneurs avec une capacité de 125 000 EVP et 27 navires (tous affrétés), a négocié deux autres unités de 10 114 EVP avec le propriétaire grec, les Express Athens et Express Rome, également pour des périodes de 36 mois, à un prix estimé de 37 000 $/j par Alphaliner.
Nonobstant les derniers événements géopolitiques qui pourraient complètement changer la donne, les ajustements des programmes de navigation renvoient un mauvais signal du marché.
La suspension par THE Alliance de deux boucles majeures est-ouest (FE5 entre Asie et Europe du Nord et EC4 entre Asie et côte est-américaine), qui impactent 22 navires de 13 000 à 14 000 EVP, soulève la question de leur affectation. « Certains d’entre eux resteront inutilisés jusqu’à ce que la situation du marché s’améliore ou seront redéployés. Il n’est cependant pas exclu que certains d’entre eux soient utilisés pour de courtes périodes sur le marché de l’affrètement, ce qui pourrait exercer une pression inattendue sur les taux d’affrètement dans ces tailles », supposent les analystes d’Alphaliner.
« Dans l’ensemble, les perspectives du marché de l’affrètement restent très incertaines en raison de l’évolution malsaine de la situation, tant du côté de la demande que de celui de l’offre », indiquait la société basée à Paris avant l’escalade en mer Noire, compte tenu du flux continu et massif de livraisons jusqu’en 2025.
Pour autant, la flotte inactive se résorbe. Au 18 décembre, il y avait 248 navires inactifs, qu’ils aient été retirés du marché faute de demande ou pour entretien, totalisant une capacité d’1,03 MEVP. Sur un mois, 38 navires ont retrouvé un emploi, vingt dans la dernière quinzaine de novembre et douze dans la première quinzaine de décembre.
Il est prématuré d’attribuer le fait aux perturbations en mer Rouge, facteur qui peut potentiellement doper la demande de navires. Mais ce n’est pas encore le cas. Le nombre de navires hors service pour des raisons commerciales est resté stable, à 120 unités, et la capacité immobilisée a même augmenté sur les 15 premiers jours de décembre.
À ce stade, ce sont surtout les sorties de cales sèches qui expliquent le retour des navires en mer. Treize navires d’une capacité de 85 900 EVP ont quitté les chantiers navals, le tonnage en entretien tombant à 64 000 EVP.
Toutefois, en dépit de la détérioration du marché, la flotte inactive ne représente que 3,7 % du total mondial en exploitation.
Le plus grand propriétaire mondial de porte-conteneurs (153 navires et un carnet de commandes de 42 navires) a vu ses revenus et ses bénéfices augmenter au cours du troisième trimestre, alors que les taux de conteneurs poursuivaient leur inexorable chute.
Seaspan, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 442,7 M$ entre juillet et septembre (dernières données disponibles), contre 384,9 M$ un an plus tôt, et un bénéfice d’exploitation (Ebitda) de 303 M$ (contre 252 M$), se porte bien grâce à ses contrats à long terme signés durant la pandémie. La compagnie a été retirée de la bourse en début d’année lorsqu’un consortium, dans lequel figure ONE, a repris sa société mère, Atlas Corp.